Paris : Palais Brongniart, témoin de l'envergure de la Bourse de Paris au XIXème siècle, mémoire des places financières physiques - IIème

 

Le Palais Brongniart a longtemps abrité le siège de la Bourse de Paris, fonction pour laquelle il a été conçu. Lieu historique, il fait l'objet d'une protection patrimoniale, avec une inscription au titre des monuments historiques par arrêté du 27 octobre 1987. Aujourd'hui, il n'existe plus de Bourse physique à Paris, et le Palais Brongniart est devenu espace événementiel. Le bâtiment originel voit le jour à l'initiative de Napoléon Ier. L'évolution du système économique et des places financières, l'expansion du marché à l'international rendent nécessaire la création d'un lieu d'envergure dédié à la Bourse de Paris. Édifié entre 1807 et 1826 sur les plans de l'architecte Alexandre-Théodore Brongniart (1739-1813), relayé par Éloi Labarre (1764-1833) en 1813, l'ouvrage s'inspire de la basilique antique. À l'origine rectangulaire, 69 mètres de long, 41 mètres de large, il répond à un plan en croix grecque depuis son agrandissement au début du XXème siècle.

Le bâtiment périptère de style néo-classique se caractérise par ses colonnades extérieures présentes sur les quatre façades et dont l'ordre corinthien magnifie les hauteurs. Deux statues allégoriques de 1851, La Justice signée Francisque Joseph Duret (1804-1865), Le Commerce par Augustin Dumont (1801-1884) encadrent l'entrée principale. Le long de la rue Notre-Dame des Victoires, L'Agriculture de Charles-Émile Seurre (1798-1858), L'Industrie de James Pradier (1790-1852).

À l'intérieur le programme décoratif prolonge cette vision allégorique. Dans le vestibule, les anciens vestiaires de bois conservent les étiquettes au nom des professionnels passés par l'institution. Les noms des différents bourses européennes figurent dans des médaillons qui encadrent le portique du rez-de-chaussée. L'escalier d'honneur conduit au premier étage, salle du Tribunal de Commerce couverte par un voûte à compartiments. Louis-Denis Caillouette (1790-1868) sculpte les bas-reliefs représentant l'Amérique, l'Europe, l'Asie et La Justice. L'Afrique est réalisée par Jean Baptiste Joseph de Bay (1779-1863). Christophe Thomas Degeorge (1786-1854) peint les grisailles. Auguste Vinchon (1789-1855) et Merry-Joseph Blondel (1781-1853) signent à l'huile les allégories des activités commerciales. Une verrière zénithale centrale éclaire la grande salle dite salle de la Corbeille sous une voûte en arc de cloître. Le décor en trompe-l’œil réalisé par Charles Meynier (1768-1832) et Abel de Pujol (1785-1861) date de 1826 et représente les villes de France. 








Le Palais Brongniart perpétue l'histoire de la Bourse de Paris qui débute au XVIème siècle. Une "place commune des marchands" est créée en 1563 dans la capitale. La première Bourse de commerce voit le jour en 1639. Jusqu'en 1700, elle se trouve place du Change dans la cour du Palais, au-dessous de la Galerie-Dauphine, du côté de la Conciergerie. Les sociétés par action, objets de spéculations parfois immodérées, suscitent, en France, un rapide engouement auprès des investisseurs à l'instar de la Compagnie royale d’Afrique, fondée en 1560, dissoute en 1710, recomposée en 1741, la Compagnie des Indes occidentales, en 1664 ou encore la banque générale de John Law en 1716. 

La Bourse de commerce s'établit de 1717 à 1721 rue Quincampoix puis de 1721 à 1724 dans des baraquements occupant les jardins de l'hôtel de Soissons. Un arrêt du Conseil d’État du roi, daté du 24 septembre 1724, institue la Bourse de Paris. Elle prend place dans les jardins de la Compagnie des Indes, au sein de l'hôtel de Nevers entre les rues Colbert et de Richelieu.

L'édit de Charles IX 1572 a établi la fonction de "courretiers de change, deniers et marchandises". Ces professionnels sont désignés à partir du XVIIème siècle sous les termes d'agents de change. Une ordonnance du roi Louis XVIII de 1816 entérinera leur statut. Banquiers, courtiers, marchands et autres notabilités président à l'échange des titres chaque jour. 

