Paris : Cour de Venise, le charme de l'îlot Saint Gilles, une ancienne cour industrielle à vocation sociale - IIIème



La Cour de Venise se cache des regards derrière les immeubles du 10 au 14 rue Saint Gilles, à deux pas de la place des Vosges. Cette cour typique du XVIIème siècle d’une taille impressionnante, 4000 m2, la plus vaste encore existante dans le quartier, a été préservée de l’appétit des promoteurs alléchés par pareille aubaine en plein cœur du Marais par l’action militante des associations de riverains. La rue Saint Gilles ouverte sous Louis XIII à la suite de la création de la place Royale n’a pas beaucoup changé. Nombreuses sont les constructions historiques élégantes certifiées d’origine. Au numéro 12, une arcade en pierre fermée de vantaux troubadours ouvre sur un intéressant passage cocher. L’accès à l’ensemble pittoresque qui nous intéresse aujourd’hui, l’îlot Saint Gilles dit Cour de Venise, est protégé par un interphone et une grille qui s’ouvre assez facilement du fait de la présence de locaux professionnels. La légende de la Cour de Venise est certainement plus flamboyante que la réalité de sa véritable vocation industrielle mais cela n’enlève rien à son charme.










En 1640, à la limite nord de l'ancien parc de l'hôtel des Tournelles, la rue Saint Gilles est ouverte sous le nom de « rue Neuve-Saint-Gilles ». Gilles Le Redde, charpentier des bâtiments du roi, achète un terrain derrière les minimes de la place Royale, notre place des Vosges actuelle. Il fait construire un corps de logis situé au fond de la parcelle, lequel sera augmenté au cours du siècle XVIIème siècle d’ailes le long des bâtiments mitoyens. L’hôtel particulier aurait été vers 1642, la résidence parisienne des ambassadeurs de la République de Venise, raison pour laquelle malgré le destin industrieux de la cour, elle a gardé le nom de la Sérénissime. Un temps propriété de Louis Boucherat (1616-1699) chancelier de France en 1685, elle se fait un peu oublier de l’histoire.

Mais la cour de Venise va entrer avec fracas dans le XIXème siècle. Vendue à deux entrepreneurs, Pelletier et Choret, en 1804, la parcelle est partagée en deux et l’hôtel rasé. Il est remplacé par de petits immeubles de rapport à vocation industrielle ainsi que des ateliers d’artisans. En 1871, lors de la Semaine sanglante qui fait suite à la Commune, c’est ici que le peintre Gustave Courbet se réfugie chez son ami A. Lecomte avant d’être arrêté.











A la fin des années 1990, La Cour de Venise assez peu entretenue rassemble une population modeste. L’îlot Saint Gilles dépendent alors du consortium de redressement de la banque Crédit Lyonnais. Les immeubles appartenant à cette société privée sont réquisitionnés en 1997 dans le cadre de la loi Périssol afin de loger les personnes démunies et de lutter contre l’exclusion. 

Mais les bâtiments sont en mauvais état et des promoteurs veulent raser l’ensemble afin de lancer une opération immobilière de grand standing. Afin d’empêcher la destruction du lieu, et de prolonger la mixité sociale et économique du quartier, des associations de riverains et de mal-logés se concertent pour mener une action militante auprès de la Mairie d’arrondissement. Sensibles à cette intervention citoyenne, les immeubles sont rachetés avec le concours de la Ville de Paris par les deux bailleurs sociaux Alliance Immobilière et Sageco.

Le projet de réhabilitation mené de 2001/2008 par la Sageco prévoie de transformer l’ensemble des bâtiments en logements sociaux. Dans le but de préserver le caractère des différentes constructions préexistantes et la nature mixte de la Cour de Venise qui allie habitations et locaux professionnels, trois ans sont nécessaires pour monter l’opération. Le chantier quant à lui dure quatre ans. Restructurations et réhabilitations lourdes sont privilégiées. Il y a dans les faits très peu de démolitions au cours des travaux. Au final, est livré un habitat de qualité dont l’esthétique respecte les codes architecturaux du quartier, marquée par des bâtiments peu élevés et un équilibre des volumes.











Aujourd’hui, Cour de Venise, les constructions de différentes époques demeurent. Côté ouest de la parcelle, un édifice du XVIIIème siècle a été préservé tandis que les immeubles du XIXème siècle de trois à cinq étages, plus modestes sur le plan architectural ont été rénovés avec soin. Prolongés en rez-de-chaussée par des ateliers, ils gardent la trace d’un passé industriel et artisanal qui se prolonge avec les nouvelles activités. 

Du studio au cinq pièces, pour une surface totale de 4200 m2, soixante-quinze logements sociaux ont été créés dont cinquante réservés pour les familles modestes et vingt-cinq pour les plus démunis. Un grand centre a été spécialement conçu pour accueillir l’association Autisme 75 qui vient en aide aux jeunes autistes. Destinés à des artisans, des artistes, des professions libérales, les ateliers sous vérandas offrent de multiples possibilités.

Cour de Venise - Paris 3
Accès 12 rue Saint Gilles 



Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie. 


Bibliographie
Le Marais - Evolution d’un paysage urbain - Danielle Chadych - Parigramme
Le guide du promeneur 3è arrondissement - Isabelle Dérens - Parigramme

Sites référents