Cinéma : L'île aux chiens, de Wes Anderson - Avec les voix de Vincent Lindon, Isabelle Huppert, Romain Duris, Louis Garrel



Dans les années 2040, le maire autoritaire de Megasaki, une mégalopole japonaise, lance une alerte contre une épidémie de grippe canine. A l'encontre des avis scientifiques, refusant d'écouter les voix des défenseurs des animaux, il ordonne par décret une quarantaine et condamne à l'exil tous les chiens de la ville. Arrachés à leur famille, les animaux sont déportés sur l'île aux Poubelles, gigantesque décharge à ciel ouvert, où ils survivent difficilement, sans nourriture et sans espoir. Atari Kobayashi, jeune orphelin de douze ans, neveu et pupille du maire, détourne un avion afin de voler jusqu'à l'île devenue île aux Chiens et retrouver Spots, son meilleur ami. Aidé par une meute de chiens, Atari va découvrir une conspiration qui menace la ville.






Neuvième long métrage, du réalisateur Wes Anderson dont c'est le deuxième film d'animation après Fantastic Mister Fox, L'île aux chiens confirme une nouvelle fois le talent d'un conteur unique à l'imagination fertile. Par le biais de la technique artisanale du stop motion, si différente des grosses machines productrices d'images de synthèse, le réalisateur atteint un délicat équilibre entre nostalgie et modernité, tradition et science-fiction. Un véritable régal visuel que la bande originale signée Alexandre Desplat, accord de percussions japonaises, de clarinette et de saxophone vient souligner avec bonheur.

Manifeste antispéciste, fable d'anticipation chargée de références, L'île aux chiens est un hommage à la culture japonaise, du cinéma des années 60, notamment Kurosawa, au théâtre Kabuki ou encore les estampes d'Hokusai ou d'Hiroshige. Marquée par le sens du détail, un foisonnement d'imagination propre à Wes Anderson, cette oeuvre ne boude pas un plaisir d'enfance même si l'histoire est traitée avec une forme de dureté réaliste. Les corps malades, un poisson découpé vivant, une greffe de rein, la crudité de certaines scènes prolonge l'idée d'un propos adulte.






Le scénario écrit par Wes Anderson et ses complices, Roman Coppola, Jason Schwartzmann et Kunichi Nomura s'installe rapidement sur les rails de la dystopie critique aux accents politiques. Cette épopée fantaisiste aborde avec nuance les thèmes de l'écologie, les dérives autoritaires, l'exclusion délivrant un fort message de tolérance. 

Le personnage du maire, qui n'est pas sans rappeler certains politiciens contemporains, figure de l'autocrate pratique à tout va désinformation de masse et dissimulation des vérités scientifiques tandis que les chiens, mis aux bans de la société, exclus, exilé semblent incarner la survie d'un idéal démocratique contre la dictature. A eux la dignité, l'altruisme, l'entraide, à lui les manigances, les mensonges, le despotisme. Le fait que les chiens parlent anglais / français, les humains, japonais, avec parfois traduction et sous-titres mais pas toujours, renforcent cette sensation d'étrangeté tout en soulignant la communication sans paroles qui s'opère entre cabots et enfants. 




Histoire d'enfance et de solitude, univers mélancolique, personnages cabossés comme les affectionne tant Wes Anderson, L'île aux chiens est un épatant conte moderne aux ramifications politiques pointues.

L'île aux chiens, de Wes Anderson

Voix originales
Bryan Cranston : Chef, Edward Norton : Rex, Bill Murray : Boss, Jeff Goldblum : Duke, Bob Balaban : King, Koyu Rankin : Atari Kobayashi, Kunichi Nomura : le maire Kobayashi, Akira, Takayama : le major Domo, Liev Schreiber : Spots, Greta Gerwig : Tracy Walker, Frances McDormand : l'interprète Nelson, Scarlett Johansson : Nutmeg, Harvey Keitel : Gondo, F. Murray Abraham : Jupiter, Tilda Swinton : Oracle, Courtney B. Vance : le narrateur, Fisher Stevens : Scrap, Mari Natsuki : Auntie, Akira Ito : le professeur Watanabe, Yoko Ono : l'assistante scientifique Yoko Ono, Yojiro Noda : le présentateur du journal, Frank Wood : la machine simul-traducteur, Nijiro Murakami : l'éditeur Hiroshi, Roman Coppola : Igor, Anjelica Huston : Le caniche muet

Voix françaises
Vincent Lindon : Chef, Romain Duris : Rex, Hippolyte Girardot : Boss, Mathieu Amalric : Duke, Yvan Attal : King, Daniel Auteuil : Jupiter, Greta Gerwig : Tracy, Isabelle Huppert : l'interprète Nelson, Louis Garrel : Spots, Léa Seydoux : Nutmeg, Aurore Clément : Oracle, Nicolas Saada : Scrap, Jean-Pierre Léaud : Gondo
Sortie le 11 avril 2018



Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie.