Expo Ailleurs : Gianni Pettena. Anarchitecture - CRAC Occitanie - Jusqu'au 1er septembre 2024 - Sète


 

Le CRAC Occitanie consacre une exposition rétrospective "Gianni Pettena Anarchitecture", à l'une des figures majeures de l'architecture radicale italienne, sous le commissariat de Marie Cozette, directrice de l'institution sétoise. Réactivation de certaines de ses installations les plus célèbres à l'échelle du site, réalisations inédites, l'événement associe œuvres des origines et propositions récentes, manifestation puissante et poétique d'une philosophie contestataire complexe. Gianni Pettena, "architecte sans architecture", s'illustre par ses installations éphémères en plein air, au sein de bâtiments préexistants, toujours en prises directe avec les sites sur lesquels il intervient. Figure inclassable, volontiers provocateur, libre et critique, pionnier de l'architecture radicale italienne, il se rapproche d'Andrea Branzi, Alessandri Medini, des groupes Archizoom, Superstudio, UFO dans les années 1970.

Au carrefour des pratiques, Gianni Pettena embrasse le champ élargi de l'art pour mieux remettre en question les fondements de l'architecture ancrée dans une logique capitaliste, consumériste et prédatrice. Il délaisse son lexique classique afin de développer son propre vocabulaire plastique proche de l'art conceptuel, du Land art. Dans sa réflexion personnelle sur l'urbanisation, les principes de développement de la ville, il revendique une "posture non-professionnelle" intuitive pas exempte d'humour. Il interroge normes et fonctions et par ce biais nous invite à renouer les liens entre l'être humain et son environnement naturel, matière même des oeuvres comme les matériaux naturels terre glaise, raphia, glace et eau. Les matériaux pauvres, papier, carton témoignent de l'économie de moyens revendiquée. L'intervention des éléments à l'instar du vent fait partie des spécificités de son travail. Elle confère une importance particulière au mouvement, au déplacement. Le corps de l'artiste, le corps de la collectivité se placent au coeur de la réflexion.


Forgiving architecture - Gianni Pettena

Tunnel sonore - Gianni Pettena

Tunnel sonore - Gianni Pettena

Archipensiaro - Gianni Pettena

Archipensiaro - Gianni Pettena


Né à Bolzano en 1940, dans la province du Tyrol sud, porte d'entrée de la chaîne des Dolomites, Gianni Penneta grandit au pied des Alpes italiennes, paysage qu'il désigne comme "son école d'architecture". Diplômé à Florence dans cette discipline en 1968, il n'a pourtant jamais exercé cette profession. Il emprunte la voie de l'art, plasticien et passeur, théoricien et enseignant à Londres, Florence, aux États-Unis, multiplie installations, performances, conférences, publications. 

Se qualifiant d'"anarchitecte" terme inventé en 1973 dans le cadre d'un texte manifeste, il embrasse une pratique contestataire empreinte d'une grande liberté, critique de la vision capitaliste, consumériste et fonctionnaliste de l'architecte. Ces propositions éphémères traduisent le refus de dénaturer le paysage, considérant les interventions humaines comme une forme de pollution visuelle. Gianni Pennetta développe l'idée de ne pas subordonner la nature à l'architecture. Par le biais de ses structures éphémères, espaces décloisonnés, il formalise l'abattement des murs, écrans physiques, symbole d'empêchement. Il organise une libre circulation entre l'être humain et son environnement, renouvèle les interactions. 

"Forgiving architecture" accueille les visiteurs en façade du CRAC. Une multitude de bandes blanches de chantier suspendues au toit terrasse dissimulent partiellement la structure de béton du bâtiment. Elles s'animent au gré des phénomènes météorologiques introduction au concept de mouvement au coeur de la production de Pettena. 

"Tunnel Sonore" l'un des premiers projets dessinés par Pettena, croquis exécutés en 1966 n'avait jusqu'à présent jamais été réalisé. Dans une vidéo présentée en parallèle des structures, un personnage en combinaison recouverte de plaques métalliques, ici la danseuse Aloïs Aurelle, évolue dans une succession de cadres de taille décroissante.  La contrainte s'accroit avec la progression dans ce tunnel, limitant le mouvement jusqu'à expulsion au bout de la structure. Allégorie double, paradoxale, évocation de la naissance, croissance du fœtus au sein de la matrice qui devient trop étroite avant expulsion, soit allégorie du poids des normes sociétales qui contraignent les individus jusqu'à les faire ramper.


Absence / Présence - Gianni Pettena

Human - Gianni Pettena

Ombra - Gianni Pettena

Wearable chairs - Gianni Pettena

Architecture + nature - Gianni Pettena

Deuxième étape, "Archipensiero" (2009-2024) convoque le rapport au vivant, à la culture, à l'environnement. Dans une salle entièrement recouverte de raphia, se trouve au centre une structure de bois également recouverte. Ces éléments composent une anamorphose. À distance, la silhouette d'un temple antique apparaît submergée dans le foin, dans la veine du principe de recouvrement d'une structure préexistante, employée à l'occasion des installations "Ice house" ou "Clay House" maisons recouvertes l'une de glace l'autre de terre crue. 

"Human" (2012-14), tableau d'argile, conserve les traces des mains intervenues directement sur la matière, retour à une pratique qui n'est pas sans rappeler l'art pariétal. L'oeuvre se délité selon un processus naturel d'effritement. Commande réalisée pour le site archéologique de Pompéi, "Presenza / Assenza" (2020) présente un moulage en creux du corps de l'artiste intégré à l'architecture. L'installation "Ombra", se composent de manteaux noirs, silhouette signature de l'artiste, figés par un dispositif d'assise pliable, suspendus dans leur mouvement par un tour de magie mécanique.

"Wearable chairs", performance originelle mise en oeuvre en 1971, dans le cadre de ses cours au College of art and design, met en scène des étudiants harnachés de chaises portables déambulant à travers la ville et s'asseyant au débotté dans les rues pour discuter. L'idée du collectif, de la délégation de l'action, prend le pas sur le statut de décideur, d'auteur et déconstruit la notion d'autorité du maître. 

La vidéo "La mia casa all' Elba" raconte l'histoire de la maison personnelle de Gianni Pettena, sur l'île d'Elbe, une ruine sur laquelle il est intervenu afin de la rendre habitable en prélevant des matériaux dans l'environnement immédiat. Au travers de cette résidence, il matérialise le retour à des principes constructifs plus simples plus archaïques, prône un retour à la nature, à l'économie de moyens, préceptes aux vertus écologiques. Dans la pratique, Gianni Pettena tend à dépasser les hiérarchies et catégorisations.. Au fil de la vidéo "Architecture + nature" (2011), les vagues déferlent sur une plage effaçant progressivement le mot architecture écrit dans le sable.


Paper - Gianni Pettena

Paper - Gianni Pettena

Paper - Gianni Pettena

Paper - Gianni Pettena


Installation pénétrable monumentale, mise en place pour la première fois dans le cadre des cours du College of art and design de Minneapolis, "Paper" (1971) est constituée d'une multitude de bandes de papier suspendues à travers une salle jusqu'à envahissement total de l'espace. Les visiteurs présents à l'occasion du vernissage ont été invités à se frayer un passage aux ciseaux à travers l'installation de papier. 

Gianni Pettena. Anarchitecture
Jusqu'au 1er septembre 2024

Crac Occitanie
26 quai Aspirant Herber - 34200 Sète 
Tél. : +33 (0)4 67 74 94 37
Horaires : Lundi, mercredi à vendredi de 12h30 à 19h - Samedi et dimanche de 14h à 19h - Fermé le mardi



Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie.