Expo Ailleurs : Hans Hartung. Une liberté salutaire - Le Doyenné - Brioude - Jusqu'au 13 octobre 2024

Thomas Schlesser, directeur de la Fondation Hartung Bergman / T1973-R32 (1973) / Jean-Louis Prat, directeur de la Fondation Maeght de 1969 à 2004  

Hans Hartung (1904-1989), peintre, photographe et architecte d'origine allemande naturalisé français, s'est illustré comme pionnier de l'abstraction. Figure majeure de la Nouvelle école de Paris, la grande diversité des supports employés, son goût pour les expérimentations de couleurs, de formats, de méthodologie, le placent en position d'autonomie par rapport aux grands mouvements de son temps. L'oeuvre d'Hans Hartung associée aux courants dits informels, gestuels, tachistes, lyriques, action painting, se distingue par le constant souci des innovations techniques, détournement d'outils industriels, invention de nouveaux instruments. La modernité sans compromis traduit son désir de s'émanciper des codes. Hans Hartung conçoit la liberté d'action d'une peinture gestuelle comme la traduction de la pensée, des émotions dans l'instantanéité du mouvement. Surgissement de l'inattendu, expression des imaginaires, spontanéité, la justesse des fulgurances se révèle dans la célérité du geste. L'aspect conceptuel de son oeuvre picturale, sa rigueur s'inspire également de sa pratique photographie, cadrage, agrandissement, répétition, reproduction à l'identique de certains tableaux, recherche sur l'original, l'authenticité. Artiste prolifique, généreux, Hans Hartung a produit tout au long de sa carrière 4800 peintures, pour corpus total de 17 000 oeuvres avec les dessins. Son existence romanesque, vie d'engagement total marquée par les épreuves, les drames, est traversée à l'instar de son oeuvre d'une pulsion de vie, d'une énergie vitale intense. 

Le Doyenné de Brioude rend hommage à soixante ans de création dans le cadre de la rétrospective "Hans Hartung. Une liberté salutaire", orchestrée par Jean-Louis Prat, directeur de la Fondation Maeght de 1969 à 2004, proche de l'artiste, et Thomas Schlesser, directeur de la Fondation Hartung Bergman. L'exposition retrace le parcours de l'homme et du peintre dans l'urgence, le chaos de l'Histoire, à travers deux guerres mondiales. Elle évoque son engagement politique et plastique. Le panorama e, soixante-dix oeuvres, certaines jamais présentées au public jusqu'à présent, notamment cinq céramiques, évoque la modernité d'un art tourné vers l'avenir, le progrès technique.


Séries sanguine, fusain et encre sur papier (1922) - Autoportrait (1922)
T1989-R48 (1989) / T1989-K17 (1989)


T1989-R48 (1989) / T1989-K17 (1989) / T1989-E34 (1989)

Séries fusain, encre, sanguine (1922) / Autoportrait (1922)

Carré bleu (1922)

Trois personnes assises, le Kokoschka (1923) / Sans titre (1924) /
Stintek I, maison devant la digue (1925) / Nature morte (1924)

Né à Leipzig en 1904 dans une famille de médecins, amateurs d'art, Hans Hartung n'aura de cesse de s'émanciper du confort bourgeois auquel le destinait ses origines. Sa vocation précoce s'éveille dès l'âge de six ans, âge auquel il zèbre ses cahiers d'écolier d'éclairs, talismans contre les frayeurs d'enfance. De 1912 à 1914, la famille Hartung réside à Bâle puis retourne à Leipzig au début de la Première Guerre Mondiale. Le ciel traversé d'obus fascine et terrifie le petit Hans. Il fréquente le lycée de Dresde jusqu'en 1924. L'adolescent s'intéresse aux maîtres anciens Rembrandt, Goya, Frans Hals, Le Greco, puis aux expressionnistes allemands, Oskar Kokoschka, Emil Nolde qu'il copie pour s'exercer.

Dès 1922, Hans Hartung qui maîtrise parfaitement la Figuration s'essaie à une série d'aquarelles abstraites. Dans ses carnets, Hartung note : « La tache y devenait libre, elle s’exprimait par elle-même, par sa forme, par son intensité, par son rythme, par sa violence, par son volume ». L'année suivante, il dessine une série au fusain, à l'encre, à la craie, à la sanguine. « On trouve ici en prémices presque la totalité de mes éléments, de mes signes et rythmes futurs, les taches, les "poutres", les courbes, les lignes. » Fruit d'une démarche spontanée, la soixantaine de petits formats se distingue par la liberté de formes, de couleurs, de lumière qui préfigure le peintre à venir.

