Lundi Librairie : Bloody Miami - Tom Wolfe



Bloody Miami - Tom Wolfe : A Miami, Nestor Camacho, jeune flic bodybuildé d’origine cubaine, vient d’être promu à la Patrouille Maritime, une unité d’élite. Dans la baie de Biscayne, un clandestin cubain qui se prétend dissident tente d’échapper aux autorités américaines. Il se réfugie sur un bateau de plaisance, hors d’atteinte en haut d’un mât de 20 mètres. Nestor dont les parents sont arrivés aux Etats-Unis sur un bateau de fortune avec des parasols en guise de voiles, est sommé par son chef, au péril de sa vie, d’aller récupérer le malheureux. La fin du voyage pour ce dernier. Lorsque Nestor rentre chez lui, dans la petite ville de Hialeah la véritable Little Havana, il devenu un traître aux yeux de sa communauté et de sa famille. Son action héroïque pour les uns est une trahison pour les autres. C’est le moment que choisit sa fiancée, Magdalena, une jeune infirmière qui rêve d’ascension sociale, pour le quitter. Maîtresse de son nouveau patron, un très médiatique psychiatre, spécialiste de la porno-dépendance, un drôle d’obsédé qui abuse plus qu’il ne traite des plus grands nababs de la ville, elle pense naïvement sortir du ghetto hispanique en usant de ses charmes. 

Lors de la foire d’art contemporain Art Basel Miami Beach, elle fait la connaissance de Sergueï Koroliov, un oligarque russe. Il vient d’offrir une vaste collection de tableaux, estimée à 70 millions de dollars, au nouveau musée de la ville, qui lui a rendu hommage en donnant son nom à l’institution. Alors que le rédacteur en chef du Herald Tribune Miami, Edward T Topping IV est terrorisé à l’idée de contrarier les puissants et de perdre ses privilèges, John Smith, un jeune reporter ambitieux, mène l’enquête sur ce don trop généreux pour être honnête avec l’aide de Nestor, qui a été saqué pour son exploit controversé. Il soupçonne les toiles d’être d’habiles faux. 

Satire acide d’une nouvelle Amérique pluriethnique mais communautariste, Bloody Miami explore les contradictions intrinsèques de cette mégalopole flamboyante dans une atmosphère saturée de dollars et de phéromones. Cette vaste fresque foisonnante est le quatrième roman fleuve de Tom Wolfe (1930-2018), inventeur du Nouveau journalisme avec Hunter S. Thompson, Truman Capote, Joan Didion, Norman Mailer, mêlant reportage et littérature. 

Sans tabou, il scrute le monde tel qu’il est à travers les trajectoires individuelles de ses personnages englobant avec panache tout le spectre social. Le romancier met en scène la cohabitation de communautés qui ne se mélangent pas et fait la lumière sur les rivalités, les ressentiments, la coexistence tendue et compétition féroce pour accéder au pouvoir. 

Miami est la seule ville au monde dont plus de la moitié des habitants sont issus d’une immigration de fraîche date. Fuyant le régime de Fidel Castro, la population cubaine qui s’est installée depuis 1949 en Floride forme une communauté soudée de langue et de culture étrangère. En une génération, devenue majoritaire, elle s’est établie à la tête de toutes les institutions par la voie légale des urnes.

Histoires croisées de lignées, Tom Wolfe télescope les intrigues en suivant le fil rouge d’un destin de flic qui du fait de son désir d’intégration ne se sent pas lié sentiment de loyauté à sa communauté, met le feu aux poudres où qu’il passe. Cette critique sociale d’un monde excessif et clinquant, féroce à l’image de l’époque, s’inscrit dans une veine sociologique, dans laquelle le récit prend une dimension politique. La prose échevelée de ce roman naturaliste moderne brosse un portrait précis, incarné abondamment documenté. 

Observateur acerbe de son temps, Tom Wolfe qui manie avec jubilation la caricature et le poncif, saisit sur le vif les errances de notre époque, sa vacuité morale et intellectuelle, l’argent roi, la lutte des classes, les identités blessées. Parfois inégal avec quelques longueurs, quelques complaisances, ce roman social tentaculaire nous entraîne avec frénésie dans tous ses excès.

Bloody Miami de Tom Wolfe - Traduction Odile Demande - Editions Robert Laffont - Edition de poche Pocket



Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie.