Lundi Librairie : Le Grand Paris - Aurélien Bellanger


Alexandre Belgrand, héritier d'une famille d'urbanistes, a pour ancêtre Eugène Belgrand proche collaborateur du baron Haussmann dans le cadre de la modernisation de Paris au XIXème siècle. La lignée a connu un certain déclin avec des parents spécialistes des parcs d'attraction tels que le parc Astérix. Alexandre grandit dans l'Ouest parisien bourgeois et logiquement, déterminisme social, passe les concours des grandes écoles, terreau des futures élites de la France. Il est reçu à l'Essec, école de commerce. Il y fait la connaissance de Machalin, professeur de philosophie mystique et manipulateur, qui l'initie à l'histoire de la ville. Sous son influence, Alexandre renonce à l'Essec pour rejoindre l'université et rédiger une thèse sur l'urbanisme. Son nouveau mentor l'introduit auprès de l'équipe de campagne présidentielle 2007 d'un ancien élève, "le Prince", figure qui personnifie la relève de la droite. À la suite de la victoire, Alexandre intègre le cénacle élyséen dans le cadre d'une consultation au sujet d'un projet d'envergure, le Grand Paris. Au cours de sa brève vie de cabinet, il connait les faveurs du Prince puis la disgrâce.  

Aurélien Bellanger signe une fresque générationnelle, fiction politique, un troisième roman, publié en 2017. Son narrateur incarne une sorte de Rastignac contemporain, bien décider à conquérir Paris, en l'occurrence réinventer la ville. Ce pamphlet dans la veine naturaliste dénonce l'obsession des hommes de pouvoir laisser une empreinte, marquer la ville de leur sceau et ainsi entrer dans l'histoire, dans le récit national. Le projet du Grand Paris, initié en 2008, sous l'ère Sarkozy, extension du territoire de la capitale à la banlieue symbolise une idée de rupture et l'orgueil du cercle des gouvernants 

Le roman convoque l'esprit de l'époque, un cycle d'une quinzaine d'années, marqué par la figure de Nicolas Sarkozy, alter ego de fiction " le Prince". Aurélien Bellanger traite les années 2000 à l'instar d'une période historique. Au fil des pages de ce roman de la contemporanéité, la réalité des structures du pouvoir y devient matière de la fiction, prélèvement du réel à un niveau élémentaire 

Aurélien Bellanger se pose en observateur de son temps et séduit par l'acuité du regard porté sur une époque. La précision documentaire de ce texte ambitieux, touffu, est portée par un souffle romanesque et historique. L'érudition - géographie, économie, urbanisme, philosophie, théologie - se met au service de la densité, de la complexité du propos dans un foisonnement qui court de digressions, en commentaires, en descriptions.

Déterminisme, trajectoires individuelles et collectives, Aurélien Bellanger se penche sur l'organisation institutionnelle des relations entre la banlieue et la capitale. L'auteur décrypte la construction de la ville, fruit de la volonté politique des technocrates et lieu de la domination de classe par excellence. Les strates successives y racontent la trajectoire des sociétés et de leurs gouvernants. Dans "Le grand Paris", l'Île de France devient miroir des politiques qui ont façonné notre vision de la métropole. L'incursion dans les arcanes du pouvoir ne dure qu'un temps et la seconde partie du roman, s'ouvre sur un exil vers l'Est parisien et une conversion qui fait basculer la réflexion vers une dimension spirituelle. 

Le Grand Paris - Aurélien Bellanger - Éditions Gallimard - Poche Folio



Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie.