Paris : Vestige du Moulin de la Charité au Cimetière du Montparnasse, témoin du passé champêtre du quartier - XIVème

 


La Tour de la Charité, vestige du Moulin de la Charité, dresse sa silhouette incongrue dans la neuvième division du cimetière du Montparnasse. Tourelle ronde de quinze mètres de haut au toit en poivrière, vestige d'un moulin, ancienne propriété des Frères hospitaliers de la Charité, témoigne de l'histoire du quartier et de son urbanisation. Le moulin, construit au XVIIème siècle pour les Frères de la Charité, propriétaires d'une ferme voisine, est intégré au cimetière du Montparnasse lors de sa création en 1824. Désormais remise souvent vide, la Tour de la Charité conserve un charme pittoresque, mémoire du passé champêtre de Montparnasse. 









L'ordre de Saint-Jean-de-Dieu, ordre hospitalier, est fondé en Espagne à Grenade en 1539, par saint Jean de Dieu. À l'invitation de la reine Marie de Médicis, en 1601, la communauté florentine des Frères de Saint-Jean-de-Dieu ou Frères de la Charité, s'installe à Paris. Henri IV et de l'archevêque de Paris les chargent de créer un couvent-hôpital. Établi tout d'abord rue de la Petite Seine, à proximité du futur quai Malaquais, l'hospice Saint-Jean-Baptiste de la Charité cède la place au couvent des Petits-Augustins à la demande de Marguerite de Valois, la reine Margot. En contrepartie, elle leur offre l'hôtel de Sansac en 1608. Dès 1613, les religieux agrandissent les locaux et font édifier de nouveaux bâtiments destinés aux services de l'hôpital de la Charité de Paris. 

Au XVIIème siècle, les Frères de Saint-Jean-de-Dieu disposent, à la suite de donations variées, de propriétés à proximité, notamment deux fermes sur la plaine de Montrouge. Un moulin à farine y est construit en 1661, édicule à toit tournant, dont le mécanisme permet d'optimiser la prise au vent des ailes. 

Butte et modeste remblai, le futur Mont Parnasse s'est constitué des gravats produits par l'exploitation des carrières de gypse. Avant l'urbanisation de ce quartier à l'extérieur de la ville, se trouvent une trentaine de moulins. Sur le plan Roussel de 1730, les moulins de pierre et maçonnerie sont désignés sous le terme de tour. La colline sera en partie arasée lors du percement du boulevard du Montparnasse au XVIIIème siècle. À cette époque, le meunier du Moulin de la Charité, qui se trouve alors aux pieds des fortifications, sert des galettes et un petit vin clairet, dans la pure tradition parisienne. Fréquenté par les élèves du collège de Clermont, futur Louis-le-Grand, il est le rendez-vous des Jésuites molinistes, tandis que le moulin des Trois Cornets voisin accueille les partisans du Jansénisme. 

L'ordre des Frères de la Charité est supprimé en 1790 à la Révolution. L'hôpital poursuit son activité avec l'aide des moines sous le nom d'hôpital de l'Unité. Le Moulin de la Charité, propriété nationalisée du clergé, devient une guinguette. L'ordre hospitalier de Saint-Jean-de-Dieu sera rétabli sous le Premier Empire. 








Les mesures sanitaires précisée dans la loi de 1780 interdisent cimetières et charniers à l'intérieur des limites de la ville. Au début du XIXème siècle, les ossements prélevés dans les anciens cimetières désaffectés, sont transférés dans les galeries des carrières de gypse en cessation d'activité qui deviennent des catacombes.

La politique d'urbanisme de la ville de Paris oeuvre à la création de nouvelles nécropoles extra-muros. Sous l'impulsion du préfet de la Seine, Nicolas Frochot (1761-1828), des terrains du Petit-Montrouge sont acquis au Sud, sur le territoire de la commune de Montrouge afin d'y implanter le cimetière du Montparnasse, au-delà de la barrière du Montparnasse démolie en 1786, et la barrière d'Enfer sur le mur des Fermiers Généraux. La première inhumation a lieu le 25 juillet 1824. Le moulin de la Charité et ses annexes deviennent logement du gardien. La Tour de la Charité perd ses ailes en 1850. À la fin du XIXème siècle, les bâtiments annexes dégradés sont démolis. Ne demeure que la tourelle. En 1899, elle est restaurée sous l'impulsion de la Commission du Vieux Paris.

Au décès d'Antoine Bourdelle (1861-1929), sa veuve formule la requête de transformer le moulin en tombeau du sculpteur, sépulture privée. La démarche n'aboutit pas. L'ancien moulin de la Charité est classé aux Monuments historique par arrêté du 2 novembre 1931.

L'établissement hospitalier de la Charité, rue des Saints-Pères, fermé puis rasé vers 1935, libère des terrains sur lesquels sont construits la nouvelle faculté de médecine.

Moulin de la Charité - Tour de la Charité
Cimetière du Montparnasse
3 boulevard Edgar-Quinet - Paris 14
Horaires : Du 16/03 au 05/11, tous les jours de 8h à 18h. Ouverture à 8h30 le samedi et 09h00 le dimanche. Du 06/11 au 15/03, tous les jours de 8h à 17h30. Ouverture à 8h30 le samedi et 09h00 le dimanche
Métro Gaîté ligne 13 / Raspail lignes 4 et 6



Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie. 

Bibliographie
Connaissance du Vieux Paris - Jacques Hillairet - Rivages
Le guide du patrimoine Paris - sous la direction de Jean-Marie Pérouse de Montclos - Hachette
Le guide du promeneur 14è arrondissement - Michel Dansel - Parigramme
Paris secret et insolite - Rodolphe Trouilleux - Parigramme