Cinéma : Le Grand Bain, de Gilles Lellouche - Avec Mathieu Amalric, Benoît Poelvoorde, Guillaume Canet



Depuis deux ans au chômage, Bertrand, la cinquantaine, a sombré dans la dépression qu’il soigne à grand renfort de cachets. Si sa femme Claire est bien décidée à le soutenir quoiqu’il arrive, il n’en est pas de même pour le reste de la famille et notamment sa soeur. Sous le regard désabusé de ses propres enfants, il passe ses journées à jouer à Candy Crush. Bertrand tombe alors par hasard sur une petite annonce. Le club de natation synchronisée cherche un nouveau nageur pour compléter l’équipe. Mu par une impulsion soudaine, bien conscient qu’il n’a pas vraiment le physique, il se rend à la piscine municipale pour s’inscrire. Il y fait la connaissance de Delphine la coach, ancienne gloire des bassins qui depuis la fin de sa carrière fréquente plus les alcooliques anonymes que les podiums. Marcus, Laurent, Simon, Thierry, Avanish, John, Basile, pas plus athlétiques que Bertrand, forment une équipe pas ordinaire dont les performances aquatiques laissent dubitatifs. Mais malgré le regard des autres, les moqueries, les quolibets, ensemble ils vont vaincre l’isolement et donner un sens à leur vie.








Comédie sociale touchante qui trouve l’équilibre entre sens et émotion - on ne peut s’empêcher de songer à The Full Monty - ce film choral rassemble une fine équipe de losers magnifiques. Troisième long-métrage de Gilles Lellouche en tant que réalisateur, mais première fois en solo, Le Grand Bain assume avec bonheur la dimension cocasse voire tout à fait surréaliste d’un sport aussi décalé que la natation synchronisée, discipline plutôt réservée aux femmes. Le scénario soigné, co-écrit avec Ahmed Hamidi et Julien Lambroschini, évoque avec une grande justesse les difficultés d’un quotidien banal, les problèmes d’argent, la solitude, la souffrance au travail, les désordres familiaux, relevées par une bonne dose d’absurde salvateur.
 
Bedaine au vent et muscles ramollos, le casting masculin de haut vol nous livre une interprétation sensible, loin d’être évidente en slip moulant, bonnet de bain et pince-nez. Mathieu Amalric incarne avec justesse un Bertrand frappé de mélancolie qui retrouve goût à la vie. Toujours aussi jubilatoire, Benoît Poelvoorde se glisse dans la peau de Marcus, vendeur de piscines et de spas, dont l’entreprise est au bord de la faillite du fait de sa mauvaise gestion. 

Nuancé et émouvant, Jean-Hughes Anglade est Simon, musicien raté qui vit dans un camping-car et a accepté un travail à la cantine du collège que fréquente sa fille pour tenter d’attirer son attention. Guillaume Canet est épatant dans le rôle de Laurent dynamique directeur d’usine, en colère contre tout, qui fuit ses responsabilités de père et ne parvient pas à faire face à la maladie de sa mère. Thierry veilleur de nuit, poète lunaire, fan de Julien Clerc, préposé au rangement des bouées, trouve un interprète de choix dans un superbe Philippe Katerine. Les femmes ne sont pas en reste dans cette comédie qui leur réserve de beaux rôles, Virginie Efira, Leïla Bekhti, Marina Foïs sont à la fois drôles, émouvantes et très justes. 




Histoire humaine de dépassement de soi, Gilles Lellouche filme avec bienveillance et empathie une galerie de personnages frappés de désenchantement, émouvants dans leur maladresse. Cette sympathique bande de bras cassés mal dans leur peau retrouve son panache dans la troupe, grâce à la camaraderie à l’esprit de groupe. La construction des caractères est particulièrement soignée. Le scénario prend le temps de tracer le portrait de chacun par touches subtiles tout en nuances, s’arrêtant sur leur histoire avec intelligence. 

Film généreux, aussi mélancolique et délicat que drôle et malicieux, on suit avec un grand plaisir les aventures entraînantes de cette improbable équipe. Un vrai bonheur.

Le Grand Bain, de Gilles Lellouche
Avec Mathieu Amalric, Guillaume Canet, Benoît Poelvoorde, Jean-Hugues Anglade, Alban Ivanov, Balasingham Tamilchelvan, Philippe Katerine, Félix Moati, Virginie Efira, Leïla Bekhti, Marina Foïs, Mélanie Doutey, Noée Abita, Claire Nadeau



Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie.