Expo : Artistes & Robots - Grand Palais - Jusqu'au 9 juillet 2018



Les robots sont-ils capables de créer des œuvres ? L’exposition Artistes & Robots qui se tient au Grand Palais jusqu’au 9 juillet lance le débat à travers un parcours muséographique chronologique des années 1950 à nos jours. Plasticiens, informaticiens, ingénieurs et scientifiques se retrouvent autour du questionnement de l’intelligence artificielle et sa place de plus en plus prépondérante dans notre quotidien. Parcourant les nouveaux territoires de la création, cet art numérique assisté par ordinateur se déploie sur plusieurs niveaux, la robotique et ses machines intelligentes utilisées à des fins artistiques, les installations interactives, l’art dit génératif dont les créations sont générées par des algorithmes. Les programmes robotiques, les logiciels informatiques inventés par les artistes et mis au service de la réalisation artistique, produisent-ils des œuvres ? L’oeuvre ne serait-t-elle pas en réalité le processus de création même ? La puissance visuelle des créations façonnées par les robots générant des figures inédites à l’esthétique singulière proche de l’abstraction géométrique interroge avec subtilité la notion d’artiste et d’oeuvre d’art.












Les progrès de l’intelligence artificielle mènent peu à peu l’humanité vers une nouvelle ère, celle du règne de la haute technologie. Artistes & Robots met en lumière les grands enjeux de cette révolution en explorant un domaine, celui de l’art, qui jusque-là semblait à l’instar du rire, le propre de l’homme. La dématérialisation du geste artistique par la technologie, le développement d’une intelligence artificielle au service d’une créativité artificielle, domaine de la sérendipité, conduit à la réalisation de nouvelles formes virtuelles.  L’approche esthétique de cette production laisse planer un doute entre création artistique et technologie de divertissement. Qu’est-ce qu’un artiste, qu’est-ce qu’une oeuvre ?

Œuvres immersives, tableaux, sculptures, mobiles, films, design, musique, le riche parcours proposé au Grand Palais permet au visiteur d’expérimenter ce trouble et cette fascination que génère ces machines qui créent. Les installations mécaniques du début de l’exposition sont des automates tout droit sortis de l’imaginaire de science-fiction des années 1950. La première sculpture cybernétique interactive de l’histoire de l’art, CYSP1, réalisée en 1956 par Nicolas Schöffer, se déplace de manière autonome et réagit aux variations de sons, d’intensité lumineuse et de couleurs. En 1959, Jean Tinguely imagine la série des Méta-Matic, des sculptures cinétiques qui dessinent. Plus loin, le robot du coréen Nam June Paik, Olympe de Gouges, figure anthropomorphe de 3 mètres de haut, se composent de 12 postes de télévision qui diffusent des images interrogeant le statut de la femme moderne. 










La sophistication progressive des robots conduit à une évolution de leur processus. Le projet Senseless Drawing Bot réalisé en 2011 par So Kanno & Takahiro Yamaguchi, robot monté sur un skate board qui pulvérise de façon aléatoire de la peinture sur un mur réalise des graffitis qui entrent en écho avec ceux s’inscrivant dans le territoire de la cité. Les petites voitures de Leonel Moura autorégulent les dessins abstraits qu’elles tracent dans un entrelacement poétique de lignes bicolores.

Avec la dématérialisation progressive, le robot est remplacé par l’algorithme. L’oeuvre est intégrée sous forme de programme informatique invisible. La technique disparaît au profit d’une virtualité fascinante qui se retrouve notamment dans l’art algorithmique de Vera Molnar ou l’oeuvre Re Exao #2 de Raquel Kogan. La révolution technique modifie la temporalité et l’espace tandis que les machines sont remplacées par des lignes de code. Dans un monde hyper-connecté, ce flux de données nouvelles participe de l’hybridation qui interroge le potentiel des nouvelles technologies. Data-tron, installation de de Ryoji Ikeda nous plonge en plein cœur de la matrice. Le musicien Iannis Xenakis imagine un programme qui génère des dessins de partitions. Edmond Couchot et Michel Bret font pousser des pissenlits numériques sensibles au souffle des visiteurs qui traversent la salle.












Dans l’escalier qui mène au premier étage, le très beau mobile d’Elias Crespin – Grand HexaNet 2018 se meut lentement, mystérieusement suspendu entre deux mondes. Les fleurs numériques de Miguel Chevalier se transforment en forêt foisonnante, jaridn sensible croissant au rythme des visiteurs, au cours de l’exposition grâce à des capteurs de présence. Les colonnes aztèques de Michael Hansmeyer, Astana Columns, si élaborées que l’esprit humain n’aurait pas pu les créer, sont le fruit d’un algorithme et d’une imprimante 3D. Le labyrinthe en trompe-l’œil de Peter Kögler, entre peinture et architecture, réalisé pour le Grand Palais transforme la réalité en un espace qui modifie notre perception. Joan Fontcurberta reproduit les paysages des tableaux de Turner ou de Cézanne à l’aide d’un logiciel de simulation 3D comme s’ils étaient réels.

La machine autonome rivalise avec l’esprit humain jusqu’à générer, par exemple des scénarios, comme c’est le cas pour le court-métrage, bijou d’absurdité et de drôlerie, Sunspring réalisé en 2016 par Oscar Sharp. Ce robot intelligent souligne les enjeux du deep learning et interroge les théories du transhumanisme. Homme et machine convergent vers un nouvel être hybride, l’homme augmenté dont l’artiste Orlan prédit l’avènement depuis longtemps à travers son travail sur la modification corporelle. Elle pousse la réflexion au paroxysme avec la création d’un double artificiel, clone de métal et de silicone, l’Orlanoïde auquel répond une sculpture Autoportrait de Takashi Murakami, au visage démultiplié. Mirages de la science, simulation de l’intelligence humaine, cet hypermonde conceptuel a su développer sa propre poésie dans ce nouvel espace digital.

Artistes & Robots
Jusqu’au 9 juillet

Grand Palais
3 avenue du Général-Eisenhower - Paris 8
Tél : 01 44 13 17 17
Horaires : Ouvert tous les jours sauf le mardi de 10h à 20h, nocturne le mercredi jusqu’à 22 h



Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie.