Théâtre : Gustave d'après la correspondance de Gustave Flaubert - Avec Jacques Weber - Théâtre de l'Atelier - Paris 18



En 1854, une nuit d’orage à Croisset, alors que Gustave Flaubert s’échine sur le manuscrit de Madame Bovary, forçat de la littérature obsédé par la perfection du style et le Beau, il reçoit une lettre de rupture de sa maîtresse Louise Colet. S’adressant à Eugène son domestique presque muet à côté de cet ogre déchaîné, le misanthrope génie torturé par l’angoisse de la création, entre grandeur et vicissitudes, vitupère contre les femmes, le conformisme mièvre des gens de lettres, la morale bourgeoise d’une société parisienne qu’il exècre, la bien-pensance. Porté sur les grands vins et les vénus mercenaires, volontiers paillard, Flaubert, intransigeant et bourru, truculent et angoissé méprise les conventions, la bienséance, se révolte contre la médiocrité, la paresse intellectuelle, les romantiques et leur sang de navet.





D’une langue crue à la verdeur savoureuse, ce monologue emporté dresse en creux un portrait de l’artiste en ours mal léché. C’est la troisième fois que Jacques Weber endosse la robe de chambre de Flaubert. Cette pièce qui le tient depuis vingt ans, montée sous différents titres - Sacré nom de Dieu, Gustave et Eugène - faire revivre librement l’écrivain incarné avec panache. Adaptée par Arnaud Bédouet d’après l’abondante correspondance de l’auteur de L’éducation sentimentale, la flamboyance grand style de cette diatribe tonitruante donne une dimension gargantuesque à l’inépuisable contempteur de son temps. Les révoltes personnelles de l’écrivain font valoir toute l’intelligence et la poésie de ce géant des lettres volontairement exilé en province loin de Paris et de l’Académie qu’il méprise.





Sur un plateau quasiment nu, monastique, plongé dans un clair-obscur sépulcral, la fureur des éléments fait écho à celle de l’écrivain. Présence magnifique pour une performance d’acteur époustouflante, Jacques Weber, fauve en cage arpente l’espace à grands pas. Soliloque ininterrompu, il déploie son immense talent dans la densité d’une incarnation vigoureuse et habitée. Grondant, tonitruant, nuancé, il fait souffler la tempête qui emporte le spectateur fourbu mais heureux, tandis qu’Eugène interprété par Philippe Dupont,  espiègle et silencieux récipiendaire trottine aux côtés de l’ouragan tapageur.




Pas de naturalisme pour ce concert d’imprécations. A grand coups de gueule bravaches, coups de sang biliaires mâtinés de mauvaise foi, Flaubert n’épargne personne ni les femmes qui « prennent leur cul pour leur cœur et qui croient que la lune est faite pour éclairer leur boudoir », ni Lamartine déchiré à grands coups de dents voraces, ni la société littéraire qu’il exècre, ni les mentalités mesquines et étriquée de ses contemporains. Seul Victor Hugo semble trouver grâce à ses yeux. Humeurs changeantes, aigreur et tendresse, la fureur se fait joie maline et volupté de la colère donnant à expérimenter cette maxime que Flaubert avait fait sienne « Vivre en bourgeois et penser en demi-dieu. » Un grand moment de théâtre, rare et précieux !

A partir du 16 juin jusqu'au 23 août 2015
Mise en scène : Christine Weber
Avec Jacques Weber et Philippe Dupont

1 place Charles Dullin - Paris 18
Locations : 01 46 06 49 24 ou sur le site ici
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