$La vocation - Sophie Fontanel : En 1923, Méliné, 22 ans, une arménienne née à Brousse, s'est réfugiée à Istanbul. Lorsqu'elle embarque sur un bateau pour la France, pour l'exil, elle glisse une page du magazine Vogue dans sa manche, rêve de mode et de liberté. Quatre-vingt dix ans plus tard, sa petite-fille est nommée directrice de la mode à Elle. Entre ces deux destins marqués par la quête de l'élégance, la grâce vestimentaire, la légende des Drezian traverse le XXème siècle. Sophie Fontanel se raconte à travers l'héritage des femmes de sa famille, déterminées, courageuses, Knar, sa mère rebaptisée Jacqueline parce que cela fait plus français, Anahide, sa tante et sa grand-mère Méliné. Affranchies des conventions, portées par l'amour des beaux vêtements, elles feront de cette passion transmise de génération en génération, à la fois une voie d'intégration et de réinvention de soi.
Sophie Fontanel convoque avec poésie et délicatesse les figures tutélaires des femmes de sa famille. Déployant des trésors de pudeur, elle dévoile la passion, la fantaisie d'une lignée marquée par le drame. Regard singulier, un rien décalé, elle retrace le rapport à la mode de la famille Drezian qui voue un culte à l'épanouissement professionnel et à l'autonomie des femmes. La vocation est l'histoire d'une intégration et d'une dévotion à la culture française, sa tradition de l'élégance et du raffinement codé.
Alternant les chapitres, le parcours de sa famille et son aventure à Elle, l'auteur croise les destinées aux origines de sa définition du style. Alors que la journaliste qui n'aspire qu'à la beauté se débat avec les contraintes de son nouveau poste, les dysfonctionnements d'un monde mené par les gens d'argent, elle se remémore les Arméniennes du boulevard Montparnasse qui tricotaient les pulls d'Elsa Schiaparelli dans un jaillissement d'anecdotes poétiques pleine de tendresses. Verbe délicat, volontiers impertinent, Sophie Fontanel croque avec une sagacité bienveillante l'univers pas si glamour des magazines tandis qu'en parallèle renait sous sa plume l'espoir des petites couturières émigrées.
Porté par un élan vital, une joie à peine ombrée, ce beau texte émouvant et drôle s'interroge sur la concordance entre le vêtement et ce que l'on est dans un mouvement pas aussi léger qu'il pourrait y paraître. Sophie Fontanel fait preuve d'une acuité de regard, une sagacité qui ne se prend pas au sérieux désarmante. Piquant, touchant, en un mot passionnant, La vocation nous autorise à revendiquer le droit à la futilité, autre nom du bonheur.
Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie.
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