Un homme - Philip Roth : La première scène d’Un homme se déroule dans un cimetière
pendant l’enterrement du personnage principal, un personnage sans nom dont l’anonymat
relatif nous renvoie à la destinée commune au-delà des singularités de chacun. Cet ancien publicitaire new-yorkais
rongé par une longue maladie n’a pas survécu à sa dernière opération. Autour de cette tombe fraîchement creusée, ses
deux fils d’un premier mariage qui le méprisent, sa fille d’un second qui l’adore,
son frère aîné dont la santé fleurissante provocante a été suffisante pour qu'il s'en éloigne plein d'amertume, ses épouses qu’il a trahi à tour de rôle et une maîtresse qui ne l’a pas oublié malgré les années.
Dans un long retour en flashback, Philip Roth remonte le temps d’une vie avec l’enfance comme âge d’or de l'être de chair, « motif innervé, vivant, intense. » Il dresse le portrait d’un homme ordinaire confronté à une existence sans grandes aspérités, à des relations de
couple à jamais conflictuelles. Un parcours ponctué par les banalités du
quotidien : amours, désillusions, maladies, rêves inassouvis. L’auteur,
archiviste cruel, recense en détails les confrontations de son personnage avec
la déchéance physique. Il raconte la vie d’un homme « non pas à travers
ses succès, ses amours mais à travers les différentes maladies qui l’ont
affecté tout au long de sa vie et qui le mènent finalement à la mort. » Un homme face à sa
déchéance physique, aux défaillances du corps, le corps comme paysage du récit.
Dans cette œuvre dépouillée, épurée - épure du style mais également de la
psychologie - l’auteur prend la mesure de la dimension physique de l’individu, dans
le plaisir ou la souffrance.
Observateur lucide, féroce de la condition
humaine Philip Roth s’interroge
sur les moyens de concilier les contradictions de l’être, gérer les
tiraillements, assumer ses choix, pour son protagoniste principal dans la
vieillesse, la douleur et la solitude. Un
homme est un grand livre sur la décrépitude du corps et la perte du désir, la
maladie qui nous vole ce qu’on est profondément pour n’être plus qu’un organisme
de chairs en souffrance. Un roman court plein d’humilité, d’une intelligence profonde,
à la densité frappante. La justesse des mots sans aucune pesanteur
moralisatrice s’allie à la puissance évocatrice du souvenir dans une plume
fluide donnant lieu à texte remarquablement construit, d’une brièveté
libératrice.
Ce récit intimiste, désabusé,
récit de l’individu face à lui-même évoque la tragédie de l’existence avec une lucidité
teintée de légèreté, une mélancolie à laquelle l’auteur mêle une bonne dose d’ironie
rothienne, son empreinte personnelle entre réalisme et humour. Philip Roth nous livre une impitoyable méditation sur la précarité
de nos existences, une intense et poignante réflexion sur l’expérience humaine
de la maladie. La vie, une aventure captivante qui finit mal ?
Lorsque Roth évoque la mort, c’est pour
faire l’éloge de la vie.
Un homme de Philip Roth - traduction de Josée Kamoun - Editions
Gallimard - Collection de poche Folio
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