Petit pays - Gaël Faye : Gabriel, franco-rwandais de trente-trois ans qui vit en banlieue parisienne, se souvient de son enfance au Burundi. Sur les traces du passé, où douleurs de l'exil et du deuil se mêlent, il évoque les souvenirs d'un petit garçon métis né en 1982 d'un père entrepreneur français expatrié et d'une mère rwandaise qui a fui son pays lors des massacres perpétrés contre les Tutsis à la fin des années 60. Gabriel, dix ans, et sa petite sœur Ana vivent dans un quartier résidentiel sur les hauteurs de Bujumbura. Dans la belle maison parfumée par la citronnelle, les domestiques veillent sur eux lorsque la mère se sépare du père et les quitte. Gaby, Gino, les jumeaux, le grand Armand, les copains de l'impasse font les quatre cents coups : rapines de fruits dans le jardin des voisins, baignades dans le lac, randonnées dans la forêt, cigarettes fumées en secret, siestes sous la moustiquaire trouée. Et puis il y a Mme Economopoulos, ancienne prof, qui prête les livres de sa merveilleuse bibliothèque au petit garçon curieux, les lettres à Laure, la correspondante française qui vit à Orléans. Sous les manguiers, ce pourrait être le paradis si l'ombre du conflit ne planait. La violence monte par vagues successives et bientôt l'insouciance est balayée par le chaos de l'Histoire. La confusion politique après l'assassinat en juin 1993 du premier président élu démocratiquement mène à un coup d'état puis à la guerre civile tandis que débute le génocide des Tutsis au Rwanda voisin en 1994.
Premier roman de fiction aux échos autobiographiques, Gaël Faye mêle imagination et souvenirs. La voix du petit garçon et celle de celui qui a grandi exilé en France se répondent pour évoquer la lumière, les parfums, les goûts de l'Eden perdu de l'enfance, la beauté massacrée par la folie des hommes. Petit pays raconte l'histoire tragique du basculement dans l'horreur à travers les yeux d'un gamin chassé du pays de l'innocence par le drame. A travers ce regard singulier sur le monde qui se fissure, l'auteur redonne vit à ce bonheur fugace détruit par la violence prégnante qui progressivement envahit les existences.
Lynchage, barrages, violence des gangs, agressions ethniques, exécutions sommaires, abus policiers, milices ethniques, villages ravagés, habitations incendiés, population décimées, les proches disparus sous les coups de machette et les rescapés, l'horreur de la guerre civile et du génocide est abordée sans fard, dans toute l'ampleur du drame. Car les enfants voient tout et entendent tout même lorsque les adultes tentent de les protéger.
Plume sensible, Gaël Faye aborde ce sujet difficile avec grâce et gravité dans un texte lumineux, drôle et mélancolique dont la subtilité fait côtoyer la tragédie et l'humour. Il sait dire la douceur de vivre et la terreur en contrepoint mais aussi les paradoxes du métissage. Nostalgie du paradis perdu de l'enfance, désarroi de l'homme déraciné, ce livre ample, entre ombre et lumière, est bouleversant.
Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie.
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