Paris : Place des Vosges, les grandes destinées d'une place royale - IIIème / IVème



La place des Vosges, établie par la volonté du roi Henri IV, à deux pas de la Bastille, sous le nom de place Royale, est la plus ancienne de Paris. Tracée juste avant la place Dauphine dont je vous parlais ici, sœur de la place Ducale de Charleville Mézières, construite celle-ci en 1606 par Clément Métezeau, frère de Louis Métezeau l’un des architectes de la place parisienne, elle présente un exemple rare d’unité de style préservé. Elle constitue lors de son édification une ouverture dans le tissu urbain compact du Marais médiéval aux limites de la ville. L’idée originelle portée par Henri IV est de créer une enclave marchande et artisanale autour de manufactures censées concurrencer celles de Lyon et Milan. Mais propriétaires de terrains et aristocrates en décident autrement. Ils transforment cette place publique en enceinte résidentielle à caractère privé. Depuis ses origines, la place Royale devenue place des Vosges accueille sur ses rives personnalités du monde politique, médiatique et artistique. Madame de Sévigné, Bossuet, Victor Hugo, le duc de Sully, Colette, Isadora Duncan, Georges Simenon, Francis Blanche, Jean-Edern Hallier, DSK, Jack Lang, depuis peu Xavier Niel, la place des Vosges est le rendez-vous des puissants et des célèbres.










La place Royale a été développée sur l’ancien emplacement de la maison royale des Tournelles entièrement disparue. Cette demeure des rois de France a été démolie sur l’ordre de Catherine de Médicis qui y vit mourir son époux, Henri II, à la suite d’une blessure reçue lors d’un tournoi sur la place en 1559. Les terrains vendus sont un temps occupé par un marché aux chevaux. En 1603, Henri IV souhaite voir s’établir aux limites de la ville, une manufacture de soie, d’or et d’argent afin que Paris puisse rayonner à l’instar de Lyon, Milan ou Tours. Cristal, cuir, tapisserie, étoffes et particulièrement la soie sont autant de productions prestigieuses qui doivent selon lui se développer dans la Capitale.

Le projet est placé sous la direction de six investisseurs privés, riches bourgeois auquel le roi cède des terrains pour qu’ils y établissent les infrastructures nécessaires ainsi que des logements pour les ouvriers. En juillet 1605, alors que débutent les travaux du pavillon du Roi qui sera terminé en 1607, la création de cette place Royale est officiellement annoncée.








Réunissant de nombreux talents, les plans originaux de la place Royale sont attribués à un ensemble d’architectes, Jacques II Androuet du Cerceau (1550-1614), Louis Métezeau (1560-1615), Claude Chastillon (1559-1616) peut-être aussi Salomon de Brosse (1571-1626). Des noms tout aussi prestigieux interviennent par la suite sur divers hôtels particuliers. Ainsi l’Hôtel de Sully attribué à l'architecte Jean Androuet du Cerceau (neveu de Jacques, né en 1585, mort en 1649) est remanié en 1660 par les architectes Simon Lambert et Francis Le Vau (1612-1670). 

De strictes règles de construction sont imposées aux différents propriétaires de terrains. Quatre travées constituent l’arcade enserrant la place. Chaque côté de ce carrée parfait doit comporter neuf pavillons. L’une des servitudes impose des façades uniformes en pierre et briques rouges, briques remplacées parfois par des trompe-l’œil afin de diminuer les coûts. Les bâtiments sont tenus de comporter deux étages nobles, deux étages de combles et des toits très pentus en ardoise bleue. Seuls deux pavillons sont plus élevés que les autres, se faisant face au Sud le pavillon du Roi, au numéro 1 et au nord le pavillon de la Reine au numéro 28.








En 1607, alors que le roi demeure attaché à l’idée d’une place Royale point névralgique du commerce, les propriétaires des terrains rechignent à exécuter les plans d’installations des ateliers. Ils désirent plutôt que la place Royale devienne un espace résidentiel. Ils se réservent de larges parcelles et ne tiennent pas compte des échéances de constructions. Le roi transige et les ateliers de la manufacture de soie au Nord de la place sont détruits pour faire place à neuf pavillons identiques à ceux construits au Sud. Le quartier devient à la mode et la place Royale un lieu de fêtes, de célébrations officielles.

Elle est inaugurée en 1612 à l’occasion des fiançailles de Louis XIII et d’Anne d’Autriche, la fille du roi d’Espagne qu’il épouse en 1615. A cette époque, les soyeux sont remplacés par des locataires et de riches propriétaires. Les commerces ne réapparaîtront qu’au XIXème siècle. Les aristocrates qui s’installent autour de la place dès 1615 font appel à de grands artistes, le décorateur Charles Le Brun (1619-1690) ou le peintre Pierre Mignard (1612-1695) afin de mettre en valeur les trente-six pavillons.

