Lundi Librairie : Vladimir M. - Robert Littell



Vladimir M. - Robert Littell : Mars 1953. Dans une chambre de l'hôtel Metropole à Moscou, quatre femmes se réunissent autour d'un étudiant américain R. Litzky et son magnétophone pour évoquer la relation qui les liait au poète et dramaturge Vladimir Maïakovski. Suicidé vingt-cinq ans auparavant, chacune a aimé le grand artiste, chacune en a été aimée : Lilia Brick la passionaria bolchévique avec laquelle il a connu un ménage à trois, Tatiana Iakovlena, aristocrate pudibonde rencontrée à Paris, Elly Jones, russe immigrée à New York, mère de son enfant, Nora Polonskaïa, une comédienne flamboyante qui fut sa dernière maîtresse. Elles convoquent le souvenir et se rappellent d'un homme complexe auquel elles prêtent des traits fondamentalement différents jusqu'à ne pas se mettre d'accord sur la couleur de ses yeux.

Portrait intimiste et vivace de Maïakovski par ses muses, subversif, passionné, Vladimir M. joue habilement sur les tableaux de l'exactitude historique et de la licence romanesque. A travers le prisme de la fiction amoureuse, Robert Littell, ancien journaliste spécialiste de l'Union Soviétique et du Moyen-Orient, s'intéresse à la fois à l'engagement politique ainsi qu'à la personnalité d'une figure emblématique de la Révolution russe, un poète à la voix de stentor qui privilégie la cause au détriment de son art.

Chef de file du mouvement Futuriste, Maïakovski, entre mythe et intime, fait partie de cette génération de poètes détruits par le régime stalinien. Au cœur de l'Histoire en marche, il n'hésite par à pervertir sa vocation littéraire au service de la propagande jusqu'aux désillusions cruelles qui le mène à la rébellion envers une censure créatrice imposée par le régime. Robert Littell interroge avec acuité les liens entre le pouvoir et le poète, redevenu gloire nationale après son décès, une fois sa voix éteinte. Enigme et mystère d'un homme hanté par la mort, la peur de la vieillesse et de l'oubli, profondément engagé au risque de se perdre.

Amours libres, tourmente d'une époque où brillent les figures des grands poètes sacrifiés, Boris Pasternak, Marina Tsvetaïeva, Sergueï Essenine, ce roman biographique haut en couleurs est à l'image de l'artiste. Evocation d'une vie riche en conquêtes féminines, l'art et les idéaux se mêlent sur fond de frénésie sexuelle et d'alcool. Usant d'un procédé journalistique soutenue par un style intelligent, le livre est présenté comme la transcription d'enregistrement, l'auteur donne vie aux témoignages imaginaires des quatre muses, chœur polyphonique qui fait entendre les caractères piquants de ces dames, les jalousies, les aigreurs passées mais également l'immense admiration et la tendresse. Entre chamailleries fielleuses et camaraderie de harem, ses regards de femmes portés sur un homme ne font pas oublier le regard de l'auteur, un homme donc, porté sur ces femmes qu'il n'épargne pas les parant d'autant de défauts moraux que de qualités d'âme.

Roman ambitieux d'une existence tumultueuse, Robert Littell signe un hommage vibrant et sensuel où la démesure créatrice côtoie le génie humain pour le bien comme pour le mal.  

Vladimir M. de Robert Littell - traduit de l'anglais par Cécile Arnaud - Editions Baker Street



Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie.