Ailleurs : Église Sainte Foy de Sélestat, ouvrage roman du XIIème siècle, remanié au XVIIème par les Jésuites, restauré au XIXème siècle

 

L'église Sainte Foy de Sélestat, étape sur le chemin alsacien de Saint Jacques de Compostelle, dresse une silhouette élégante rythmée de trois tours, au coeur de la vieille ville médiévale. L'ouvrage, d'une longueur totale de 44,20 mètres, déploie une façade spectaculaire en grès rouge des Vosges et granit d'Andlau, place du Marché Vert. La tour de croisée scandée par une double rangée d'arcades au décor sculpté, culmine à 42 mètres et la grande nef à 11,10 mètres. Le chevet dominé par la tour de croisée élément le plus ancien de l'ouvrage, témoigne du style roman alsacien. A contrario, les deux tours de façade ont été coiffées au XIXème siècle de flèches rhomboïdales - polyèdres losangés - de style germanique par l'architecte chargé de la restauration, Charles Winckler. Il s'est attaché à rendre à l'ouvrage une esthétique romane bousculée par les remaniements menés par les Jésuites au XVIIème siècle tout en prenant des libertés caractéristiques des interventions au XIXème siècle.

Le porche voûté, narthex remarquable, ouvre sur une église en plan basilical. Deux nefs latérales voûtées d'arêtes flanquent la nef centrale à voûtes en ogive. Un transept relie les vaisseaux au choeur en cul de four. L'alternance de piliers forts et fins, motifs classiques de l'architecture germanique médiévale, a été revisitée en l'accentuant lors de la restauration du XIXème. Les chapiteaux historiés sont caractéristiques de l'architecture romane. Les vitraux datent du XIXème siècle. Le décor de la chair en bois du XVIIIème siècle célèbre la vie de saint François-Xavier, évangélisateur des Indes Orientales et du Japon au XVIème siècle. La crypte, accessible par un escalier coudé, réplique du Saint Sépulcre de Jérusalem est l'un des rares éléments préservés de l'église primitive du XIème siècle. L'église Sainte-Foy de Sélestat est classée à l'inventaire des Monuments historiques en 1862. 








Fondé au XIème siècle, le prieuré bénédictin de Sélestat dépend alors de l'abbatiale Sainte Foy de Conques, en Rouergue, aujourd'hui en Aveyron. Hildegarde von Büren - Hildegarde von Schlettstadt ou Hildegarde de Mousson-Montbéliard - finance, en 1087, une église primitive sur le site où se trouve désormais l'église Sainte Foy. Le sanctuaire formant rotonde est édifié autour d'une reproduction du Saint Sépulcre de Jérusalem. Hildegarde von Büren en fait don à l'abbaye Sainte Foy de Conques. 

Elle meurt en 1094 ou 1095, à l'âge d'environ soixante-quinze ans. Elle est inhumée dans la crypte. Lors de la restauration de l'église Sainte Foy, entre 1889 et 1892, des fouilles archéologiques mettent à jour un tombeau. Dans celui-ci, la chaux recouvrant une dépouille a gardé en négatif l'image d'un buste de femme âgée d'une quarantaine d'années. Le mystère autour de son identité, Hildegarde ou sa fille Adélaïde, décédée vers 1100 dont l'âge correspondrait mieux, demeure intact. Des moulages sont conservés au musée de Bad Wimpfer, à la Bibliothèque humaniste de Sélestat et dans la crypte.

Au milieu du XIIème siècle, l'empereur du Saint Empire Romain Germanique, Frédéric Ier (1122-1190), surnommé Barberousse, finance en grande partie la construction d'une nouvelle église dont le chantier se poursuite entre 1152 et 1190. De nombreux artisans lorrains ayant travaillé à la réalisation d'édifices tels que l'église de Saint Dié des Vosges sont embauchés ce qui confère des similitudes avec des ouvrages antérieurs. 

L'église consacrée à Sainte Foy, se distingue par une monumentalité contredite par les proportions intérieures modestes. La façade orientale s'articule selon un dispositif de deux tours à laquelle s'ajoute une tour de croisée qui évoque le style bourguignon. 