En 1670, la place, jusque-là publique, devient un jardin clos. Le terre-plein sablonneux dédié aux exercices équestres est transformé. Il fait place à un ensemble d’élégantes allées sablées, de pelouses savamment entretenues. Une grille en fer forgé est posée en 1685. Les arbres seront plantés à la demande des riverains à la fin du XVIIIème.   



 





A partir de la Révolution, la place Royale va connaître de nombreux changements de nom. En 1792, elle devient place des Fédérés en l’honneur des 20 000 volontaires engagé dans ma défense de la ville contre l’invasion imminente des troupes prussiennes. En 1793, elle est la place de l’Indivisibilité.

En l’an VIII de la République, 1800 pour le calendrier grégorien, à l’initiative de Lucien Bonaparte, ministre de l’Intérieur, elle prend pour la première fois le nom de place des Vosges afin de rendre hommage au département des Vosges, le premier à s’être acquitté des impôts de la nouvelle République française et à avoir envoyé des volontaires nationaux issus de l’arrondissement de Remiremont pour renforcer les troupes.

Avec le retour de la Monarchie de 1814 à 1830, en 1816, Louis XVIII la nomme à nouveau place Royale. En 1830, avec la nouvelle Révolution, elle redevient place des Vosges sous l’impulsion de Louis-Philippe. Celui-ci est destitué par la Révolution de juin 1848. Elle prend le titre de place de la République. 

En 1852, le prince-président devenu empereur, Napoléon III, rétablit la dénomination de place Royale. En 1871, après la chute de l’Empire et l’avènement de la IIIème République, elle prend le nom définitif de place des Vosges à l’occasion du retour de dix-huit communes du département annexées avec l’Alsace-Lorraine par l’empire allemand.







Depuis les années 1960, la place est protégée par le plan de sauvegarde et de mise en valeur du Marais. Façades, édifices, configurations sont soumis à des règles strictes. Toute intervention, aussi minime soit-elle, nécessite l’accord de l'architecte des Bâtiments de France. 

Au centre de la place, le square Louis XIII tel qu’il est de nos jours a été classé au titre des Monuments historiques par arrêté du 26 octobre 1954. Les quatre fontaines iconiques conçues par Jean-Pierre Cortot sont alimentées par le canal de l’Ourcq. En son centre, une statue équestre de Louis XIII évoque celle en bronze élevée en 1639 en l’honneur du roi mais déboulonnée et fondue à la Révolution. La nouvelle oeuvre en marbre de Charles Dupaty et Jean-Pierre Cortot inaugurée en 1825, a été épargnée lors de la Révolution de 1848. Cependant à cette époque, le ventre du cheval menace de s’effondrer. C’est en 1852 que Napoléon III fait ajouter une béquille de pierre en forme de faux tronc d’arbre toujours présente.

Place des Vosges - Paris 4

Bibliographie
Le guide du promeneur 4è arrondissement - Isabelle Brassart, Yvonne Cuvillier - Parigramme
Le guide du patrimoine Paris - sous la direction de Jean-Marie Pérouse de Montclos - Hachette
Le Marais secret et insolite - Nicolas Jacquet - Parigramme

Sites référents 


Liste des différents hôtels particuliers bordant la place

n°1 Pavillon du Roi (Maître maçon, Jonas Robelin)

Numéros impairs, Hôtels à droite du pavillon du Roi (moitié Ouest de la place)

n°1 bis Hôtel de Coulanges
n°3 Hôtel de Saint-Hérem, puis d'Estrades
n°5 Hôtel de Castelnau, puis de Rotrou
n°7 Hôtel de Sully (accès au jardin de l'hôtel de Sully)
n°9 Hôtel de Chaulnes, puis de Nicolaï
n°11 Hôtel de Villacerf
n°13 Grand hôtel de Rohan
n°15 Hôtel Le Chanteur
n°17 Hôtel Larcher
n°19 Hôtel de Montbrun
n°21 Hôtel de Richelieu
n°23 Hôtel de Bassompierre
n°25 Hôtel de Lescalopier

Numéros pairs, Hôtels à gauche du pavillon du Roi (moitié Est de la place)

n°2 bis Hôtel de Phélypeaux, puis de Bouthillier
n°2 Hôtel de Seve
n°4 Hôtel Regnouart
n°6 Hôtel de Guéménée (musée Victor Hugo)
n°8 Hôtel Le Redde
n°10 Hôtel Chastillon
n°12 Hôtel de Castille, puis de Nouveau, de Dangeau, Le Tonnelier
n°14 Hôtel de La Rivière, puis Potier de Novion, de Canillac, de Villedieu
n°16 Hôtel de Leles
n°18 Hôtel de Tessé
n°20 Hôtel de Fieubet
n°22 Pavillon Marchant, puis hôtel d'Argenson
n°24 Hôtel de Saint-Géran, de Duras, puis de Boufflers
n°26 Hôtel de Blérancourt, puis d'Ormesson
n°28 Hôtel d'Epinoy (pavillon de la Reine)



Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie.