Fils du feu - Guy Boley : Dans la France des Trente Glorieuses, Jérôme grandit à Besançon dans un quartier populaire entouré de son père, un forgeron taciturne, ferronnier d'art exceptionnel, sa mère, sa grande sœur et son petit frère Norbert. Il y a la grand-mère dont la spécialité culinaire est la grenouille, sa dextérité à étêter les batraciens et puis Jacky, l'assistant du père un mystérieux taiseux apparu un jour sur sa moto à la porte de la forge et dont la présence trouble tant Jérôme. Malgré la rudesse des hommes, maîtres du feu et de la matière, parfois la tendresse et la joie explosent comme lorsque le père et la mère se lancent dans des duos d'opérette. Dans les yeux des enfants, la forge est un monde magique peuplé de légendes. Mais la tradition du métier est menacée par le progrès technique. Quand Norbert décède prématurément, la mère au bord de la folie préfère vivre dans le déni. Elle continue de faire vivre le petit disparu en lui inventant une existence. Ses couverts sont toujours dressés à la table familiale, elle borde le lit depuis longtemps vide tous les soirs. Et le père se met à boire pour surmonter le chagrin.
L'auteur est un artiste polymorphe qui a passé sa vie à se réinventer. Tour à tour maçon, ouvrier, funambule, directeur de cirque, dramaturge, scénariste, Guy Boley signe un premier roman initiatique aux accents autobiographiques. A l'amour de la langue et la sensualité des mots, il mêle la grâce insolite de saynètes parfois cocasses, souvent poétiques comme des vignettes pour se rappeler un monde perdu.
Toujours juste, Guy Boley donne chair à une histoire de reconstruction de soi malgré les deuils, les douleurs. La disparition de la forge, la folie de la mère, le départ définitif de la grande sœur, un univers plonge dans l'oubli alors que ceux qui restent doivent poursuivre leur route. Jérôme, le narrateur, tout d'abord destiné à des études scientifiques trouve sa voie dans la littérature puis les Beaux Arts, la peinture comme une catharsis.
Evocation d'une enfance, de la province française d'un autre temps, ce récit inspiré est un roman des sens traversé par un souffle lyrique singulier. La puissance des images est portée à incandescence par la plume sensible et rigoureuse, la flamboyance d'un verbe coloré où sont exaltées les sensations.
Texte élégant et puissant, mélancolique et brasillant, Fils du feu est très certainement l'une des révélations de la rentrée littéraire.
Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie.
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