Entre 1924 et 1925, Hans Hartung suit des études de lettres classiques et histoire de l'art à Leipzig avant d'intégrer de 1925 à 1926 l'Académie des beaux-arts de Dresde. Lors de l'Exposition internationale de 1926, il découvre la peinture française moderne, de l'impressionnisme au cubisme. Hans Hartung s'installe alors à Paris. Inscrit à la Sorbonne « avec la ferme intention de ne jamais en franchir le seuil », il fréquente brièvement l'académie d'André Lhotte, puis l'atelier de Fernand Léger, dont les enseignements ne le satisfont pas. Il réserve son enthousiasme pour ses visites au Louvre, le travail de Picasso, et ses nombreux voyages à travers toute l'Europe. Il rencontre Anna-Eva Bergman, jeune peintre norvégienne, qu'il épouse en septembre 1929. 


T1933-12 (1933) / T1937-33 (1937) / T1937-17 (1937) /
T1936-4 (1936) / T1936-11 (1936)

T1938-29 (1938) / T1938-12 (1938) / T1938-33 (1938) / T1937-24 (1937)

T1936-4 (1936) / T1936-11 (1936) / T1937-5 (1927) / T1938-3 (1938) / T1938-1 (1938)

T1938-3 (1938) / 1938-1 (1938)

T1943-5 (1943) / Sans Titre (1930) / Sans Titre (1940) / Sans titre (1940)


Dans les années 1930, ses compositions expressionnistes se rythment de tracés noirs. Mort du père, montée du fascisme en Allemagne, Hans Hartung et Anna-Eva Bergman s'installe à Minorque dans une maison cube imaginée par Hans Hartung. Mais la vie aux Baléares s'avère difficile, précarité, hostilité des isliens, suspicion de la maréchaussée. Interrogés par les autorités pour espionnage, ils sont contraints de partir en 1934. Ce sera Stockholm puis Berlin, où Hans Hartung est interrogé par la Gestapo pour ses amitiés avec des Communistes et des Juifs. Il s'engage publiquement contre le nazisme et quitte son pays natal.

Il retourne à Paris où il rencontre des difficultés matérielles, précarité à peine soulagée par de rares ventes auprès de collectionneurs américains, tels qu'Albert Eugene Gallatin. Hans Hartung fréquente Jean Hélion et Henri Goetz, Vassily Kandinsky, Piet Mondrian, Alberto Magnelli, César Domela, Joan Miró et Alexander Calder. Maladie de sa femme, divorce à la suite de la séparation en 1937, annulation de son passeport par l'ambassade d'Allemagne, il se trouve dans une situation très difficile. Henri Goetz l'héberge et il travaille dans l'atelier du sculpteur Julio Gonzalez. 

En 1939, Hans Hartung épouse Roberta Gonzalez (1909-1976) la fille de Julio Gonzalez. Lorsque le conflit mondial éclate, ressortissant d'un pays ennemi, en septembre 1939 il rejoint la Légion étrangère. Il est envoyé en Afrique du Nord. À la suite de l'armistice, il est démobilisé, le 8 septembre 1940 et retrouve la famille Gonzalez dans le Lot. Lors de son séjour, il réalise une série à la gouache, trente têtes aux inflexions cubistes inspirées par les œuvres de Julio Gonzalez, en particulier ses masques, et "Guernica" de Pablo Picasso. 

En 1942, le décès de Julio 1942 et l'occupation de toute la France pousse Hans Hartung à un nouvel exil. Il passe clandestinement en Espagne en 1943. L'aventure tourne court et il est incarcéré dans les geôles franquistes puis envoyé au camp de concentration de Miranda del Ebro durant sept mois. Libéré grâce à l'intervention du consul de la France Libre, il s'engage à nouveau dans la Légion. Brancardier au sein du Régiment de marche de la Légion étrangère, il est blessé durant l'attaque de Belfort en novembre 1944. Il subit deux interventions d'amputation de la jambe droite dans des conditions abominables dont l'une sans anesthésie. Peintre du geste, du déplacement du corps dans l'espace, la confrontation à cet handicap lui inspirera la création de nouveaux outils afin de continuer à travailler. Réformé le 18 mai 1945, de retour à Paris, il est soutenu par Calder. Du fait de la suspicion liée à sa nationalité originelle, il n'est naturalisé français qu'en 1946, puis décoré de la croix de guerre 1939-1945, de la médaille militaire et de la Légion d'honneur (chevalier en 1952). 


Jean-Louis Prat devant T1963-R368 (1963)

T1962-L21 (1962) / T1962-L22 (1962) / T1962-L23 (1962)
T1963-R38 (1963) / T1953-6 (1953) / T1955-25 (1955)

T1963-R38 (1963) / T1953-6 (1953) / T1955-25 (1955)

T1955-5 (1955) / T1964-H44 (1964)
T1962-L21 (1962) / T1962-L22 (1962) / T1962-L23 (1962)

T1955-23 (1955) / T1955-5 (1955) / T1964-H44 (1964)


En 1948, lors de la 24e édition de la Biennale de Venise, les oeuvres de Hans Hartung sont exposées au pavillon français et au coeur de l'espace réservé à la collection Peggy Guggenheim. Dans les années 1950, il rencontre enfin le succès en Europe. Ses tableaux marquent une prédilection pour les aspects graphiques, noir traversé de couleurs, effets de contraste, de transparence. En 1952 Anna-Eva Bergman et Hans Hartung se revoient lors de la rétrospective consacrée à Julio Gonzalez. Ils se marient à nouveau en 1957.

À la fin des années 1950, Hans Hartung abandonne la peinture à l'huile au profit de la peinture industrielle, vinylique, acrylique, travaillée en halo de couleurs. Son geste se libère par l'utilisation de nouveaux supports tels que le carton baryté photosensible et des outils inédits empruntés au quotidien qui se substituent au pinceau. Il expérimente différents râteaux, brosses, stylets, peignes métalliques, strier la toile, souplesse. Il s'intéresse déjà aux instruments de pulvérisation, matériel de chantier. Sulfateuse, tyrolienne de maçon, appareil utilisé pour réaliser le crépi, pistolet à air comprimé de carrossier produisent des effets atmosphériques, des gouttelettes sur la toile. 

En 1960, Hans Hartung, lauréat du grand prix international de peinture de la Biennale de Venise, connait la consécration internationale. Entre 1965 et 1967, période des "Nuages", ses tableaux se caractérisent par des surfaces sombres aux effets vaporeux sur fond opaque, déchirées par le surgissement de la lumière, rayonnement inattendu. Son oeuvre fait l'objet de rétrospectives d'envergure au musée de Turin en 1966, au Musée national d'Art moderne de Paris en 1968, puis à Houston, à Québec et à Montréal en 1969.En 1968, Hans Hartung et Anna-Eva Bergman emménagent dans la maison atelier d'Antibes qu'ils ont fait construire. 



T1975-R40 (1975) / C1972-11 (1973) / C1972-23 (1973) /
C1972-15 (1973) / C1972-8 (1973) / T1975-E19 (1975)

T1975-E28 (1975) / T1975-R40 (1975) / C1972-11 (1973) / C1972-23 (1973) /
C1972-15 (1973) / C1972-8 (1973)

T1971-E44 (1971) / T1975-E28 (1975)

T1980-E40 (1980) / T1981-E36 (1981) / T1982-H11 (1982) / T1982-H14 (1982)

C1972-26 (1972) / T1989-K12 (1989)


Au cours des années 1970, Hans Hartung imaginent des pinceaux constitués avec des végétaux, balai-brosse de branches de genêt issues de son jardin, tiges de bambou, branches d'olivier. Mise en abyme, il peint des galets sur des cailloux.  Par la suite, ol expérimente la lithographie, la gravure, détourne les techniques au profit de la peinture sur toile. De nouvelles rétrospectives lui sont consacrées en 1975 à Berlin et à Munich. Exposé au Metropolitan Museum of Art de New York, les critiques négatives traduisent une forme de protectionnisme américain vis-à-vis des artistes européens, moment de bascule du pôle d'influence entre la vieille Europe et la jeune Amérique. Les critiques d'art valorisent les artistes abstraits américains, boudant les peintres européens. 

Dans les années 1980, Hans Hartung s'investit dans la réalisation de grands formats, associant équilibre force, énergie. Il met en scène la maîtrise différentes techniques, synthèse des expériences de toute une, pulvérisation mécanique, jets de peinture, fonds de nébuleuses et effets crépusculaires.

Hans Hartung. Une liberté salutaire 
Jusqu'au 13 octobre 2024

Le Doyenné Espace d'art moderne et contemporain
place Lafayette - 43100 Brioude
Tél. : +33 (0)4 71 74 51 34
Horaires du 5 juillet au 13 octobre 2024 : Juillet – Août : Lundi : 14h – 18h30 - Du mardi au dimanche : 10h – 18h30 / Septembre – Octobre : Lundi : 14h – 18h - Du mardi au dimanche : 10h – 18h



Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie.