La Cour du Bel-Air, pittoresque ensemble du XVIIème siècle, fait partie de ces nombreuses cours artisanales du faubourg Saint-Antoine dont le destin a pris des inflexions moins manuelles. Dans cet ancien quartier des artisans du bois, les spécialistes du mobilier ébénistes, tapissiers, vernisseurs, laqueurs ont été éclipsés, au cours du XXème siècle, par des boutiques élégantes et des studios de professions libérales. Aujourd’hui, les courettes du faubourg, lieux de mémoire, ne font plus entendre le brouhaha des ouvriers au travail. Dans l’enceinte de la cour du Bel-Air, la quiétude est toute champêtre tandis que sur les pavés ne résonnent plus l’industrieuse activité.
Bien que pleine d’attraits bucoliques, la cour du Bel-Air ne serait qu’une charmante petite chose sans sa jolie légende. En effet, elle est célèbre pour l’un de ses pavés, celui plus large que les autres qui se trouve devant la galerie d’art. Celui-ci aurait été la table de jeu préférée des Mousquetaires-Noirs, deuxième compagnie de mousquetaires dont le surnom provenait de la robe de leurs chevaux (compagnie dissoute en 1775). Ceux-ci cantonnés dans leur caserne située au 26 rue de Charenton se rendaient cour du Bel-Air pour y lancer le dé. Un escalier Louis XIII de belle facture (escalier D sur le plan général de la cour) a longtemps été désigné sous le nom d’escalier des Mousquetaires.
Accessible librement en semaine, la cour du Bel-Air comporte quelques habitations particulières, une grande librairie, une galerie d’art orientée design dont la devanture en bois néo-gothique est ornée d’un décor de moulures joliment chantournée. Longue de 56 mètres, large de 3,1 mètres, cette cour champêtre est entourée d’immeubles de trois étages aux façades envahies de vigne vierge. Tous les rez-de-chaussée de la copropriété ont adopté un rouge profond confirmant par cette note chromatique l’homogénéité architecturale d’inspiration Louis XIII. La cour elle-même contraste avec les quatre maisons du lotissement sur rue qui ont été surélevées au XIXème siècle dont deux sur cinq étages carrés.
Les bâtiments de la cour du Bel-Air ont été construits ou réhabilités sur le même modèle, des pans de bois avec remplissage de moellons de calcaire recouverts d’enduit à l’exception de celui en fond de cour qui est aujourd’hui l’arrière de l’école de Charenton située au 51 de la rue de Charenton. Cette partie architecturale se compose d’ateliers transformés en école de garçons en 1891 par l’architecte Lheureux à côté de l’école de filles oeuvre de l’architecte Calemard. Ici se voient très bien les traces d’un ensemble plus vaste qui regroupait toutes les constructions entre le passage du Chantier, la cour du Bel-Air et la rue de Charenton.
Entre 1637 et 1674 sont élevées sur un même lotissement six petites maisons qui donnent sur la rue du Faubourg Saint-Antoine. Notre cour du Bel-Air qui nous intéresse aujourd’hui est alors reliée à l’actuelle passage du Chantier. Vers 1674, est édifiée au cours de l’ilot entre cour et jardin une maison de maître avec des communs, maison qui est attestée comme propriété de Denise Chuppin en 1684. La distribution entre cour et jardin rappelle alors la disposition des hôtels particuliers du Marais voisin. Il n’en faut pas plus pour que la coquette demeure bourgeoise prenne le nom d’hôtel Bel-Air vers 1703.
Entre 1762 et 1822, au centre de la cour, des ateliers de chaudronniers, aujourd’hui rasés, rabattent un peu les prétentions aristocratiques de la cour et de son hôtel. Entre 1822 et 1832 de nouvelles transformations désolidarisent définitivement la cour du Bel-Air du passage du Chantier. Vers la fin du XXème siècle, la maison de maître est rénovée avec soin. Son étage de comble est transformé au nord en étage carré et le passage en corridor vers la rue du Faubourg Saint-Antoine s'ouvre curieusement vers le ciel, libérant des poutres apparentes du plus bel effet.
Cour du Bel-Air - Paris 12
Accès 56 rue du Faubourg Saint-Antoine
Métro Bastille lignes 1, 5, 8
Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie.
Bibliographie
Paris secret et insolite - Rodolphe Trouilleux - Parigramme
Le guide du promeneur 12è arrondissement - Danielle Chadych - Parigramme
Dictionnaire historique des rues de Paris - Jacques Hillairet - Editions de Minuit
Sites référents
Enregistrer un commentaire