Lundi Librairie : Fourrure - Adélaïde de Clermont-Tonnerre



Fourrure - Adélaïde de Clermont-Tonnerre : Ondine apprend par les gros titres de la presse le suicide de sa mère, Zita Chalitzine, romancière à scandale qui n’aurait été que le prête-nom d’un écrivain célèbre et ancienne protégée de Madame Claude, la mère maquerelle du tout Paris des années 70. Après les funérailles, elle découvre un manuscrit testament  qui va lui permettre de découvrir cette mère qu’elle exècre sous un nouveau jour. A travers cette autobiographie qui relate l’ascension et la chute de Zita, icône mondaine sulfureuse, Ondine apprend à connaître celle à laquelle elle n’adresse plus la parole depuis des années et qui n’a jamais voulu révéler le nom de son père.

Fille d’un exilé russe devenu bouquiniste disparu alors qu’elle était enfant et d’une concierge obèse, pingre et inculte, la jeune Zita rêve de devenir écrivain quoiqu’il en coûte et ce malgré des origines sociales modestes qui lui pèsent d’autant plus qu’elle est amené à côtoyer le monde des nantis hypocritement bienveillants envers la fille de la gardienne. Dans un microcosme où l’argent achète tout et donne l’illusion de pouvoir accéder aux plus hautes sphères, elle devient prostituée de luxe pour Madame Claude découvrant le pouvoir de sa grande beauté. Parmi ses clients, un célèbre écrivain vieillissant jouisseur et egocentrique, Romain Kiev, s’éprend follement d’elle. Charmeur et désespéré, despotique et fantasque, il lui apprend l’amour et l’ambition, le secret de l’écriture à succès et l’introduit dans les milieux littéraires. Mais derrière l’ostentation du luxe matériel, Zita demeure une femme  infiniment seule qui sacrifie tout jusqu’à son corps pour accomplir son rêve d’écriture.

D’une plume décomplexée à la verve provocante, Adelaïde de Clermont-Tonnerre s’empare de destins réels pour les associer à la fiction. A Jean Seberg, elle emprunte sa légende, ses amours et sa mort. Et l’on devine très nettement derrière le personnage du romancier à succès, l’ombre de Romain Gary, ses supercheries littéraires, ses déambulations en poncho bolivien à Saint Germain des prés. A l’instar de Sartre, Kiev, l’écrivain tourmenté de fiction, se croit poursuivi par des homards lorsqu’il est déprimé. Clins d’œil divertissant qui ponctuent tout le livre.

A l’inventivité et un sens de la narration fort aiguisé, Adélaïde de Clermont-Tonnerre mêle un formidable travail de documentation. Elle ressuscite le Paris des années 70 et ses icônes, François Sagan dans une soirée mondaine alternative, Wallis Simpson sans son prince, VGE dans ses fonctions élyséennes, Madame Claude dans l’exercice de son très lucratif commerce, traduisant remarquablement l’ambiance de cette période en pleine révolution des mœurs.

Texte foisonnant alternant sur deux époques, Fourrure est un roman feuilleton plein d’insolence fort divertissant. L’auteur y dresse un portrait sans concession d’une certaine frange de la société qu’elle connaît bien, dénonçant l’hypocrisie des élites gangrénées par l’argent qui dissimulent leurs vices sous le carcan des convenances ainsi que la mainmise des mafias littéraires. Sexe, trahison, secrets de famille et ambitions dévorantes, le tableau de cette radieuse foire aux vanités où le désespoir affleure souvent est un ouvrage doux-amer à dévorer sans modération.

Fourrure - Adélaïde de Clermont-Tonnerre - Editions Stock - Collection de poche Le Livre de Poche