En 1776, l'introduction des actions de la Caisse d'escompte, principe originel de la Banque de France, réanime la Bourse de Paris languissante. Dans les années 1780, se développe le système bancaire moderne qui ouvre la cotation à de nouveaux titres. De 1789 au 27 juillet 1793, la Bourse de Paris déménage sur l'ancienne parcelle du palais Mazarin qui correspond à l'actuelle galerie Vivienne, puis rejoint brièvement le Louvre en 1795. 

Le Code de Commerce promulgué en 1807, sous Napoléon Ier, pose les bases du droit commercial et de la finance. L'empereur soutient le projet de construction du bâtiment dédié dont les plans sont confiés à l'architecte Alexandre-Théodore Brongniart. À la disparition de celui-ci en 1813, Éloi Labarre prend la suite. Il influence l'esthétique de l'ensemble et modifie le plan de salle de la Corbeille. 








La Révolution nationalise, en 1790, le couvent des Filles Saint-Thomas fondé en 1640. L'enclos désaffecté, envahi par des commerces plus ou moins licites et autres baraquements de fortune est désigné comme un repaire de contre-révolutionnaires à la fin du XVIIIème siècle. Il va faire l'objet d'un lotissement extensif couplé à une démolition systématique des anciennes constructions. Sur terrains libérés, voit le jour un nouveau quartier dédié à la finance. 

Napoléon Ier pose la première pierre du Palais Brongniart en 1808. Le nouveau site de la Bourse de Paris est inauguré sous la Restauration, le 4 novembre 1825. La mention au fronton "Bourse et tribunal de commerce" évoque l'activité du second dès le début tandis que la Bourse ne s'installe officiellement qu'en 1885. 

Du 7 octobre 1807 au 23 mars 1818, les activités de la Bourse de Paris se poursuivent temporairement au coeur Palais-Royal, dans la galerie de Virginie, sous la grande salle du Tribunat. Puis elles investissent l'entrepôt où sont déposés les décors de l'Opéra Pelletier dans l'enclos des Filles Saint-Thomas jusqu'à l'ouverture officielle du Palais Brongniart le 6 novembre 1826. Le 17 juin 1829, le roi Charles X (1757-1836) fait don du palais à la Ville de Paris. Au milieu du XIXème siècle, la Bourse de Paris s'anime alors que fait rage la spéculation autour des chemins de fer. À la fin du XIXème siècle, la place financière parisienne rayonne à l'international par le biais d'opérations en capital Suez, Panama et les emprunts russes.

Entre 1902 et 1907, l'architecte Jean-Baptiste Clavel mène une campagne d'extension qui double la surface du palais Brongniart avec deux nouvelles ailes au Nord et au Sud. La Bourse de Paris cesse son activité durant la Seconde Guerre Mondiale. Elle rouvre le 17 juin 1949 mais la présence des femmes y demeure proscrite jusqu'en 1967. 

Le marché à la criée ferme en 1987, supplanté par la technologie, le cours du marché des actions au comptant étant géré par informatique dans les locaux des banques. Au sous-sol du Palais Brongniart, la salle de 1000m2 accueille le MATIF, marché à terme international de France. La Bourse de Paris intégrée à Euronext quitte définitivement le Palais Brongniart le 6 novembre 1998. Le site est géré par Euronext entre 1999 et 2009 avant d'être confié à GL Events en 2010 pour une durée de trente ans. Le Palais Brongniart devient lieu de conférence, congrès, séminaires, galas, salons, expositions. Depuis 2014, il accueille un incubateur de start-ups, espace de co-travail, le Planetic Lab 14. 

Palais Brongniart
Place de la Bourse - Paris 2
Tél : +33 (0) 1 83 92 20 38
Métro Bourse ligne 3 / Grands Boulevards lignes 8 et 9



Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie. 

Bibliographie
Le guide du promeneur 2è arrondissement - Dominique Leborgne - Parigramme
Paris - Mille Monuments - Kathy Borrus - Editions Menges
Grammaire des immeubles parisiens - Claude Mignot - Parigramme