Cinéma : Barbara, de Mathieu Amalric - Avec Jeanne Balibar, Mathieu Amalric



Brigitte, actrice française qui vit aux Etats-Unis, revient en France pour interpréter le rôle de la chanteuse Barbara dans un film réalisé par Yves Zand. Transi d'admiration, le cinéaste est troublé dans le sujet de son adoration, fasciné par la chanteuse qu'incarne la comédienne dont il est amoureux. Pour mieux comprendre la vérité du rôle, Brigitte cherche à tout connaître de Barbara, s'imprègne des gestes jusqu'au mimétisme, des rituels de "la longue dame brune". L'équipe de tournage part sur la route à travers la France. De préparations en répétitions, l'actrice compose, improvise alors que peu à peu l'envoûtement des illusions opère dans le trouble de l'incarnation.






En s'émancipant des codes traditionnels du biopic, Mathieu Amalric tente de saisir la vérité d'un personnage hors nome. Il convoque les ombres, désagrège la chronologie dans un processus allusif qui compose un portrait vibrant de la chanteuse. Hommage à cette personnalité si singulière, capricieuse, tendre, autoritaire, perfectionniste, drôle, fantasque, le film s'appuie sur deux documents majeurs, le livre de Jacques Tournier publié en 1968, Barbara ou les parenthèses aux Editions Seghers et le documentaire de Gérard Vergez réalisé pendant la tournée de 1972. Dans un perpétuel mouvement de va-et-vient entre la fiction et le réel, le présent et le passé, Amalric fait rejouer des séquences de celui-ci par Jeanne Balibar.





Jeu de miroir envoûtant, le récit se détache de la chronologie biographique pour procéder par association d'images, d'idées. L'enfance de la petite fille juive, la guerre, le père incestueux, la mère envahissante prennent la forme de révélations fugitives. Le réalisateur choisit de mettre en exergue les qualités singulières de la personnalité de Barbara, ses forces, ses fragilités, son rapport unique avec son public, cette générosité et ce don de soi total, le charme et la fantaisie.

Evocation hantée, poème filmé, le réalisateur compose une variation fragmentée, syncopée entre images du film, images d'archives assemblées dans des effets de montage virtuoses, une mise en abyme à la fois onirique et tout à fait maîtrisée. Sur le fil du rasoir, le vacillement subtil entre le vrai, le faux, la reproduction, le documentaire, plonge le spectateur dans une transe où fiction et réalité s'intriquent jusqu'au point de fuite de la vérité. 




La comédienne Jeanne Balibar interprète une actrice, Brigitte qui incarne la chanteuse Barbara dans un dialogue à distance où les silhouettes se confondent, se dissocient pour mieux s'embrasser dans un ballet vertigineux de sensations et d'émotions.  Dans le jeu entre le modèle et son reflet, l'actrice et son double, la composition de Jeanne Balibar est saisissante d'intensité, de grâce aérienne, très impressionnante.

Rêve éveillé, poème onirique d'une grande beauté, Barbara est un film fascinant, étrange, bouleversant.

Barbara de Mathieu Amalric
Avec Jeanne Balibar, Mathieu Amalric, Vincent Peirani
Sortie le 6 septembre 2017



Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie.