Street Art : Fred le Chevalier - Papiers, ciseaux, murmures...



Depuis un peu plus de deux ans, les collages singuliers de Fred le Chevalier investissent les rues. Personnages doux et graves à la fois, à mi-chemin entre enfance et âge adulte, ils sont empreints d’une grâce mélancolique. Le street art est une forme inédite d’expression créatrice qui célèbre la ville moderne source d’images, de volumes, de mouvements et par extension, d’idées, lieu idéal d’inspiration et de création. Il procède d’une esthétique du surgissement, esthétique élémentaire accessible à tous. L’œuvre est propulsée d’une manière totalement libre dans l’espace public. Son caractère éphémère lui donne une incroyable puissance d’évocation. Elle vit, évolue et finit par se dissoudre au rythme de la pulsion de la cité. Le monde de l’art urbain forme une communauté dont les similarités de démarche initiale sont transcendées par une diversité infinie de techniques et de points de vue. Présenter l’art ailleurs, hors des galeries et des musées, commande dans les faits de le représenter autrement, mutation esthétique impérative dictée par l’environnement.








Représentations délicieusement surannées aux traits expressifs et naïfs. L’artiste se compose un univers propre, un langage en réinventant les codes. Son style est très facilement identifiable, petits êtres aux traits fins et délicats, noir et blanc ponctué d’une touche de couleur, parfois accompagnés d’un fragment de prose sibylline. Fred le Chevalier pianote sur une gamme qui s’élargit au fil de l’expérimentation. Sans aucune formation picturale, il dessine en permanence pour renouveler son art. Quand un élément lui plaît particulièrement, il n’hésite pas à le réinjecter dans de nouveaux croquis créant ainsi une profonde connexion entre chacune de ses créations. Les motifs de répétition apportent des éléments stables dans la forme de progression logique de sa technique.

Dans sa famille, l’art, la musique, la littérature ont toujours eu une place importante. En reprenant, il y a 7 ans, le dessin qu’il avait abandonné au sortir de l’enfance, Fred s’échappe du quotidien et développe un goût pour la force de la poésie dissidente en affichant ses créations dans la rue. Il travaille dans l’enseignement mais depuis qu’il vagabonde en territoire urbain en quête d’espace à esthétiser, son temps libre est devenu le centre de toutes ses préoccupations. "Depuis que je le fais, je ne connais plus le vide et l’ennui dans ma vie."








L’anecdote concernant son nom d’artiste est assez jolie. Alors étudiant, il garde un enfant auquel il raconte histoires et contes de son invention y mêlant les membres de la famille affublés de surnoms facétieux comme papa le cochon. Il se réserve celui de Fred le Chevalier, personnage héroïque et maladroit. Plus tard, en choisissant ce pseudonyme, il y met une bonne dose d’autodérision y voyant notamment une référence à Don Quichotte autoproclamé chevalier se battant contre des moulins, romantique gauche, doux naïf et rêveur altruiste. Car le chevalier est romantique ainsi que ses personnages qui parlent souvent d’amour, d’élan porté par des sentiments tendres. Pour l’artiste, il s’agit de transmettre une émotion mais il laisse au spectateur la libre interprétation de ses créations. 

Ce qui marque le citadin, c’est la fraîcheur du regard porté sur la ville que Fred le Chevalier peuple de présences bienveillantes à découvrir au détour d’une venelle. Travailler dans la rue, c’est oser sortir du cadre classique de l’art, prendre le risque de s’exposer sans filtre à tous, évoluer vers une nouvelle façon de penser, une nouvelle façon d’œuvrer, pleine d’humilité. L’art urbain est une forme de création artistique dont la poésie doit beaucoup à son essence éphémère, volatile mais également à la totale gratuité de l’acte, geste libertaire, libérateur. La cité est un atelier sans mur, l’art urbain une intrusion esthétique ou revendicatrice.

