La fontaine Trogneux ou de Charonne a été construite en application de lettres patentes datant de 1719. Cette ordonnance royale envisage alors la création d’un ensemble de cinq fontaines à l’est de Paris, réparties à travers tout le Faubourg Saint Antoine alors dépourvu de points d’eau. Dans le quartier des artisans du meuble où ébénistes, menuisiers, ferronniers se sont établis grâce aux franchises obtenues par l’abbaye de Saint Antoine leurs permettant de travailler en dehors des corporations, l’usage est de s’approvisionner auprès des porteurs d’eau. Maître général triennal contrôleur et inspecteur des bâtiments de la Ville de Paris pour Louis XIV et Louis XV, Jean Beausire (1651-1743) est chargé du projet. Entre 1682 et jusqu’à sa mort à l’âge de 92 ans, il mène à bien un vaste programme de réalisation et de gestion des fontaines parisiennes. Un peu d’histoire si vous le voulez bien.
La fontaine de Trogneux est l’oeuvre d’un homme, Jean Beausire qui est probablement aussi celui qui l’a dessinée dans un style néo-classique Louis XV. Cet architecte de formation, capable et ambitieux, s’est élevé dans l’administration royale grâce à l’achat de charges prestigieuses. En 1683, avec l'aide de son riche beau-père, Jean Beausire acquiert la charge de maître maçon de la Ville de Paris. Nommé par Louis XIV contrôleur des bâtiments de la Ville de Paris en remplacement de Michel Noblet en 1690, il manoeuvre pour faire fusionner les deux charges.
En 1706, Jean Beausire porte les titres de maître général, contrôleur et inspecteur des bâtiments de la Ville de Paris, responsable de toutes les fontaines de la ville. Sa fonction le fait intervenir sur de nombreuses fontaines préexistantes tandis qu’il en fait édifier de nouvelles, une quinzaine au total, constructions urbaines utilitaires marquées par la sobriété du style. A sa mort, son fils, Jean-Baptiste Augustin Beausire reprend sa charge et perpétue l’héritage du père.
En 1724, trois des cinq fontaines du Faubourg Saint Antoine sont achevées : la fontaine de Charonne dite fontaine Trogneux à l’angle des rues du Faubourg Saint Antoine et de Charonne, la fontaine de Montreuil dite fontaine de la Petite Halle à l’angle des rues du Faubourg Saint Antoine et de Montreuil, la fontaine Basfroi à l’angle angle rues de Basfroi et de Charonne. De nos jours, il n’en reste que deux, celle qui nous intéresse aujourd’hui et la fontaine de la Petite Halle à l’entrée de l’hôpital Saint Antoine.
Erigée entre 1719 et 1724, la fontaine de Charonne est dite fontaine Trogneux, en hommage à l’un des brasseurs du faubourg qui en finança une grande partie. A la suite d’une avarie, elle a été entièrement démontée entre 1806 et 1810, sous le Premier Empire, pour être remontée à l’identique. Alimentée à l’origine par la pompe Notre Dame puis par la pompe à feu de Chaillot, la fontaine Trogneux a été soigneusement restaurée en 1963 puis en 2008, bienfait auquel elle doit d’être encore en fonction et en eau à la belle saison. Elle a été classée au titre des Monuments historiques le 29 septembre 1995.
Haute d’une douzaine de mètres, la fontaine de Charonne se compose d’un petit corps de bâtiment porté par un haut soubassement lequel est orné de refends d’où l’eau s’écoule par deux mascarons à tête de lion. La façade principale agrémentée de deux pilastres d’ordre dorique est surmontée d’un fronton triangulaire. Entre les pilastres, des encadrements décorés de moulures déploient des volutes, tout un bestiaire aquatique auquel se mêlent des dauphins. La seconde façade sur la rue de Charonne dévoile un intrigant œil-de-bœuf. Une plaque verte y indique le niveau atteint par les eaux lors de la grande crue de 1910. Sur l’angle des façades se trouvent les inscriptions Cte I et Cte V qui correspondent au bornage de Paris et de ses faubourgs. La rue du Faubourg Saint Antoine étant désignée par la Cote I, et la rue de Charonne par la Cote V.
Fontaine Trogneux dite fontaine de Charonne
61 rue du Faubourg Saint Antoine / 1 rue de Charonne - Paris 11
Métro Ledru-Rollin ligne 8
Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie.
Bibliographie
Le guide du patrimoine Paris - sous la direction de Jean-Marie Pérouse de Montclos - Hachette
Le guide du promeneur 11è arrondissement - Denis Michele t Dominique Renou - Parigramme
Le guide du promeneur 12è arrondissement - Danielle Chadych - Parigramme
Les fontaines de Paris : l'eau pour le plaisir - Marie-Hélène Levadé, Hughes Marcouyau - Editions Chapitre Douze
Paris de fontaine en fontaine - Jacques Barozzi - Parigramme
Sites référents
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