Crédit Thomas O'Brien |
Pauline Carton, qui a grandi dans un milieu bourgeois, devient reine des seconds rôles populaires. Révélée dans les années 1930, la comédienne se trouve cantonnée par un physique qu'elle juge ordinaire dans un certain répertoire. Elle multiplie les emplois de concierges, de bonnes. Grâce à sa gouaille de titi parisien, elle s'illustre au théâtre comme au cinéma, chante des balades grivoises dans les cabarets. Elle écrit pour la scène, pour le cinéma. Sacha Guitry, son grand ami, la convainc d'écrire ses mémoires. Pauline portraiture son époque, ses contemporains, véritable incursion dans le monde disparu des comédiens entre les années 1930 et 1950. Pauline Carton y raconte ses débuts aux studios de Joinville. Ses deux premières apparitions dans des personnages de dame-pipi puis d'institutrice sont coupées au montage. Elle dit la figure marquante de sa mère et ses imparables conseils qui l'aident à faire son chemin sur les tournages où il s'en passe de belles. Femme libre, esprit rebelle, un tempérament, elle évoque sa vie amoureuse, une relation de cinquante ans avec Jean Violette, poète genevois, marié. Elle refuse de l'épouser lorsqu'il divorce, heureuse de leur arrangement, un mois par an. Pauline Carton préfère habiter à l'hôtel pour éviter d'avoir à penser aux contingences ménagères. Elle nourrit les moineaux avec des croissants. À la fin de sa vie, elle donne du fil à retors à Danièle Gilbert lors d'un entretien mouvementé pour la télévision.
Seule en scène, Christine Murillo rend un hommage truculent et joyeux à Pauline Carton (1884-1974). Elle redonne chair à un personnage attachant, esprit vif d'une grande érudition et d'une réjouissante causticité. Éclairé par une servante, sorte de veilleuse qui demeure allumée quand le théâtre est fermé, le plateau est encombré d'une modeste table de camping, une canne-siège. La comédienne pioche dans une boîte remplie de souvenirs, un bouquet de violette, un livre, une clochette de service... Distinguée à quatre reprises aux Molières, Christine Murillo incarne avec générosité et un sens aigu de la comédie la gouaille de Pauline Carton, sa finesse, sa bienveillance pas exempte de sarcasme. Les accointances sensibles avec cette personnalité singulière sont d'une belle évidence.
Le monologue se nourrit de textes originaux de Pauline Carton, deux ouvrages de mémoires, "Théâtre de Carton" (1938) et "Histoires de cinéma" (1958), rédigés sur l'insistance de Sacha Guitry. Virginie Berling, Christine Murillo et Charles Tordjman adaptent pour les planches ces souvenirs, ainsi que la correspondance. Toute une vie de théâtre, pour un texte qui associe les anecdotes croustillantes et les réflexions personnelles de Pauline Carton au sujet du métier de comédien, notamment les liens uniques noués avec le public. Plume alerte, tranchante, verbe fleuri, esprit piquant témoignent d'une personnalité originale. Ces textes manifestent un goût pour le burlesque, qui laisse transparaître en creux l'expression d'une profonde humanité.
Incarnation remarquable, Christine Murillo joue avec humour la mémoire défaillante, déploie une vaste palette de jeux avec une intelligence, une drôlerie tout en nuances et intonation. Elle se lance dans des imitations de Michel Simon, Jean Cocteau, Jean Marais, Sacha Guitry, s'emporte dans des digressions nostalgiques d'un temps révolu, enchaîne a cappella sur les chansons canailles de Pauline Carton. Fantaisie et la poésie, un spectacle délicieux !
Pauline et Carton
Prolongations du 16 mars au 23 juin 2024
Le samedi à 15h30 et 17h30 ou 19h30, le dimanche à 15h30.
D'après les écrits de Pauline Carton
Adaptation de Virginie Berling, Christine Murillo et Charles Tordjman
Avec Christine Murillo
Mise en scène de Charles Tordjman
Lumières de Christian Pinaud
La Scala Paris
13 boulevard de Strasbourg - Paris 10
Tél : +33 (0)1 40 03 44 30
Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie.
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