Paris : Arc de Triomphe du Carrousel, monument impérial et mécénat - Ier



L’Arc de Triomphe du Carrousel, à l’ouest du Musée du Louvre, rend hommage à la Grande Armée de Napoléon Ier et célèbre la victoire d’Austerlitz survenue le 2 décembre 1805, lorsque les troupes napoléoniennes ont pris le dessus sur celles de François Ier, empereur d’Autriche et Alexandre Ier, empereur de Russie. Napoléon, s’inspirant des arcs de triomphe antiques construits à la gloire des empereurs romains, commande son édification en 1805. Ce monument commémoratif, intégré à la place du Carrousel entre le palais des Tuileries et le quartier qui le sépare alors du Louvre, est également destiné à devenir l’entrée principale de la cour du palais. S’il a survécu à la Restauration et au grand incendie qui a détruit les Tuileries en 1871, l’arc de Triomphe du Carrousel fait aujourd’hui grise mine, dégradé par la pollution et le temps qui passe. De ce fait, il ne se visite pas. Afin de lui redonner tout son lustre, le musée du Louvre lance une souscription publique, ouverte jusqu’au 31 janvier 2019, dans le cadre du programme Tous mécènes. Depuis 2011, celui-ci permet à l’institution publique de faire appel au mécénat privé, à la générosité des particuliers et des entreprises, afin de mener à bien des projets d’acquisition d’œuvres ou de restaurations. En 2019, le Louvre souhaiterait se pencher sur le cas de l’arc de Triomphe du Carrousel et pour cela il lui faudrait réunir grâce aux dons, au moins 1 million d’euros sur les 5 prévus pour l’ensemble des travaux.





 Napoléon passant en revue ses troupes devant
l'arc de triomphe du Carrousel en 1810
eau-forte d'Auguste Boulard (fils) d'après François Flameng (1901)

Arc de triomphe du Carrousel Louis Pierre Baltard, 1815
Musée Carnavalet

La place du Carrousel en 1853


Un jour de revue sous l'Empire par Hippolyte Bellangé, 1862

Conduits par les architectes Charles Percier et Pierre Fontaine, les travaux de construction de l’arc de Triomphe du Carrousel sont menés en un temps record, de 1806 à 1808, alors que ceux de son grand frère, l’arc de Triomphe de l’Etoile, ne s’achèvent qu’en 1836. Si les dimensions finales de l’ensemble déçoivent un peu l’Empereur, les frises gravées, les textes et les diverses statues illustrent avec munificence la campagne de 1805 et la capitulation d’Ulm le 20 octobre 1805. Pierre-François Léonard Fontaine et Charles Percier choisissent d’emprunter à l’esthétique de l’arc de Constantin (313-315) à Rome, lui-même inspiré de l’arc de Septime Sévère à Rome et l’arc antique d’Orange, arc monumental romain du début du Ier siècle, qui marque l'entrée nord d'Arausio, de nos jours Orange à côté d’Avignon, sur la Via Agrippa. 

Elevé devant le palais des Tuileries, l’arc de Triomphe du Carrousel sépare la cour du palais de la place du Carrousel et face au quartier qui cache le palais du Louvre. Les proportions de l’édifice - 14,6 mètres de haut sur une base rectangulaire de 19,60 m sur 8 ,65 m - correspondent au site, à une époque où le pavillon Sully n’existe pas encore. Des entrées s’ouvrent sur chacune des quatre faces, les passages sur les faces latérales s’affirmant comme des innovations remarquées. Les trois arcades dans la largeur se complètent d’une quatrième transversale.  

Dominique Vivant-Denon, directeur du musée Napoléon, ancêtre du musée du Louvre, est chargé de choisir les décors qui seront essentiellement dessinés par Charles Meynier. Une importante équipe de sculpteurs, comprenant, entre autres, Pierre Cartellier, Clodion, François-Frédéric Lemot se joint à l’entreprise afin de réaliser la série de six bas-reliefs illustrant la campagne d’Allemagne et les victoires impériales de 1805.

Par mesure d'économie, il est décidé de réutiliser huit colonnes de marbre de Caunes-Minervois, appelé aussi marbre de Languedoc - un matériau de couleur rose pâle à rouge sang, veiné de blanc - colonnes conservées dans les magasins de l’Etat et provenant probablement du vieux château de Meudon, détruit récemment. L’arc est couronné d’une frise sculptée et gravée, en marbre tacheté rouge brun dit griotte d’Italie, laquelle est surmontée d’un chapiteau à corbeille corinthienne. Les larges tailloirs, tablettes carrées sur lesquelles reposent la retombée des voûtes sur la partie supérieure de ce chapiteau sont tracés à la romaine. L’ensemble est surmonté de statues de soldats de l’Empire en uniforme d’apparat, chacune représentant l’un des huit corps principaux de la Grande Armée. Pierre Cartellier réalise, côté est, un bas-relief représentant La Capitulation d'Ulm.







L’arc de Triomphe et le Palais des Tuileries, 1859, Gustave Le Gray
Bibliothèque Nationale de France
L'arc de Triomphe et le palais des Tuileries vers 1860

L'arc de Triomphe du Carrousel dans les années 1914-1918.


Placé au sommet, le char doré de l'arc de Triomphe du Carrousel est confié François-Frédéric Lemot. Le groupe est censé représenter, conduit par la Victoire et la Paix, un char portant une troisième figure, celle de l’Empereur. Mais cette dernière, hommage maladroit, déplaît fortement à Napoléon qui la fait immédiatement enlever. A la tête du quadrige conçu par François-Frédéric Lemot sont placés dès 1809, les chevaux de Constantin Ier, arrachés, en 1797 au portail principal de la basilique Saint-Marc à Venise. Lors de la première campagne d’Italie menée par le général Bonaparte, le Directoire organise le pillage systématique des trésors italiens afin de se rembourser. Détail cocasse, à l’occasion du traité de Campo-Formio signé le 18 octobre 1797 entre la France et l’empire d'Autriche, la République de Venise est annexée à l’Empire d’Autriche et devient une Province vénitienne d'Autriche.

La légende veut que les chevaux de Constantin Ier aient été coulés en Grèce au IVème siècle avant notre ère. Au Vème siècle, l’empereur Théodose s’en empare afin d’orner l’hippodrome de Constantinople. Mais en 1204, les croisés mettent la ville à sac. Suivant les directives du doge Enrico Dandolo, ils emportent notamment comme butin l’équipage de bronze à Venise. Lorsque l’attelage arrive en France en 1798, il est accueilli par des banderoles « La Grèce les céda / Rome les a perdus / Leur sort changea deux fois, il ne changera plus » et « Ils sont enfin sur une terre libre ». Tout d’abord entreposés aux Invalides, puis exposés à partir de 1802 sur quatre piliers de la grille des Tuileries, ils sont installés en 1809 au sommet de l’arc. En 1815, après la défaite de Waterloo, Napoléon est chassé par les Autrichiens qui s’empressent de restituer les chevaux à la Sérénissime qui leur appartient.

Le groupe n’est pas remplacé jusqu’en 1827, date à laquelle Charles X demande au sculpteur François Joseph Bosio de s’atteler à un nouveau projet. Il crée un nouvel équipage, la Paix Restauration conduite par un quadrige sur un char de triomphe escortée par les Renommées. Le groupe est inauguré en 1828. 











En mai 1871, l’arc de Triomphe du Carrousel est épargné par le grand incendie qui ravage les Tuileries au cours de la Semaine Sanglante. Par la suite, les ruines du palais sont définitivement rasées. Désormais l’arc de Triomphe du Carrousel ouvre la perspective des Champs Elysées dessinées par Le Nôtre pour Louis XIV. Il sera classé au titre des Monuments historiques par arrêté du 10 septembre 1888. Malgré son statut patrimonial, il n’est pas ouvert à la visite, trop abîmé pour permettre aux curieux d’y accéder.

Depuis début des années 2000 et particulièrement depuis le lancement, en 2011, du programme Tous mécènes, le musée du Louvre fait appel au mécénat privé pour pallier la baisse des subventions de l’État. Soutenue par un dispositif fiscal en faveur des donateurs qui permet d’obtenir une réduction d’impôts égale à 75 % de la somme versée, cette nouvelle configuration permet de lancer des projets d’acquisition et de restauration d’envergure. La souscription publique, concernant la rénovation de l’arc de Triomphe du Carrousel est ouverte jusqu’au 31 janvier 2019. Afin d’aboutir, elle doit réunir au moins 1 million d’euros sur les 5 que devrait coûter cette restauration. Afin d’aider à la restauration de ce monument iconique, #moncarrousel , rendez-vous ici. 

Arc de Triomphe du Carrousel 
Place du Carrousel - Paris 1

Bibliographie
Le guide du patrimoine Paris - sous la direction de Jean-Marie Pérouse de Montclos - Hachette
Le guide du promeneur 1er arrondissement - Philippe Godoÿ
Dictionnaire historique des rues de Paris – Jacques Hillairet – Editions de Minuit

Sites référents



Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie.