Paris : Cimetière d'Auteuil, ancien cimetière communal du village d'Auteuil rattaché à la Ville de Paris en 1860 - XVIème

 

Le cimetière d'Auteuil, modeste nécropole, vaste de 72 ares, témoigne de l'évolution d'un village champêtre devenu arrondissement parisien huppé. Ouvert en 1800, ce lieu de sépulture, dont l'accès se trouve au 57 rue Claude Lorrain, abrite, aujourd'hui, environ 1300 tombes. Une soixante d'arbres de quatorze essences différentes constituent le maigre décor végétal. La chapelle Moïana, au fonds de la parcelle, attribuée à Jules Dalou (1838-1902), serait l'une des premières commandes privées reçue par le sculpteur débutant.

Quelques personnalités du monde des lettres et des arts, de la politique, de l'industrie, comédiens oubliés reposent au cimetière d'Auteuil. Si la dépouille du sculpteur Jean-Baptiste Carpeaux a été déplacée à Valenciennes au cimetière Saint Roch à Valenciennes, son cénotaphe marquant le lieu de sa première inhumation y a été conservée. Les peintres Hubert Robert (1733-1808), Paul Gavarni (1804-1856), Adolphe Yvon (1817-1893) côtoient les musiciens, Charles Gounod (1818-1893) compositeur et Philippe Musard (1792-1859), compositeur et chef d'orchestre, maire d'Auteuil. Le cinéaste Abel Gance (1889-1981), l'architecte Henri Sauvage (1873-1932) croisent la famille Noyal, mécènes d'Hector Guimard. Pierre-Alfred Chardon (1807-1879) et son épouse Marie-Pauline Lagache (1811-1887), industriels et philanthropes, fondateurs de la maison de retraite devenue hôpital Chardon-Lagache tiennent compagnie à Louis Roussel (1825-1897) abbé, créateur de la Fondation d'Auteuil ou encore Anne-Catherine de Ligniville Helvétius (1722-1800), salonnière amie de Voltaire, épouse du philosophe Claude-Adrien Helvétius (1715-1771), figure de La Société d'Auteuil (1772-1800). Le coeur de Pierre Jean Georges Cabanis (1757-1808), médecin, philosophe et député, réformateur de l'enseignement de la médecine en France, panthéonisé sur l'ordre de Napoléon Ier, est inhumé auprès de son épouse Charlotte de Grouchy.







Auteuil est érigée en paroisse en 1192, autour d'une première église fondée au XIème siècle à l'emplacement approximatif de l'actuelle église Notre Dame d'Auteuil. Sous l'impulsion de l'abbaye de Sainte Geneviève qui fonde une maison de repos à proximité, Le sanctuaire originel fait l'objet d'une reconstruction au XIVème. L'église, entourée d'un cimetière paroissial à partir de 1343, est agrandie au XVème et XVIIème siècles. Elle sera entièrement reconstruite entre 1877 et 1892. 

À la fin du XVIIIème siècle, les traditionnels cimetières intramuros, insalubres, causent des problèmes d'hygiène publique. Le 10 mars 1776, un décret royal interdit les inhumations dans les églises, cryptes et caveaux et des mesures sont prises pour déplacer les cimetières hors des villes. À Paris, le cimetière des Innocents subit divers incidents et avanies qui précipitent sa fermeture le 1er décembre 1780. Les ossements des nécropoles parisiennes sont alors transférés vers les carrières de gypses désaffectées hors les murs, les actuelles catacombes. 

La pénurie des lieux de sépulture incite les autorités à mener une réflexion sur les modalités d'inhumation. À Auteuil, en 1793, Charles-Emmanuel Le Couteulx de Canteleu (1789-1844), sénateur et propriétaire du Château du Coq, fait don à la commune d'un terrain de 50 perches au lieu-dit Les Chauds Cailloux afin d'y ouvrir un cimetière à l'écart des habitations. La nouvelle nécropole remplace l'ancien cimetière paroissial développé autour de l'église Notre-Dame d'Auteuil.  

La donation acceptée par le conseil municipal le 25 avril 1800, le cimetière d'Auteuil est officiellement inauguré le 9 septembre 1800 par le maire Pierre-Antoine Benoît (1741-1816). La première inhumation se déroule le 12 septembre. 







Le 21 février 1801, le préfet de la Seine Nicolas Frochot (1761-1828) entérine la création de quatre nouveaux cimetières au-delà de de l'enceinte des Fermiers Généraux : au Nord le cimetière de Montmartre, cimetière du Père Lachaise, à Charonne, à l'Est, cimetière du Montparnasse à Montrouge au Sud et le cimetière de Passy à l'Ouest. 

Le phénomène des concessions privées prend de l'ampleur. Désormais sources de revenus conséquents, elles assurent le bon fonctionnement des cimetières. À Auteuil, cette pratique permet notamment de financer l'édification du mur d'enclos. 

La modeste nécropole se révèle bientôt trop exiguë. Elle fait l'objet de trois extensions successives en 1808, 1843 et 1847. En 1807, Charles-Emmanuel Le Couteulx de Canteleu offre une nouvelle parcelle de 17 ares à la commune. L'année suivante, la municipalité se sépare des terrains de l'ancienne ruelle de la Procession, vente qui finance les travaux d'aménagement du cimetière.







En 1841, un troisième projet d'agrandissement voit le jour. En absence de fonds disponibles, le conseil municipal d'Auteuil créée un octroi communal sur la bière, le cidre et prolonge celui temporaire sur le vin. Une ordonnance royale du 10 mai 1845 déclare l'extension d'utilité publique. Le budget nécessaire réuni, le maire Joseph-Victor Molin initie l'achat de quatre parcelles supplémentaires situées à gauche de l'entrée du cimetière d'Auteuil. M. Morin, Isidore Lebert, Jean-Charles Noblet et Simon Pierre Noblet, propriétaires des terrains - un peu plus de 35 ares - déclinent l'offre initiale la jugeant insuffisante. Ils sont contraints par la municipalité qui procède par expropriation pour cause d'utilité publique. 

Un logement destiné au gardien, financé par la hausse de l'octroi sur le vin, est édifié à l'occasion de cette extension. Par la suite, le conseil municipal du 18 octobre 1846, présidé par le nouveau maire M. Durand, valide et finance le creusement d'un puits au centre du cimetière. 

En 1860, le village d'Auteuil est rattaché au territoire de la Ville de Paris. Le cimetière communal accueille une part d'inhumations temporaires, gratuites, en fosse commune. À partir de 1870, il est réservé aux concessions perpétuelles.  

Le cimetière d'Auteuil se trouve sous le feu des troupes versaillaises au cours de la Commune de Paris en 1871. Les obus endommagent la sépulture de Madame Helvétius. Au cours de la Seconde Guerre Mondiale, des bombes, à nouveau, perturbent la quiétude des lieux.

Cimetière d'Auteuil
57 rue Claude Lorrain - Paris 16
Métro Exelmans ligne 9



Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie. 

Bibliographie
Le guide du promeneur 16è arrondissement - Marie-Laure Crosnier Leconte - Éditions Parigramme