Expo : Les gens de Paris 1926-1936. Dans le miroir des recensements de population - Musée Carnavalet Histoire de Paris - Jusqu'au 8 février 2026

 

L'exposition "Les gens de Paris 1926-1936. Dans le miroir des recensements de population" mêle les récits individuels et l'histoire collective. Inspirée par une étude inédite publiée dans le cadre du bulletin "Population et sociétés" de septembre 2025, elle trace un tableau vivant de la vie parisienne de l'entre-deux-guerres. Les données déployées dans le cadre de l'exposition s'appuient sur les trois premiers recensements nominatifs menés à Paris en 1926, 1931 et 1936. Jusqu'alors la capitale était exemptée de ce type de démarche tandis qu'il était déjà de rigueur en région. 

Paris compte 2,9 millions d'habitants en 1926, un record depuis inégalé. Aujourd'hui les Parisiens sont 2,1 millions selon l'Insee. Les registres manuscrits, constitués grâce aux fiches de ménage remplis par les Parisiens à l'occasion des recensements, ont été numérisés avec l'aide de l'intelligence artificielle. Ces fiches contiennent des informations telles qu'année de naissance, lieu de naissance, lieu de résidence, profession, statut marital, progéniture. Désormais exploitables, les millions de données constituent un panorama incarné des évolutions démographiques. À travers les chiffres, les statistiques, les graphiques réunis, se dessine un portrait intime des Parisiens de l'entre-deux-guerres. Les registres numérisés sont disponibles à la consultation sur des bornes interactives placées à la fin du parcours d'exposition.







L'exposition "Les gens de Paris 1926-1936. Dans le miroir des recensements de population" a été orchestrée par les co-commissaires, Sandra Brée, historienne et démographe au laboratoire de recherche historique Rhône-Alpes (LARHRA) du CNRS et Hélène Ducaté, chargée de mission scientifique au musée Carnavalet. 

Les recherches qui en nourrissent le propos ont été rendues possibles grâce à la technologie. Le dépouillement manuel des données manuscrites concernant 2,9 millions d'individus, n'était jusqu'alors pas envisageable considérant la masse d'information fournie par ces registres remplis à la main. Le projet POPP mené en collaboration avec le Litis de Rouen, laboratoire informatique de traitement de l'information et des systèmes a permis de développer un modèle optique de lecture des écritures manuscrites grâce à l'Intelligence artificielle. Les 300 000 pages des registres une fois numérisées par les Archives nationales, ont pu faire l'objet d'une océrisation, une retranscription. Transférée aux Archives de Paris pour analyse, cette base d'informations nourrit désormais la recherche.

La pyramide des âges présentée dans l'exposition, sensiblement la même hier et aujourd'hui, éclaire la situation des Parisiens. Jeunes actifs, il s'agit, en 1926, d'une majorité de femmes à 55% quand elles représentent alors 52% de la population française. Les moeurs sont évoquées à travers les statistiques matrimoniale, célibat, concubinage, mariage, divorce, taux de fécondité. Le style de vie urbain influe sur les comportements, le concubinage est plus fréquent à Paris que la moyenne nationale et les enfants sont moins nombreux. À partir de cinquante ans, les habitants de la ville tendent à retourner dans leur région d'origine.  







L'identité cosmopolite de la ville s'inscrit dans la diversité des origines géographiques et sociales. L'exode rurale marque la composition de la population, 51,9% des habitants sont nés en province - aujourd'hui 45%. Les résidents parisiens venus de l'étranger représentent 10,9% de la population en 1926 - aujourd’hui 25%. Les vagues d'immigration successives, migrants économiques Italiens, Polonais, Belges et réfugiés politiques Russes fuyant la Révolution de 1917, Arméniens apatrides fuyant le génocide mené par les Turcs à partir de 1915, juifs de l'Europe de l'Est fuyant les pogroms et la montée de l'antisémitisme

Aux archives, s'ajoutent objets, photographies, tableaux, affiches, cartes du département de la Seine, maquettes de Belleville, de l'île de la Cité, des portes de Clignancourt et de Montmartre. Les Parisiens célèbres y sont évoqués sous leur nom de naissance plutôt que leur nom de scène, Charles Aznavour - Aznavourian - Edith Piaf - Gassion. Joséphine Baker croise la mécène Gertrude Stein, la romancière Colette, la meneuse de revue Mistinguett, la muse Kiki de Montparnasse...

L'exposition porte un regard lucide sur la répartition géographique des classes sociales, l'Ouest bourgeois et l'Est populaire, éclairées notamment par des données concernant le personnel de maison, les employés vivant au domicile de leurs patrons. Les inégalités s'incarnent dans la présence des zones, bidonvilles aux portes de la capitale développés sur des terrains libérés par la démolition des anciennes fortifications. 







Les ouvriers, main d'œuvre des grandes usines parisiennes, se confrontent à des conditions de vie difficile, misère, pollution industrielle. L'exposition décrypte les démarches des pouvoirs publics concernant les ilots d'insalubrité, quartiers dont l'habitat ne répond pas aux normes d'hygiène modernes. Les ensembles rasés, à la suite d'expropriation, sont remplacés par des bâtiments modernes. 

L'essor des HBM, habitations à bon marché répond à une politique de logements sociaux destinés aux classes populaires menée à partir de 1894. Les ensembles construits en briques à cette époque par les pouvoirs publics, les oeuvres philanthropiques, les dirigeants de groupes industriels afin de loger les ouvriers de leurs usines, font de nos jours partie du paysage architectural de la ville. Les mesures de démolition des ilots d'insalubrité, suspendues durant la Seconde Guerre Mondiale, ont un temps menacé le quartier du Marais. L'intervention d'André Malraux avec la loi de 1962 sur les secteurs sauvegardés sauvera définitivement ce coeur historique de Paris. 

Les gens de Paris 1926-1936. Dans le miroir des recensements de population 
Jusqu'au 8 février 2026

Musée Carnavalet Histoire de Paris
23 rue de Sévigné - Paris 3
Tél : 01 44 59 58 58
Horaires : Ouvert du mardi au dimanche de 10h à 18h
Métro Saint Paul ligne 1 / Chemin Vert ligne 8



Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie.