Lundi Librairie : Sagan 1954 - Anne Berest



Sagan 1954 - Anne Berest : Au début de l'année 1954, Françoise Quoirez a dix-sept ans et n'est pas encore Sagan. Elle a passé son été à écrire un roman qu'elle rêve, avec son amie Florence Malraux, de voir publier. Jeune fille de la bourgeoisie, père industriel fantasque et mère élégante, elle est la benjamine choyée d'une fratrie de trois enfants à qui toutes les fantaisies sont permises. Lorsqu'elle présente son livre dans trois maisons d'édition, elle ne doute pas. De drôles de fées vont se pencher sur son berceau d'écrivain naissant, son éditeur René Julliard, Michel Déon et François Mauriac ainsi que le jury du prix des critiques, Jean Paulhan, Maurice Nadeau, Georges Bataille, Marcel Arland, Roger Caillois. Le roman signé par une si jeune femme est jugé sulfureux et fait scandale. Le succès est immédiat. Soixante ans plus tard, Anne Berest, l'auteur, vit une rupture douloureuse. Elle vient de se séparer du père de sa fille et ne croit plus à l'amour. Denis Westhoff, le fils de Françoise Sagan, lui propose de raconter l'histoire de la parution de Bonjour Tristesse, ce premier ouvrage qui fit tout basculer.

Roman, biographie, autofiction, sous une forme singulière et intime, Sagan 1954 évoque les prémisses d'un écrivain porté aux nues à dix-huit ans. Anne Berest réinvente les scènes, donne chair au récit pour conter l'entrée fracassante en littérature de Françoise Sagan. Elle dépeint avec finesse et intelligence la jeune fille son amour de la littérature, son ouverture d'esprit, ses espiègleries. A douze ans, Françoise se fait renvoyer des cours pour avoir pendu par une ficelle un buste de Molière. Alors qu'elle n'informe pas ses parents, pendant trois mois elle fait semblant de partir au collège tous les matins alors qu'elle vagabonde toute seule au gré de ses envies dans les rues de Paris.

A dix-sept ans, Kiki pour les intimes, n'en fait qu'à sa tête et mène une vie de garçon. Chaperonnée par son grand frère de vingt-sept ans, Jacques, elle découvre, bien que mineure, la nuit parisienne, le whisky, les cigarettes, les belles voitures. Eprise de liberté, elle revendique déjà de mener son existence comme elle l'entend. Dans les années cinquante, les femmes inféodées à leur père puis à leur mari ne peuvent disposer de leur argent, n'ont pas le droit d'ouvrir un compte bancaire à leur nom. Lorsque Françoise reçoit le prix des critiques, des espèces lui sont versées pour passer outre le flottement autour d'une remise de chèque et son père lui conseille de tout dépenser. 

Hommage à une femme affranchie des conventions, Sagan 1954 est aussi l'histoire d'une rencontre. Anne Berest révèle en parallèle comment son immersion dans la vie d'une autre lui a permis de surmonter l'épreuve de la rupture. Sur les traces de son aînée, inspirée par son impertinence et sa confiance en soi, l'auteur se laisse tenter par l'aventure, une véritable échappée belle. Elle consulte une voyante, va à Deauville jouer au casino, croise fortuitement Jean Echenoz, séduit un jeune homme. Diluant son chagrin dans l'énergie et la joie de celle que fut Françoise Sagan, son évocation agit comme un révélateur. L'écriture de ce livre l'aide à s'émanciper, lui redonne le goût du bonheur et de la fantaisie. Un hymne à la liberté, à l'amitié, aux belles personnes.

Sagan 1954 - Anne Berest - Editions Stock - Collection de poche Le Livre de Poche



Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie.