Crans-Montana - Monica Sabolo : Au milieu des années 60, Chris, Charlie et Claudia, trois fillettes devenues l'espace d'une saison de superbes jeunes filles hantent les rêves des garçons de leur âge à Crans-Montana. Cette station huppée des Alpes suisses où se retrouvent en villégiature les familles de la bourgeoisie parisienne et milanaise, est le terrain de jeu de la jeunesse dorée qui fait connaissance sur les pistes de ski, dans les discothèques ou sur les cours de tennis. Claudia, la blonde italienne, père disparu dans un accident et mère à la sulfureuse beauté poursuivie par les ragots, Chris boucles brunes, moue boudeuse, Charlie cheveux noirs jusqu'aux fesses, fine silhouette androgyne, les adolescents de Crans-Montana vénèrent les trois C comme ils les surnomment. Ce trio inséparable de divinités intouchables est inconscient de leur pouvoir de séduction, de l'attention qu'on leur porte. Amoureux de ces jeunes astres, les garçons les suivent, les observent fascinés par leur aura mystérieuse, sans pour autant chercher à les rencontrer. Et les années passent avec leur lot de désillusions et de promesses non tenues.
Plume mélancolique, élégance légère du désespoir qui fait songer à Françoise Sagan, à Scott Fitzgerald, Monica Sabolo ausculte avec grâce le vénéneux désastre ordinaire de vies qui s'annonçaient radieuses. Dans le microcosme des nantis, la vie oisive des femmes trophées oscillent entre fêtes sous influence, comportements délétères, désillusion et dépression.
De 1961 à 1995, sous le regard énamouré de leurs admirateurs, les trois héroïnes, apparitions fantomatiques de la jeunesse à conjurer, traversent dans une ambivalence sophistiquée les époques. Les années 70 de la libération des mœurs, les années 80 portées par l'argent roi et les drogues, les années 90 et les valises pleines de billets qui passent la frontière, prennent vie dans une ambiance chimérique feutrée. Cruel et résigné, roman d'atmosphère au temps disloqué, Crans-Montana à l'instar de Virgin Suicides explore l'insondable univers des jeunes filles. Celles-ci cependant sont destinées à vivre, à grandir dans un milieu hypocrite rongé par l'argent et le pouvoir qui va les détruire.
Sous les apparences de bonheur clinquant, les plaies ouvertes et la vacuité des existences soulignent les illusions trahies de la jeunesse, les rêves oubliés. Les personnages dans un vertige angoissant semblent passer à côté de leur vie entre secrets doux-amers, tragédies et jeux de l'amour. Et derrière les espérances déçues, rôde le spectre de ce qu'on l'aurait pu être. Troublant, fascinant.
Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie.
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