Paris : Dernière vespasienne de Paris, vestige insolite, témoin de l'histoire de l'hygiène publique depuis le XIXème siècle - XIVème

 


La dernière vespasienne de Paris se trouve en face du 86 boulevard Arago dans le XIVème arrondissement. En argot, "les pissotières", "les tasses", "les ginettes", sont apparues pour la première en 1834. Elles ont disparu des trottoirs parisiens dans les années 1980, remplacées par les sanisettes JC Decaux. La dénomination vespasienne, étymologie fautive, renvoie à l'empereur Vespasien (9-79 après JC), à qui est attribué à tort la création d'urinoirs publics dans la Rome antique. En réalité, il est responsable d'une taxe sur les urines collectées dans le cadre de la production d'ammoniaque utilisé comme fertilisant agricole. Objet fonctionnel et architectural, ces urinoirs publics à usage des hommes exclusivement témoigne de la prise en charge des problématiques liés à l'hygiène publique au cours du XIXème siècle. 







Les premières vespasiennes sont destinées à accueillir une seule personne avant de proposer des ouvrages à stalles multiples, jusqu'à seize places, où l'intimité est préservée par des cloisons. Les vespasiennes évoluent et s'adaptent aux besoins de l'époque, embrassant les innovations technologiques. Lieux de nécessité dans l'espace public, sur les trottoirs des rues, dans les jardins, les parcs, elles deviennent des éléments familiers du décor parisien.

Dès 1770, des édits royaux interdisent d'uriner dans la rue. Antoine de Sartine (1729-1801), lieutenant général de police à Paris depuis 1759, prend des mesures en faisant disposer des barils d'aisance sur la chaussée. La forme de ces tonneaux influence celle des premières toilettes publiques, colonnes partiellement construites en maçonnerie, sur lesquelles se développe l'affichage publicitaire à partir de 1839. Le préfet de la Seine Claude-Philibert Barthelot de Rambuteau (1781-1869) préside à l'implantation d'un grand nombre de ces édicules, surnommés "colonnes Rambuteau", colonnes vespasiennes, colonnes moresques à partir de 1841. En 1843, il existe 468 urinoirs à travers la ville.

Sous le Second Empire, l'ingénieur Adolphe Alphand (1817-1891) préside à la modernisation de ces lieux d'aisance avec notamment l'installation de l'éclairage au gaz. À partir de 1860, les urinoirs désormais en fonte ne sont plus support de l'affichage publicitaire. Celui-ci occupe désormais les colonnes Morice dédiées à cet usage. À partir de 1877, se répand le modèle de vespasiennes à eux places, loges séparées par une grande ardoise.






En 1930, il existe 1200 édicules. En 1966, à la suite de campagne anti-vespasiennes, il n'en demeure que 329. Les détournements de leur usage initial ont fait des urinoirs publics des sujets d'exaspération tout autant que de brassage social, culturel, générationnel. La destinée des vespasiennes raconte en filigrane l'histoire des marges et de l'évolution des moeurs, les toilettes publiques devenant rapidement des lieux de rencontres homosexuelles et de prostitution. Le terme "Les chapelles" désigne alors en argot les vespasiennes circulaires à stalles multiples, derrière lesquelles s'embusque la maréchaussée pour tenter de prendre en flagrant-délit les outrages aux bonnes moeurs. Sous l'Occupation, la Résistance y laisse des messages codés parmi les graffitis obscènes.

Dans les années 1980, les vespasiennes sont remplacées par les sanisettes, les toilettes publiques de la société JC Decaux, mixte, accueillant une seule personne à la fois, autonettoyantes, payantes jusqu'en 2006, qualifiées de "WC à péages". Le premier édicule de ce nouveau genre est inauguré le 10 novembre 1981.

Dernière vespasienne de Paris 
En face du 86 boulevard Arago - Paris 14
Métro Denfert-Rochereau lignes 4, 6 / Saint Jacques ligne 6




Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie. 

Bibliographie
Connaissance du Vieux Paris - Jacques Hillairet - Rivages
Le guide du promeneur 14è arrondissement - Michel Dansel - Parigramme
Paris secret et insolite - Rodolphe Trouilleux - Parigramme