Fred le Chevalier dessine sur des carnets, scanne ses croquis, les agrandit, les imprime puis appose des touches de couleur à la main. Ensuite, il part en promenade. Equipé de colle, de pinceaux divers et chargé de ses dessins enroulés, il arpente la rue, déplace son corps et son regard d’un bout à l’autre de la ville. Il officie deux ou trois fois par semaine, tôt le matin, en pleine lumière, procédant à une conquête graduelle du territoire urbain. Le fragment d’espace en amont de l’intervention artistique est le premier argument de création.




Fred le Chevalier - rue des Amandiers - Paris 20
Fred le Chevalier - rue Dénoyez - Paris 20


Un mur intéressant, c’est un mur qui raconte déjà une histoire, un mur abîmé, avec de la matière, d’autres collages, des dessins. Fred est un artiste urbain qui respecte le support sur lequel il travaille. Il choisit de travailler à partir d’espaces où ses collages ne gêneront personne, où ils apporteront une proposition esthétique nouvelle.  Lors de ses sorties, il colle en moyenne une dizaine de dessins. Il a bien sûr ses lieux de prédilection par lesquels il repasse régulièrement mais il aime se laisser aller aussi au hasard des promenades. Le street art est un art contextuel adapté au milieu dans lequel il surgit. Il change le réel et la réalité de la ville imprime sa marque sur les œuvres qui s’y épanouissent.

Le travail in situ contient une dimension aléatoire, un  quotient d’incertitude concernant le résultat, la réaction du spectateur. L’artiste accompagne les mutations urbaines de manière expérimentale. Son action sur l’espace public incarne le rapport physique entre création et support. L’œuvre jaillit d’un principe d’immersion en prise directe avec le spectateur. Le street art apparaît dès lors comme une formule plastique qui vient requalifier la géographie sensible de la ville en la réinterprétant, en la modifiant esthétiquement de façon éphémère. L’artiste de rue reconfigure l’espace urbain à l’aune de sa propre dimension, à la mesure de son talent. La libre appropriation physique du territoire est une forme de terrorisme poétique.




Fred le Chevalier - place de Ménilmontant - Paris 20



Si vous habitez Paris, vous avez forcément croisé ces silhouettes dans le Marais, à Montmartre, Ménilmontant ou bien Belleville. Si l'envie vous venait d'en découvrir un peu plus, samedi 1er septembre aura lieu la clôture de l'exposition the Sunny Side of the Street à la galerie Nivert-Carzon à laquelle participait Fred le Chevalier. Et le 9 septembre, il sera présent au DIY Market à l'UFO.

Boutique Dawanda

le 1er septembre : 
Soirée de clôture de l’exposition the Sunny Side of the Street (à partir de 19h)
Galerie Nivert-Carzon
2 rue Geoffroy l'Angevin – Paris 4


A partir du 6 septembre (jusqu'au 30 septembre)
Exposition Small is beautiful (Two)
Le Cabinet d’amateur
12, rue de la Forge Royale – Paris 11 
Tél : 01 43 48 14 06
Vernissage le jeudi 6 septembre, ouverture des portes à 18 heures
Page Facebook de l'event

le 9 septembre :
DIY Market - Marché des créateurs originaux et décalés 
UFO
49, rue Jean-Pierre Timbaud – Paris 11


Ma bohème

Je m'en allais, les poings dans mes poches crevées;
Mon paletot aussi devenait idéal;
J'allais sous le ciel, Muse, et j'étais ton féal;
Oh! là là! que d'amours splendides j'ai rêvées!
Mon unique culotte avait un large trou.
Petit-Poucet rêveur, j'égrenais dans ma course
Des rimes. Mon auberge était à la Grande-Ourse.
Mes étoiles au ciel avaient un doux frou-frou
Et je les écoutais, assis au bord des routes,
Ces bons soirs de septembre où je sentais des gouttes
De rosée à mon front, comme un vin de vigueur;
Où, rimant au milieu des ombres fantastiques,
Comme des lyres, je tirais les élastiques
De mes souliers blessés, un pied près de mon coeur!

Arthur Rimbaud