Le dernier prieur bénédictin, Raimond de la Romiguière, quitte Sélestat en 1424. L'évêché de Strasbourg prend l'église et le couvent sous sa tutelle avant de les mettre à disposition d'une communauté de Jésuites en 1615. Les religieux entreprennent une série de chantiers - église, presbytère, prieuré - afin d'adapter le site à leur besoin et leur prestige.

Le rehaussement de la tour Nord de l'église Sainte Foy accentue l'asymétrie de la façade. Au coeur de l'église, des tribunes, réalisées par le sculpteur Stéphane Exstel, sont ajoutées en 1616-1617. En 1688, les Jésuites font construire un nouveau prieuré, parallèle au bâtiment médiéval. L'architecte municipal Jean-Martin Diringer trace les plans d'une école. L'architecte strasbourgeois Gallay mène le chantier de 1742 à 1745. En 1753, les Jésuites initient une nouvelle transformation du site. Bâtiments et cloître de l'ancien prieuré sont rasés afin de construire un nouveau complexe, destiné à accueillir le collège. Les plans de l'architecte Gallay, jugés trop onéreux, sont déclinés. Néanmoins, le frère menuisier Jean Anderjoch s'en inspire afin de réaliser trois corps de bâtiments en U, au Sud de l ’église qui intègrent l'édifice construit en 1688. 

Avant 1760, au sein de l'église Sainte Foy, un caveau sépulcral et nouvelle sacristie sur le flanc Sud sont établis au sein de l'église Sainte Foy. La chapelle à absidiole romane disparaît à cette occasion. 

La Compagnie de Jésus est supprimée en 1764. Le prieuré réhabilité par la ville est dévolu au logement des officiers et devient caserne des de 1768 à 1874. En 1769, l'architecte communal Joseph-Ignace Gouget (1735-1795) dirige le chantier d'extension des bâtiments. Il est un temps question de raser l'église Sainte-Foy, devenue église secondaire depuis le départ des Jésuites, afin d'élargir la promenade des officiers. Le sanctuaire est sauvé par l'intervention du cardinal Louis de Rohan-Guéméné (1697-1779), prince-évêque de Strasbourg. 

À la Révolution, les biens du Clergé sont nationalisés. L'église Sainte-Foy, fermée le 31 juillet 1791, sert de grenier à foin et à farine. Le mobilier conservé, elle rouvre au culte en 1793. Après 1874, les locaux de l'ancien prieuré accueillent une école d'institutrice, un orphelinat sous la direction des sœurs de Niederbronn. En 1882, les travaux de dégagement de l ’église Sainte-Foy raccourcissent l’aile Ouest. Le presbytère et son portail monumental disparaissent.







Au lendemain de la défaite française lors de la guerre franco-prussienne de 1870, l'Alsace-Moselle est annexée par l'Empire germanique. Sélestat passe sous domination allemande. le père Joseph Mury, curé de la paroisse et le maire de Sélestat, Ignace Spies (1831-1899) requièrent l'attention du statthalter de l'Alsace, le prince de Hohenlohe, afin de financer la restauration de l'église Sainte Foy. Des travaux d'entretien et des fouilles préliminaires se déroulent entre 1876 et 1879. En 1889, le gouvernement allemand entérine une aide officielle. La restauration menée par l'architecte Charles Winckler (1834-1908) entre 1889 et 1893, rétablit la symétrie de la façade, en rabaissant la tour Nord et surélevant d'un étage la tour Sud. Liberté d'interprétation souvent critiquée a posteriori, il les coiffe de flèches rhomboïdales, évocation de la cathédrale de Spire, au style exogène à l'Alsace médiévale. Un pignon néo-roman relie les deux tours. L'absidiole Sud est reconstituée avec sa sacristie néo-romane accolée.

La suppression de la tribune de la nef ajoutée par les Jésuites libère des espaces. Le vaisseau central et les bas-côtés sont recouverts d'un nouveau toit. Les artistes Émile Sichler et Armand Gachon (1845-1908) interviennent à l'extérieur et l'intérieur par l'ajout de sculptures néo-romanes. Certains chapiteaux des tours et les deux lions du porche sont déposés et remplacés par des copies. La Bibliothèque humaniste conserve les originaux. 

Église Sainte-Foy de Sélestat
Place du Marché Vert - 67600 Sélestat




Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie.