Ailleurs : Roues à aubes de l'Isle-sur-la-Sorgue, l'héritage industriel de la Venise provençale, patrimoine pittoresque

 


Les roues à aubes de L'Isle-sur-la-Sorgue, héritage historique, patrimoine singulier, témoignent du développement d'un artisanat puis d'une industrie florissante le long des canaux dès le XIIème siècle et jusqu'au XIXème. Minoteries, moulins à huile, papeteries, filatures de soie et de laine, scieries exploitent la force motrice des eaux de la rivière Sorgue pour produire de l'énergie mécanique. Les infrastructures animées par l'énergie hydraulique, source d'énergie cinétique, l'une des plus anciennes et des plus répandues dans le monde, rendent compte de l'évolution économique de la Provence.

Des soixante-six roues en activité à l'Isle-sur-la-Sorgue, à l'apogée de l'industrie locale au XIXème siècle, il reste dix-sept ouvrages dont la fonction se veut désormais mémorielle et décorative. Roue de la Porte d'Avignon, roue des Milhes, roue Victor Courtet, roue de l'Hôpital, roue Croset, rue des Tourelles, roue des Lices de Vieilleville, roue des Minimes, roue du Quai Nord, roue du Portalet, roue Giraud, elles ponctuent la cité de leur silhouette caractéristique. Au modèle courant, dont les pales sont placées en dessous ou de côté, s'ajoutent les roues à godets, originellement destinées à un usage domestique, non-industriel. Elles alimentaient en eau les nombreuses congrégations religieuses présentes à travers la ville ainsi que les demeures bourgeoises, pour la consommation courante ou pour arroser jardins et potagers. 








Vers 900, le creusement du canal du Vaucluse permet d'assécher les marécages autour de la Fontaine du Vaucluse, source notamment de la rivière Sorgue. L'irrigation contrôlée des terres agricoles rend possible la diversification des productions, vignes, oliviers, froment, mûriers. Les canaux et autres dérivations alimentent les fontaines publiques en eau courante destinée à la consommation courante des habitants. Abondante et non calcaire, l'eau, ressource naturelle, joue un rôle déterminant dans le développement de la future ville de l'Isle-sur-la-Sorgue, village de pêcheurs, réputé pour ses écrevisses. 

Dès le XIIème siècle, les minoteries prennent leur essor dans une région agricole productrice de blé et de froment. Les roues animent les moulins à moudre le grain, puis bientôt les moulins à huile. En 1274, l'Isle-sur-la-Sorgue qui a été fief des comtes de Provence, puis des comtes de Toulouse, tombe dans l'escarcelle du Saint-Siège. Les papes font fortifier la cité qui devient un refuge au niveau régional. Au XIIIème siècle, les prémisses d'une industrie drapière se développent. "Les blanquets", étoffes résistantes destinées aux couvertures, acquièrent une réputation locale puis nationale.

Au XIVème siècle, les manufactures de papier s'implantent le long des canaux l'islois. Puis au siècle suivant, l'industrie textile prend une nouvelle envergure. L'eau animent les machines des filatures de laine, les carderies se multiplient. Au XVIIIème siècle, la production de soie, grâce à l'élevage du ver à soie adapté aux mûriers locaux prend son essor. Le Comtat Venaissin et Avignon sont à la France en 1791.








Au XIXème siècle, sous l'influence de ses capitaines d'industrie, l'Isle-sur-la-Sorgue diversifie sa production. La région investit dans la production de la garance, plante broyée pour en extraire un colorant rouge naturel, utilisé par les teinturiers. Mais en 1868, deux chimistes allemandes, Carl Graecke et Carl Liebermann conçoivent un composant chimique bon marché, l'alizarine qui la replace définitivement. Les moulins l'islois se reconvertissent et deviennent un temps usines à plâtre, où est moulu le gypse dont les gisements nombreux dans le Vaucluse sont exploités depuis le XVème siècle. La production se diversifie avec de péricliter, remplacée par les usines modernes, carbonate de soude, de pierre à aiguiser, laminoir à cuivre, amidonnerie. En 1907, les roues à aubes de l'Isle-sur-la-Sorgue deviennent tout à fait obsolètes à la suite de la mise en place du réseau public d'eau courante parallèle.

De nos jours, cette forme d'énergie renouvelable suscite l'intérêt des défenseurs de l'environnement, parmi lesquels le collectif "Énergie des Sorgues". Le centre social La Cigalette, l'association Le Village et les 3 Éco, membres du collectif, proposent d'adapter les anciennes roues à aubes afin de produire de l'électricité verte susceptible d'alimenter des bornes de rechargement de vélos en libre-service destinés aux habitants. 



Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie.