Le Bal Blomet, cabaret situé au 33 rue Blomet dans le XVème arrondissement est un lieu emblématique de l'entre-deux-guerres. Cette salle mythique des nuits parisiennes est alors fréquentée par la bohème des Années folles, le Montparnasse des arts et des lettres, Mistinguett, Joséphine Baker, Maurice Chevalier, Léonard Foujita, ou encore Robert Desnos qui rebaptise le bal Blomet, "Bal Nègre". Abandonné depuis 2006, l'établissement, curieuse vieille maison de la fin du XVIIIème siècle, vestige du village de Vaugirard, fait face aux menaces de démolition. Guillaume Cornut, ancien tradeur de la City, passionné de musique et pianiste amateur investit ses propres fonds pour ressusciter le lieu qu'il rachète en 2010. Le Bal Blomet rouvre ses portes en 2017. Désormais cette salle intimiste de 230 personnes propose une programmation éclectique qui décloisonne les genres alternant soirées cabaret, comédie musicale, jazz et musique classique.
En 1924 au 33 rue Blomet se trouve un café-brasserie, propriété d'un auvergnat entreprenant Alexandre Jouve. Jean Rézard des Wouves, candidat martiniquais à la députation tient ses meetings politiques dans l'arrière-salle. Afin d'attirer des électeurs, les réunions s'achèvent souvent par des boeufs qui tournent au bal improvisé. Jean Rézard des Wouves se met au piano et joue la musique de ses Antilles natales. À défaut de connaître le succès dans ses aspirations politiques, il se fait un nom avec ces soirées musicales dansantes.
Alexandre Jouve rebaptise son établissement "Bal colonial" et organise des soirées officielles régulières le mardi, le jeudi, le samedi et le dimanche. La communauté antillaise fortement représentées parmi les ouvriers des usines automobiles voisines, Citroën à Javel et Renault à Billancourt, se presse au bal. Ernest Léardée (1896-1988) violoniste et clarinettiste martiniquais, figure de la biguine, et son orchestre prennent la relève de Jean Rézard des Wouves.
Le quartier dans le sillage de la Ruche, cité d'artistes voisine et de Montparnasse, devient branché. Robert Desnos se rend régulièrement au Bal Blomet, en voisin. Il habite dans les ateliers du 45 rue Blomet où résident également Joan Miro et André Masson. Aujourd'hui le square Blomet https://www.parisladouce.com/2015/07/paris-loiseau-lunaire-de-joan-miro-45.html occupe l'ancien emplacement des ateliers rasés. C'est Robert Desnos qui rebaptise le cabaret, "Bal Nègre" dans un article paru dans la revue Coemedia : « Dans l’un des plus romantiques quartiers de Paris, où chaque porte cochère dissimule un jardin et des tonnelles, un bal oriental s’est installé. Un véritable bal nègre où tout est nègre, les musiciens comme les danseurs : et où l’on peut passer, le samedi et le dimanche une soirée très loin de l’atmosphère parisienne parmi les pétulantes Martiniquaises et les rêveuses Guadeloupéennes. C’est au 33 de la rue Blomet, dans une grande salle attenante au bureau de tabac Jouve, salle où, depuis bientôt un demi-siècle, les noces succèdent aux réunions électorales. »
Le Bal Blomet est alors fréquenté par Joséphine Baker, Kiki de Montparnasse, Léonard Foujita, Jean Cocteau, Henry Miller, Francis Scott Fitzgerald, Ernest Hemingway, Francis Picabia, Kees van Dongen, Man Ray. Sidney Bechet s'y produit. Le cabaret de la fin des années 1930 préfigure les caves de Saint Germain des Près des années 1940. On y croise Jean-Paul Sartre et Simone de Beauvoir, Boris Vian, Raymond Queneau, Albert Camus, Jacques Prévert, Marcel Mouloudji et Juliette Gréco, les Surréalistes et les Dadaïstes. Le Bal Blomet acquiert une renommée internationale et chaque jour des bus entiers de touristes se pressent pour assister aux concerts.
Durant la Seconde Guerre Mondiale, l'Occupant allemand interdit les activités du Bal Blomet, contraint de fermer. La salle rouvre en 1945 sans jamais renouer avec la même énergie, le même succès. D'autres orchestres se produisent mais l'activité s'étiole jusqu'en 1962. À partir de ce moment, le lieu redevient un café brasserie en absence de toute production musicale. De 1989 à 2006, la salle devient un club de jazz "Saint Louis Blues".
Abandonné depuis 2006, le lieu se trouve menacé de destruction lorsqu'il est racheté par Guillaume Cornut en 2010. Ce dernier rêve de gérer une salle de concert. Pour mener ce "projet d'une vie", il compte sur un financement personnel. Sept années sont nécessaires afin de monter cette réhabilitation dont le chantier débute en 2015. Afin de conserver ce lieu de mémoire, le corps de logis sur la rue Blomet est modernisé, tandis que l'arrière-salle côté rue Copreaux, trop vétuste, fait l'objet d'une reconstruction et restitution à l'identique.
Une polémique survient au sujet du nom de l'établissement. Le propriétaire songe un temps à reprendre l'appellation "Bal Nègre", reprendre le nom passé à la postérité, décerné par Robert Desnos. Guillaume Cornut opte finalement pour la dénomination originelle "le Bal de la rue Blomet" puis "Bal Blomet". Le nouveau "cabaret d'art" est inauguré en mars 2017.
Bal Blomet
33 rue Blomet - Paris 15
Métro Volontaires ligne 12
Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie.
Bibliographie
Connaissance du Vieux Paris - Jacques Hillairet - Rivages
Le guide du promeneur 15è arrondissement - Florence Claval - Parigramme
Paris secret et insolite - Rodolphe Trouilleux - Parigramme
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