Comment tu parles de ton père - Joann Sfar : A défaut d'aller prier à la synagogue comme il lui avait promis, Joann Sfar, artiste aux multiples facettes, dessinateur, réalisateur, scénariste, écrivain dédie un livre à la mémoire de son père André Sfar. Avocat truculent, défenseur des prostituées, des truands, des banquiers, séducteur couvert de femmes, "beau comme Sacha Distel", ce personnage haut en couleur qui fréquente les arcanes du pouvoir à Nice est né à Alger en 1933, année où Hitler accède au pouvoir en Allemagne. Bons et mauvais côtés, panache et dureté, entre rires et mélancolie, l'auteur raconte son quotidien avec un père marqué par les manques et les douleurs sous ses allures flamboyantes, à travers un portrait piquant, véritable message d'amour au disparu.
En deuil, Joann Sfar part en vacances en Crète avec ses deux enfants mais un problème de vue l'entraîne dans un périple chez l'ophtalmologue local. Il ne peut plus dessiner et reprend ce texte hommage à son père débuté plus tôt. Ce diplômé en philosophie y voit tout de suite un lien psychanalytique oedipien. Le livre, récit autobiographique d'une enfance niçoise auprès d'un père truculent, hâbleur, bagarreur, homme flamboyant et complexe, sera sa thérapie.
Lorsque que Joann Sfar perd à l'âge de trois ans sa mère, une jeune chanteuse de variété élue Mademoiselle âge tendre, son père plutôt que d'affronter la douleur de ce décès lui fait croire qu'elle est partie en voyage. Il lui faudra tout une vie pour se remettre de ce mensonge originel. A la mort de sa femme, André se reconnecte à sa judéité et se fâche lorsque plus tard, Joann, celui-ci a alors seize ans, lui parle de Sandrina, son amoureuse qui deviendra sa femme, parce qu'elle n'est pas juive. Bien qu'élevé dans la religion, Joann Sfar en libre-penseur se défie de toutes les croyances qui veulent imposer leur loi aux hommes.
Laissant affleurer les flux de la mémoire, celui qui dessine pour qu'on l'aime, pour libérer le trop plein d'émotion de la vie, trace en creux le portrait d'une famille peu ordinaire. Joann Sfar rassemble les souvenirs épars autour d'un récit pensé comme un roman mais construit autour des personnes réelles de sa vie. A travers ce texte, il poursuit le dialogue avec les disparus, les figures parentales, le père et la mère, mais également le grand-père maternel tout aussi picaresques qu'André Sfar.
Irrésistible de drôlerie, l'auteur déploie un sens rare de l'autodérision à travers des scènes désopilantes comme celle où rangeant l'appartement de son père, il retrouve au fond d'une valise son propre prépuce momifié. Celle encore où André Sfar exige que Joann obtienne d'un magazine dans lequel il a donné une interview revienne sur les déclarations du fils qui a affirmé que le brillant avocat avait payé ses études en jouant dans des claques d'Alger.
Irrésistible de drôlerie, l'auteur déploie un sens rare de l'autodérision à travers des scènes désopilantes comme celle où rangeant l'appartement de son père, il retrouve au fond d'une valise son propre prépuce momifié. Celle encore où André Sfar exige que Joann obtienne d'un magazine dans lequel il a donné une interview revienne sur les déclarations du fils qui a affirmé que le brillant avocat avait payé ses études en jouant dans des claques d'Alger.
L'émotion et l'humour se mêlent dans un récit poignant, intime et pudique. Joann Sfar raconte qu'il a songé à couper les passages tristes pour que le lecteur ne s'ennuie pas. L'intensité du texte réside dans sa sincérité simple, sa lucidité tendre, celles d'un amour profond marqué par l'admiration et le respect.
Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie.
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