Cinéma : Félicité, de Alain Gomis - Avec Véronique Beya Mputu, Papi Mpaka, Gaetan Claudia



A Kinshasa, Félicité, femme fière, indomptable, chante dans les bars avec le groupe Kasaï Allstars. Alors qu'elle élève seule son fils Samo, quatorze ans, sa vie bascule lorsque celui-ci est victime d'un accident de moto. A l'hôpital le chirurgien lui annonce qu'il faut opérer le garçon le plus rapidement possible ou sa jambe sera amputée. Pour cela, Félicité doit réunir une somme considérable. Avec une énergie inébranlable, elle se lance à la recherche de cet argent, n'hésitant pas à s'humilier devant des arnaqueurs qui pourraient profiter de la situation. Entre la désapprobation familiale et le manque de moyen des habitants de ce quartier défavorisé, la solidarité est loin d'être évidente. Seul Tabu, un mécano, grand séducteur porté sur la bouteille, semble vouloir sincèrement lui venir en aide.






A travers cette odyssée portée par une héroïne contemporaine, Alain Gomis, réalisateur franco-sénégalais trace un portrait sensible de femme, une guerrière qui devra accepter sa fragilité et son humanité. A la lutte contre la fatalité du drame social, il ajoute par le biais de ce personnage complexe et intrigant la dimension de la quête spirituelle. A l'intensité des acteurs, merveilleuse Véronique Beya Mputu, fascinante, puissante, répond le bouillonnement organique de Kinshasa, ses douze millions d'habitants, qui devient sous l'œil du réalisateur un personnage à elle seule. Le quotidien entre débrouille et corruption, la déconsidération des quartiers populaires, la force des femmes, la ville africaine vibre d'une énergie étourdissante.






Dans la nuit incertaine, règne le chaos. Alain Gomis signe avec Félicité un projet esthétique original dont les audaces plastiques se révèlent avec la structure particulière du récit. Visuellement, le contraste est brutal, entre le réalisme presque documentaire du premier tiers et la suite lorsque surgit l'épuisement, l'égarement et la violence. Cette césure presque expérimentale dans la construction dramatique évoque une vie dans un entre-deux-mondes envoûtant. 

La dimension onirique du film, splendeur picturale des scènes de nuit, fait la part belle aux sensations, aux résonances de la musique portant le métrage vers une ampleur émotionnelle poétique presqu'énigmatique. Musique magnétique qui joue un rôle essentiel, regain vital où se mêlent le trivial et le sacré. Entre tradition et électro, les compositions du groupe Kasaï Allstars, dont le chant est porté par la voix de la chanteuse Muambuyi dialogue avec les interventions de l'Orchestre symphonique de Kinshasa qui interprète les compositions de Arvo Pärt. 





Ode à la femme africaine, Félicité est l'histoire d'un combat pour la survie qui mène à l'élévation spirituelle. Sensuel, vibrant, émouvant, ce film humaniste en révélant ce qu'il y a de beau en l'homme porte en lui une dimension universelle. 

Félicité de Alain Gomis
Avec Véronique Beya Mputu, Papi Mpaka, Gaetan Claudia
Sortie le 29 mars 2017



Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie.