Un léger passage à vide - Nicolas Rey : Whisky dès le réveil, trois grammes de cocaïne par jour, Stilnox, Xanax avalés comme des bonbons, Nicolas est à deux doigts de passer l’arme à gauche emporté par le combo alcool, drogue et médicaments, lorsque naît son fils Simon. La femme aimée le quitte, il atterrit dans une clinique privée à Saint-Mandé où peu à peu, il redécouvre les gestes du quotidien sans artifices, autrefois naturels. L’occasion d’une introspection émouvante, corrosive. Loin de l’image romantique du poète maudit emporté par ses démons, Nicolas Rey fait acte de contrition entre vulnérabilité et lâcheté amoureuse, humour noir et autodérision.
Récit caustique sans fard, sans fausse pudeur, sans déballage narcissique non plus, Nicolas Rey évoque ses années sombres à travers ces chroniques du mal-être, dix ans d’addiction, de fiestas délétères et l’espoir retrouvé grâce à la naissance de son fils et une cure de désintoxication. Confession intimiste d’un sale gosse autodestructeur, Un léger passage à vide distille avec talent la tristesse lasse du dandy épuisé, les corps consumés et les âmes perdues, les ailes brûlées à la flamme des excès et de la débauche.
Ouvrage personnel, d’une veine plus autobiographique qu’autofictionnelle, ce roman est découpé en brèves saynètes, drôles, déchirantes, sorte d’hommage à Brautigan ou à Jauffret. Architecture singulière, chaque chapitre comme une courte histoire autonome offre une tranche de vie, scènes d’amitié, de désespoir, décortiquant les difficultés du couple et la possibilité d’une renaissance amoureuse. Nicolas Rey nous offre au passage quelques belles pages sur la paternité et l’enfance. Dénonçant avec acidité la tyrannie des convenances, le ridicule de la vie sociale d’un certain milieu, de « mauvaises passes en moments dingues » il nous fait découvrir l’absurdité d’un salon du livre où les stars de la télé fascinent bien plus que les écrivains ou nous permet d’assister à un dîner mondain où la vacuité est de mise.
La force du recul et la légèreté ironique avec laquelle il évoque son désastre intime, autodérision salvatrice, contribuent au charme de cet écrivain au bord de l’abîme. Plumé affûtée, style épuré, Nicolas Rey mène son ouvrage au galop, dans l’urgence de la page à venir avec insolence et cynisme. Un joli moment de grâce et de lassitude.
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