Paris : 77 rue de Charonne, les ateliers réhabilités d'une ancienne cour industrielle témoignent du passé artisanal de l'arrondissement - XIème



Au 77 rue de Charonne, derrière un immeuble sur rue qui date de 1886, se trouve une magnifique cour industrielle à la physionomie inhabituelle. Cet ensemble remarquable qui contraste si fortement avec les allures bourgeoises de la pierre de taille en façade aurait pu être construit indépendamment à une date différente. Cependant, la structure de fonte évoque avec panache le style architectural de l’époque. Les ateliers répartis sur cinq étages ployés en U sont desservis par des coursives. La charpente de métal peinte en rouge, l’ocre de la brique traditionnelle et les éléments de bois s’associent en un heureux camaïeu de teintes, lesquelles semblent fort exotiques à l’œil parisien. Au fond de la cour pavée, un monte-charge silencieux témoigne d’un passé industrieux. Aménagé et rénové, le bâtiment est aujourd’hui occupé par des bureaux, un studio de danse, une salle de yoga, un cours de comédie, un cabinet d’architecte ou encore une agence de voyage. La loge, un petit théâtre créé en 2009 par Alive Vivier et Lucas Bonnifait, a jusqu’en juillet dernier ouvert ses planches aux nouveaux talents de la musique, de la danse, du théâtre. Avec le succès de leur programmation, ses fondateurs ont fermé cette salle afin de s’installer dans des locaux plus grands.












Le XIème arrondissement a longtemps été une enclave privilégiée de la petite industrie symbole l’Est parisien. Au cœur de ses quartiers, la tradition artisanale semble perdurer malgré l’évolution de la composition sociale de Paris. Dès le XIIème siècle, les artisans du bois du faubourg Saint Antoine se voient accorder par le roi le privilège d’exercer en dehors des guildes. Cette particularité permet aux esprits entreprenant de se lancer dans le métier. A la Révolution, la suppression définitive du monopole corporatif favorise l’évolution des entreprises et l’adaptation aux nouveaux besoins en encourageant les initiatives particulières à échelle artisanale et de petite industrie.

Dans le XIème, la mémoire ouvrière resurgit parfois avec vivacité en franchissant en porche comme c’est le cas au 77 rue de Charonne. Les différentes petites industries de l’arrondissement étaient traditionnellement réparties selon des quartiers précis. Côté Bastille et rue du Faubourg Saint Antoine, l’ameublement était roi tandis que rue de Lappe se travaillaient les métaux. L’industrie du verre, de la céramique et de la faïence était quant à elle moins concentrée et des traces de cette activité se trouvent sur l’ensemble de l’arrondissement. La rue de Charonne et le quartier Sainte Marguerite qui nous intéressent aujourd’hui étaient essentiellement dédiés au textile. Une lectrice nous confiait sur Facebook qu'elle gardait le souvenir de la cour du 77 rue de Charonne. Elle se rappelle que dans les années 1950 et jusqu'au début des années 1960, se trouvait un vaste atelier réparti sur plusieurs salles. Dédié à la confection des abat-jours, il fournissait notamment les commerçants du quartier.










Dès le Second Empire, le pouvoir a souhaité changer la physionomie du XIème, arrondissement populaire, foyer d’insurrection. Les bouleversements architecturaux successifs ont suivi l'idée d’un urbanisme volontaire dans la lignée des grands travaux haussmanniens. Faisant disparaître les traces du passé, voies rectilignes, grands boulevards et places rayonnantes ont remplacé le tissu urbain compact et dense. La vague de désindustrialisation de Paris aura fait le reste. Dès le début du XXème siècles, usines, fabriques et ateliers ferment ou déménagent pour laisser place à des immeubles bourgeois, à de nouveaux commerces.

De nos jours, en façade le XIème arrondissement se veut de plus en plus cossu. Mais dans les ruelles s’échappant des grandes artères, petites impasses et courettes de charme évoquent puissamment ce que fut le quartier ouvrier de la Bastille. C’est là que le promeneur attentif peut encore découvrir les rares constructions qui ont échappées aux opérations de transformation. 










A l’abri des regards, les activités traditionnelles de l’artisanat revendiquent une belle vitalité tandis que les associations de riverains veillent à la défense du patrimoine architectural et à la préservation de ces lieux de mémoire, enclaves enchantées qui attisent les appétits des promoteurs en tout genre. 

77 rue de Charonne - Paris 11
Métro Charonne ligne 9



Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie. 


Bibliographie
Le guide du promeneur 11è arrondissement - Denis Michel et Dominique Renou - Parigramme
Dictionnaire historique des rues de Paris - Jacques Hillairet - Editions de Minuit

Sites référents