Cinéma : Desierto, de Jonás Cuarón - Avec Gael García Bernal, Jeffrey Dean Morgan, Alondra Hidalgo - Par Didier Flori



Une camionnette traverse une étendue désertique avec à son bord un groupe de Mexicains. Pour le groupe qui tente de passer clandestinement aux Etats-Unis, les choses se compliquent vite avec le véhicule qui tombe en panne. Un mécanicien qui se trouve parmi les immigrés (Gael García Bernal) confirme qu’il leur faudra braver le désert, à pied. Leurs ennuis ne font cependant que commencer alors qu’un inquiétant américain (Jeffrey Dean Morgan), armé d’un fusil et accompagné de son berger allemand, rode dans les environs. 







Le premier long métrage de Jonás Cuarón, Año Uña, n’avait pas eu les honneurs d’une distribution en France. Entre temps, le jeune cinéaste s’est imposé en assistant son père Alfonso Cuarón dans l’écriture de Gravity. Cette collaboration est en fait née de la lecture du projet de Desierto par Alfonso Cuarón, et on peut aisément voir ce en quoi les deux films se rejoignent. Les récits sont en effet des « survivals » qui tiennent avant tout par leur mise en scène. Dans les deux cas, les protagonistes sont confrontés à un univers hostile, la désolation vide de l’espace glacé dans Gravity et celle du désert brulant dans Desierto. L’ajout de la composante de la traque dans le film de Jonás Cuarón ne vient qu’accentuer l’enjeu dramatique essentiel de survie.

Desierto pose au départ quelques éléments sociologiques, avec l’évocation du passage difficile d’un groupe de clandestins aux Etats-Unis et la présentation conjointe d’un personnage inspiré des « Minutemen » qui traquent en milices les migrants le long de la frontière. Cuarón ne s’encombre cependant pas de détails inutiles, dévoile à peine les noms de ses personnages. Dès la rencontre entre le chasseur et ses proies, le film prend le virage d’un film de genre épuré. La sécheresse du scénario pourra alors en décevoir certains, mais ce choix du minimalisme rend d’autant plus prégnante la tension au cœur du récit. Rien ne semble empêcher le programme d’élimination des migrants devenus victimes de leur traqueur sanguinaire. Impuissants, ils sont fauchés l’un après l’autre par les balles tirées par une présence invisible qui les surplombe, comme frappés par un destin implacable. Les plans fixes sur leur fuite pénible dans le désert sont entrecoupés de travellings sur un chien qui les poursuit  dans une course effrénée.




Pour efficace qu’elle soit dans sa mise en scène, cette phase de thriller-action pourrait limiter Desierto à l’exercice de style brillant mais vain. Cependant alors que les rangs des fuyards se réduisent considérablement, le film revêt peu à peu une dimension introspective et existentielle. Accompagnant la transition, la musique de Woodkid, dont les percussions rythmaient l’infernale poursuite, se mue en nappes de synthétiseurs planantes et mélancoliques. Gael García Bernal et Jeffrey Dean Morgan, tous deux parfaits d’intensité, confèrent une profondeur émotionnelle à un film qui nous permet finalement de réfléchir sur la nature de l’homme ; Cuarón nous confronte évidemment à la monstruosité des plus viles pulsions de l’être humain, mais nous pose aussi la question épineuse de la capacité de résistance de la compassion et de l’altruisme face à l’instinct de survie.

Desierto de Jonás Cuarón 
Avec Gael García Bernal, Jeffrey Dean Morgan, Alondra Hidalgo et Diego Cataño
Sortie le 13 avril 2016


Cinéphile averti, Didier Flori est l’auteur de l’excellent blog consacré au cinéma Caméra Critique que je ne saurais trop vous conseiller. Egalement réalisateur et scénariste, c’est avec ferveur qu’il œuvre dans le cadre de l’association Arte Diem Millenium qui soutient les projets artistiques de diverses manières, réalisation, promotion, distribution… Style ciselé, plume inspirée et regard attentif, goûts éclectiques et pointus, ses chroniques cinéma révèlent avec énergie toute la passion pour le 7ème art qui l'anime.