Paris : Place du Marché-Sainte-Catherine, gardienne du souvenir, témoin de la construction du Marais - IVème



La place du Marché Sainte Catherine, jolie enclave pavée du Marais, déploie des charmes champêtres sous les mûriers de Chine dont elle est parée. L’atmosphère singulière des villages parisiens y trouve toute son expression dans la quiétude d’un lieu presque piéton tant les voitures s’y font rares. Les amoureux s’y bécotent sur les bancs publics. Les Parisiens déjeunent en terrasse. Les amateurs de théâtre populaire s’y pressent. Les riverains grognent que cela fait bien trop de monde, trop de bruit. Ceinte d’immeubles édifiés à la fin du XVIIIème siècle au moment de sa construction, la place forme un ensemble homogène à l’esthétique classique. A la veille de la Révolution, la place du Marché Sainte Catherine est percée afin d’abriter un nouveau marché couvert. Elle doit son nom aux halles inaugurées en 1789 et disparues en 1939 ainsi qu’à l’ancienne Couture Sainte Catherine, un important prieuré historique du Marais dont il reste peu de traces.








Fondée en 1201 par quatre Maîtres en Théologie de l'Université de Paris, la congrégation du Val des Ecoliers connaît un certain succès dès sa création. Lors de la bataille de Bouvines en 1214, des sergents d'armes de la garde du roi promettent d’édifier une église à sainte Catherine d'Alexandrie si la victoire leur est donnée. L’ordre du Val des Ecoliers est validé par le Pape en 1219. Le prieuré Sainte Catherine peut dès lors être établi. Nicolas Giboin, un bourgeois de Paris offre, en 1228, un premier hectare à l’extérieur de l’enceinte de Philippe Auguste. Pierre de Braine fait don de cinq hectares supplémentaires. Grâce aux subsides conjugués de la Reine-mère Blanche de Castille, de l’évêque du Mans, de l’archevêque de Reims et des Templiers, riches voisins qui financent généreusement l’entreprise, la construction du prieuré débute en 1229.

Placé sous la protection des rois de France, notamment Saint Louis et sa famille, la congrégation prospère. Entre le XIIIème et XVème siècle, elle reçoit de nombreux terrains à Paris et ses environs dans la Brie à Bry-sur-Marne, Champigny, Chennevières, Champrose, Le Ménil, dans le Hurepoix, à Orsay, Launay, Mondétour, Gif-sur-Yvette, Bures, Villejust, Frétel et Séquigny, dans l'Essonne, terres dont l’exploitation lui assure de confortables revenus. L’ensemble parisien est désigné sous le terme Couture Sainte Catherine, couture pour culture, terres cultivées.

En 1545, l’ordre procède à des ventes de terrains à la suite de difficultés financières.  A Paris, les 59 parcelles mises aux enchères conduisent à la création d’un nouveau réseau de rues qui comprend la rue Elzévir, la rue de Sévigné, la rue Payenne, la rue du Parc Royal, la rue des Francs-Bourgeois. Cette grande opération marque durablement le développement du Marias à la Renaissance. De nombreux hôtels particuliers sont édifiés à cette époque. Sept d’entre eux nous sont parvenus, témoins de temps anciens, les hôtels Carnavalet, d’Angoulême, Savourny, Donon, Marle, Châtillon et d’Albret.











Au début du XVIIème siècle, les terrains appartenant à la Couture Sainte-Catherine comprennent le prieuré dont l’entrée se trouve au 6/8 de l’actuelle rue de Sévigné, l’église Sainte-Catherine, de style gothique en croix latine, édifiée sur l’emplacement de l’actuelle rue d’Ormesson. Au nord de celle-ci, un cloître gothique également, est bordé à l’est d’un jardin d’agrément situé entre les numéros 5 et 17 de l’actuelle rue de Turenne. Potagers, treilles et dépendances ainsi que des terres agricoles flanquées de granges complètent une composition significativement tournée vers la production agricole.

En 1629, l’ordre de Sainte Catherine est réuni à la congrégation de Sainte Geneviève qui va peu à peu absorber le premier. En 1767, le couvent Saint-Catherine tombe en ruines et le noviciat est transféré rue Saint-Antoine, dans la maison des Jésuites dont l'ordre vient d'être supprimé. En 1773, Louis-François-Alexandre de Sénas d'Orgeval de Jarente (1746-1810), coadjuteur de l'évêché d'Orléans et prieur commendataire du prieuré royal de la Couture-Sainte-Catherine fait don à la Couronne de terrains appartenant à sa congrégation afin que soit notamment construit un nouveau marché couvert pérenne dédié aux commerces de bouche pour remplacer l’ancien marché en plein air de la rue Saint-Antoine. Selon la demande originelle du prieuré de la Couture Sainte-Catherine, le produit dégagé de la vente des lots est en partie affecté à la construction de l’église Sainte-Geneviève, futur Panthéon. 

Le projet est confié à un particulier Jacques-François Marchand du Colombier, avocat du Parlement et ancien conseiller du roi qui achète les terrains de l’ancien prieuré vendus aux enchères. Les profondes rénovations du quartier suivent un plan général établi par l’architecte Jacques-Germain Soufflot, concepteur de l’Eglise Sainte-Geneviève notre actuel Panthéon et l'un des principaux artisans du retour au grand goût dans les années 1750, mouvement qui s'opposa à l'art rocaille. 









Le prieuré est rasé. L'église Sainte-Catherine est démolie en 1783 alors que se poursuit le réaménagement des terrains alentours. En 1783 le plan définitif architecte Jean-Charles Caron est adopté par lettres patentes.  Marchand du Colombier obtient l’autorisation de construire un ensemble d’immeubles de rapport en échange de la prise en charge des frais inhérents à la création du marché ce qui explique l’homogénéité des façades néo-classiques qui bordent la place du Marché Saint Catherine.

Plusieurs rues sont ouvertes à cette occasion. En 1781, débute le percement de la rue de Jarente nommé en hommage au prieur de Sainte Catherine. Elle sera inaugurée en 1784. Les rues Caron, maître général des bâtiments du Roi, Necker, le Secrétaire d’Etat des Finances, d’Ormesson, le contrôleur général des Finances, rue Marchand du Colombier le propriétaire, ainsi que l’impasse de la Poissonnerie

Alors que les travaux progressent place du marché Sainte Catherine, Marchand du Colombier fait faillite. Le chantier arrêté reprend bon gré mal gré grâce à l’intervention de Caron notamment qui devient l’un des principaux promoteurs du projet. Le Marché est inauguré en 1789 et ne disparaîtra qu’en 1939. Il est composé de deux halles qui abritent boulangers, maraîchers. Les bouchers investissent les rez-de-chaussée des immeubles entre la place et la rue Necker. Un peu à l’écart, pour des raisons d’hygiène, les étals des poissonniers trouvent place dans la petite impasse de la Poissonnerie où est élevée une fontaine utilitaire, l’approvisionnement en eau potable étant nécessaire à leur commerce. La fontaine de Jarente est édifiée dans un style néo-classique en 1783 par Caron. 

Place du Marché-Sainte-Catherine - Paris 4



Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie. 


Bibliographie
Le Marais, évolution d’un paysage urbain - Danielle Chadych - Parigramme
Dictionnaire administratif et historique des rues de Paris et de ses monuments - Félix et Louis Lazare
Le guide du promeneur 4è arrondissement - Isabelle Brassart, Yvonne Cuvillier - Parigramme
Dictionnaire historique des rues de Paris - Jacques Hillairet - Editions de Minuit

Sites référents