Paris : Hommage à Charlie Parker, une sculpture modulaire d'Alain Kirili - place Robert Antelme - XIIIème



Nouveau quartier du XIIIème arrondissement, le quartier de la Gare se veut un lieu de diversité et de création. De nombreuses galeries établies dans cette zone et le parcours artistique du tramway T3 qui passe à la périphérie viennent enrichir un horizon minéral ultramoderne qui s’affirme peu à peu entre les grues vertigineuses. Sur la place Robert Antelme créée au début des années 2000 au cours de l’aménagement de la ZAC Paris Rive Gauche a été inaugurée en mai 2007, une installation monumentale du sculpteur français Alain Kirili, intitulée Hommage à Charlie Parker, célèbre jazzman, saxophoniste alto et  l’un des créateurs du be bop. Je vous avouerai que j’ai eu comme un moment de perplexité en découvrant les cinq blocs de pierre de Bourgogne rose et leur titre car il me manquait quelques éléments afin de comprendre l’intime relation entre l’artiste et le jazz. Pour Alain Kirili, la création dans un élan se conçoit comme une abstraction, une évocation. Son œuvre se veut une célébration de la vie, du corps en action, de la liberté mais également de l’improvisation. C’est là qu’intervention le parallèle entre la sculpture et la musique, la surface de la matière rythmée comme la musique est relief. « Jazz et Sculpture se créent dans l’urgence. Le risque extrême est la condition minimum de la création, le critère absolu du musicien et du sculpteur. »








La verticalité des éléments évoque à la fois les pierres dressées du néolithique, mystérieux monolithes, les menhirs celtes, les obélisques égyptiens. A travers ce mouvement d’élévation, Alain Kirili puise force et dynamisme tout en laissant libre court à la fascination de la matière autour de laquelle l’artiste recrée de véritables rituels, s’adonnant au modelé comme une expression de l’improvisation. Esthétique de la spontanéité, recherche de la simplicité organique à échelle monumentale, cette installation déploie ses volumes dispersés à la façon de drippings tridimensionnels, œuvre libre de toute composition préétablie. Les blocs de pierre de Bourgogne composant l’Hommage à Charlie Parker mesurent 2,50m de haut et 1,4m de large. Une base en forme de pavé droit grossièrement extrait de la pierre surmonté d’une partie haute sculptée géométriquement laissent présumer la genèse du geste affranchi des contraintes en contradiction apparente avec la masse de la matière brute.







Alain Kirili, grand voyageur porté par le jazz et la philosophie n’a cessé d’expérimenter au gré de ses pérégrinations. Terre cuite, glaise crue, fer forgé, béton coloré, ciment pigmenté, résines synthétiques, fil de fer ou pierre noble comme autant de terrain de jeu, comme autant de prétexte à l’évolution du processus créatif. Dessin, sculpture, peinture, les réalisations aux qualités plastiques évidentes presque sensuelles, prennent leur élan à travers une dimension spirituelle qui va au-delà de l’art conceptuel. Les influences se trouvent incarnées et réinterprétées sous la main de l’artiste : plasticiens et musiciens américains tel que l’expressionniste David Smith, art chinois millénaire, sculptures Yoni-Lingam en Inde, l’érotisme de Rodin, fascination pour les textes sacrés et leur symbolique ainsi que pour les cultures orientales et africaines, particulièrement le Mali. Les rencontres ont marqué durablement l’œuvre d’Alain Kirili, entamant un dialogue constant entre son travail, l’histoire de l’art, ses contemporains mais également entre sa pratique créatrice et la musique.







C’est en 1992, au Thread Waxing Square à New York que la corrélation prend une forme inédite. Steve Lacy saxophoniste soprano donne un concert au milieu de l’une des installations de Kirili ayant pour titre Commandment en référence à la Thora. Une expérience renouvelée par la suite, un échange permanent entre les musiciens de jazz et l’œuvre d’Alain Kirili. L’artiste crée en musique et en 1996, paraît un premier ouvrage sur ce thème intitulé Sculpture et Jazz aux éditions Stock puis en 1997 Célébrations est publié chez Christian Bourgeois dans lequel il livre ses réflexions sur les liens entre le jazz et sa pratique de la sculpture révélant tout ce qu’il doit à l’énergie musicale. Il y retrace l’histoire de ses collaborations avec Cecil Taylor, Steve Lacy, Roy Haynes ou encore Sunny Murray.

Hommage à Charlie Parker, une sculpture installation d’Alain Kirili
Place Robert Antelme - Paris 13