Expo : Caravage à Rome, amis et ennemis - Musée Jacquemart-André - Jusqu'au 29 janvier 2019



Brève période, aussi resserrée qu’intense, les années romaines du Caravage, de 1592 à 1606, seront décisives. Homme ombrageux à la réputation sulfureuse, artiste fulgurant et sensuel, à lui seul, il  a incarné l’avant-garde et marqué l’histoire de l’art de son génie. Au musée Jacquemart André, l’exposition Caravage à Rome, amis et ennemis retrace en une dizaine de toiles majeures, cette époque passée au sein de la Cité Eternelle. Une prouesse - le corpus du peintre ne comprend qu’une soixantaine d’œuvres - rendue possible grâce aux prêts exceptionnels des plus grands musées italiens Palais Barberini, Galerie Borghese, Musée du Capitole à Rome, Pinacothèque de Brera à Milan, Musée Strada Nuova de Gênes, Musée de Crémone ainsi que celui du Musée de l’Ermitage de Saint Petersburg qui a confié au musée Jacquemart-André, Le Joueur de Luth tout juste restauré. Parmi les tableaux présentés, sept le sont pour la première fois en France. Placées en regard à celles de ses contemporains, les toiles du Caravage initient un dialogue fascinant avec le travail de ses premiers maîtres, de ses compagnons, de ses rivaux.



Caravage - Judith décapitant Holopherne - vers 1600

Le Cavalier d'Arpin - David avec la tête de Goliath - vers 1598
Carlos Saraceni - Judith avec la tête d'Holopherne - 1618


Caravage - Le Joueur de Luth - 1595-96

Bartolomeo Cavarozzi - La Douleur d'Aminte - vers 1605-1610 

Antiveduto Gramatica - Sainte Cécile et deux anges musiciens - vers 1615


A la fin du XVIème siècle, début du XVIIème, Rome ville des Papes vit une époque d’effervescence artistique. Lorsque Michelangelo Merisi da Caravaggio, Caravage (1571-1610) arrive dans la Cité Eternelle vers 1592, il est presque inconnu. Il travaille alors comme assistant dans les ateliers des peintres à la mode et se fait remarquer au sein de celui du Cavalier d’Arpin où il peint fleurs et natures mortes. 

Dès 1595, il se recentre sur ses propres oeuvres. Mais il n’est vraiment reconnu qu’à partir de 1599, date à laquelle les premières commandes religieuses officielles consacrent le génie du Caravage et sa peinture expressive d’ombre et de lumière aux sujets d’après nature. En 1606, il quitte Rome précipitamment à la suite d’une rixe mortelle au cours de laquelle il tue Ranuccio Tomassoni. Condamné par contumace pour meurtre à la peine capitale, Caravage est réduit à l’exil. Il aura suffi d’une quinzaine d’années au peintre pour révolutionner la scène artistique de son temps.



Le Jeune Saint Jean Baptiste au bélier - 1602

Bartolomeo Manfredi - Saint Jean-Baptiste tenant un mouton - 1613-1615

Annibal Carrache - L’Adoration des Bergers - 1597-1598


Caravage - Saint Jérôme écrivant - vers 1605-1606

Orazio Gentileschi - Saint Jérôme - vers 1611


Mœurs scandaleuses, procès divers, séjours réguliers en prison, procès, querelles avec ses pairs, violence et scandales, l’impétueux Caravage aura su se créer autant d’amitiés que d’inimitiés. Fréquentant aussi bien les puissants mécènes de la noblesse proche du Vatican que le petit peuple des tavernes, la controverse au sujet de sa personnalité s’étend jusqu’à sa façon de peindre. Au bout de son pinceau, il invente une nouvelle forme d’expression picturale, incarnée, intense, violente, un style réaliste qui se répand immédiatement. 

Caravage détourne l’iconographie traditionnelle des sujets bibliques et imagine de nouveaux thèmes comme les scènes de musique profane. L’exposition Caravage à Rome permet de saisir l’importance de cette influence sur les cercles intellectuels de Rome, sur le travail des artistes contemporains qu’ils soient amis ou rivaux, tels que le Cavalier d’Arpin, Annibal Carrache, Giovanni Baglione, Bartolomeo Manfredi, Orazio Gentileschi, l’espagnol José de Ribera. 





Pensionante del Saraceni - Le reniement de Saint Pierre - 1610-1620

Caravage - Saint François en méditation - circa 1603

Caravage - Le Souper à Emmaüs - 1605-1606

Caravage - Madeleine en extase - circa 1606

Caravage - Ecce homo - 1605

Dans l’oeuvre aussi puissante que novatrice du Caravage, la lumière créée l’espace dans des effets mystiques de clair-obscur contrastés auxquels la palette chromatique apporte une profondeur singulière. Les compositions spectaculaires s’inspirent d’un processus narratif théâtral. Il peint l’action saisie dans l’instant de tension. La toile se fait récit. Et c'est ainsi que les compositions s’inscrivent au carrefour du profane et du sacré. Judith et Holopherne, Le jeune Saint Jean Baptiste au bélier, Ecce homo, Madeleine en extase, Caravage s’approprie les thèmes religieux traditionnels qu’il transfigure en peignant d’après modèle. Il saisit l’intimité de la chair, les courbes des corps et donne à l’expression des visages la puissance de la vie dans les tourments, dans l’extase, l’innocence, la lascivité. Apologie de la beauté juvénile, ode au désir, Caravage retranscrit le grain de la peau, le frémissement de l’étoffe, la texture de la fourrure, peinture des sens où le naturalisme exprime toute la sensualité d’une charge érotique à peine voilée. 

Caravage à Rome, amis et ennemis
Du 21 septembre 2018 au 28 janvier 2019

Musée Jacquemart André 
158 boulevard Haussmann - Paris 8
Tél : 01 45 62 11 59
Horaires : Ouvert tous les jours de 10h à 18h, nocturne les lundis jusqu’à 20h30



Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie.