Paris : 61 rue Réaumur, immeuble néo-gothique, Art Nouveau mâtiné d'historicisme, illustration des recherches architecturales au tournant du XIXème siècle - IIème


L'immeuble au 61 rue Réaumur, au croisement de la rue Saint Denis, dresse sa façade remarquable sur une voie emblématique du début du XXème siècle, véritable laboratoire d'urbanisme de 1897 à 1910. Joyau de l'architecture éclectique, il associe les influences néo-gothiques teintées d'historicisme et l'Art Nouveau. Tout d'abord désigné sous le nom de "Palais byzantin", l'immeuble à vocation mixte, mêle habitations et commerces. Dernière grande réalisation de l'architecte Edouard Singery (1838-1915), assisté de son gendre Philippe Jouannin, il est édifié entre 1898 et 1899 sur une parcelle de faible profondeur. Son corps central pastiche de portail d'église médiévale où l'horloge aurait remplacé la rosace se distingue par l'opulent décor sculpté confié aux frères Francis et Aimé Jacquier, artistes caennais réputés. En façade, le foisonnement d'éléments architecturaux, fenêtres géminées, vitraux, doubles lancettes tréflées, répond au riche programme décoratif développé sur la thématique du temps. Au-dessus de la clé de voûte de l'entrée, le double visage de Janus accueille les visiteurs. Les mascarons, allégories des quatre saisons, représentent Flore, déesse des fleurs et du printemps, Cérès déesse de l'agriculture, des moissons, pour l'été, la nymphe Pomone associée aux pommes et à la vigne pour l'automne, Borée le vent du nord, l'hiver. Les animaux du zodiaque et leurs symboles repris sur le cadran de l'horloge évoquent les mois. Un baromètre se dissimule sous le cadran.

L'inscription à l'inventaire des Monuments historiques par arrêté du 2 octobre 2015 protègent façades et toitures, ainsi que l'escalier avec sa cage, les sols, les boiseries et les ferronneries de l'ascenseur. L'immeuble cathédrale, objet d'un soigneux ravalement, a été à nouveau dévoilé courant 2023. 








L'immeuble du 61 rue Réaumur illustre l'évolution de l'urbanisme à Paris au tournant du siècle. La libéralisation des servitudes imposées par Haussmann, l'assouplissement des réglementations engendrent un renouveau de l'architecture devenu décor de la rue et favorise la manifestation du pittoresque. 

La rue Réaumur envisagée dès 1864 n'est inaugurée que le 7 février 1897 par le président Félix Faure. À cette occasion, la municipalité lance un concours de façades de la Ville de Paris organisé pour la première fois en 1897 et officialisé par arrêté préfectoral le 2 février 1898. Les propriétaires des immeubles primés - six par an - exonérés de la moitié des droits de voirie. L'immeuble du 61 rue Réaumur ne sera pas distingué malgré sa façade remarquable 








Jusqu'en 1910, la rue Réaumur devient lieu d'expérimentations architecturales passionnantes. La richesse esthétique s'inscrit dans la multiplication des styles art nouveau, éclectisme, néo-gothique, un rationalisme empreint d'historicisme. Cette rupture avec l'homogénéité marque une volonté d'aller à rebours de l'uniformité du Paris haussmannien. L'émulation entre les architectes transforme le paysage urbains, hauteurs, saillies, programme décoratif. La façade devient un projet en soi, architecture sculptée. La statuaire acquiert une grande importance. Sculpteurs renommés et architectes travaillent ensemble afin d'animer les façades. Les amateurs du béton armé font appel à des céramistes inventeurs de nouveaux revêtements tels qu'Alexandre Bigot.

Immeuble 61-63 rue Réaumur - Paris 2
Métro Réaumur Sébastopol lignes 3, 4




Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie. 

Bibliographie 
Connaissance du Vieux Paris - Jacques Hillairet - Rivages 
Le guide du promeneur 2è arrondissement - Dominique Leborgne - Parigramme
Le guide du patrimoine Paris - sous la direction de Jean-Marie Pérouse de Montclos - Hachette
Paris grammaire de l'architecture XXème-XXIème siècles - Simon Texier - Parigramme