Ailleurs : Monument Brunswick, un mausolée néogothique au coeur de Genève en Suisse

 

Le Monument Brunswick à Genève rend hommage au bienfaiteur de la ville, Charles II d'Este Guelphe, duc de Brunswick (1804-1873), cousin de la reine Victoria, descendant de la famille princière d'Este, proche parent des souverains régnants de Russie, Autriche, Prusse. Aristocrate en bisbille avec sa famille et ses potentiels héritiers, il lègue son immense fortune à la Ville de Genève. En contrepartie, il demande des funérailles officielles et un monument funéraire implanté au coeur de la cité de Calvin. L'ouvrage, réplique exacte de l'un des tombeaux gothiques de la famille Scaligeri à Vérone, en Italie, trouve place au bord du lac Léman à proximité de l'Hôtel Beau-Rivage, dernier séjour du duc de Brunswick, dans un petit square établi quai du Mont-Blanc.

L'architecte Jean Franel (1824-1885) réalise un monument en marbre de Carrare rouge et blanc, granit rose de Vérone, dont le riche décor sculpté témoigne du style européen et de la qualité de l'école genevoise. Les bas-reliefs et les six grandes statues représentent des membres de la famille Brunswick et des scènes extraites de son histoire. Vincenzo Vela (1820-1891) sculpte les lions, Auguste Cain (1821-1894), la statue équestre du duc, un bronze aujourd'hui déplacé. Charles-François Iguel (1827-1911) intervient également. Mausolée, cénotaphe sous baldaquin ogival, statues, deux bassins et terrasse constitue le monument funéraire inauguré en 1879. Une balustrade et des grilles en ferronnerie entourent l'ensemble. 








En 1830, chassé par son propre frère du duché dont il avait hérité en 1815, Charles II d'Este Guelphe, s'exile à Londres. En 1845, il y conclut un accord avec un autre prince déchu, Louis-Napoléon Bonaparte, traité d'alliance offensive par le truchement d'émissaires. Le duc s'établit à Paris en 1851 lorsque son allié se hisse aux plus hautes fonctions de l'État. À cette époque, il manifeste une certaine paranoïa, faisant blinder la chambre à coucher de son hôtel particulier et multipliant les passages secrets. Spéculation, investissements juteux, le duc de Brunswick amasse une grande fortune. Ami des arts et des lettres, lui-même linguiste et amateur de musique, il se livre souvent au mécénat.

Durant la guerre de 1870 et le Siège de Paris, malade, il fuit à Genève où il décède subitement le 18 août 1873. Il lègue son immense fortune, estimée à 24 millions de francs or, à la Ville de Genève. Donation conditionnée à quelques hommages somptuaires. Il demande que soient organisées des funérailles officielles et que son mausolée soit dressé dans un lieu à la "position proéminente et digne". Le Jardin des Alpes, quai du Mont-Blanc, emplacement exceptionnel, marque la reconnaissance de la communauté.

Le testament du duc de Brunswick stipule que "Le monument sera surmonté par notre statue équestre et entouré par celle de nos père et grand-père, de glorieuse mémoire, d'après le dessin attaché à ce testament, en imitation de celui des Scaligeri enterrés à Vérone." Le document produit des dessins des mausolées de Mastino II daté de 1345 et Cansignorio daté de 1370-74 oeuvre de Bonino da Campione, dessins réalisés sur motif au cimetière gothique de Vérone ouvert au XIVème siècle à proximité du palais de la famille Scaligeri. Pour la conception l'architecte Jean Franel reprend à l'identique les dessins fournis par le duc dans son testament, sans réinterpréter le style gothique à la façon de Viollet-le-Duc.








Les exigences du défunt témoignent d'un certain culte de la personnalité tel que l'illustre l'inscription gravée en latin "Issu du sang de Brunswick, de la maison des Guelphes, moi Charles, j'ai désiré avoir ma sépulture sous ce monument, au milieu des statues qui représentent les physionomies de mes pères. Après tant de cruelles tempêtes du sort, la noble Genève m'a enfin donné le repos que rien ne troublera désormais. Puisse demeurer ici notre nom pendant la durée des siècles !"

Dans la lignée des grands cénotaphes néogothiques, Luisendenkmal de Schinkel à Berlin en 1911, l’Albert Memorial de Gilbert Scott à Londres en 1872, le Monument Brunswick correspond peu à l'esprit calviniste de Genève et sa tradition d'austérité. Très onéreux, 1 768 386 francs, son ostentation s'inscrit à rebours de la sobriété prônée par les Genevois. Mais l'aubaine d'une telle manne financière ne se refuse pas. La Ville accepte le legs. La fortune du duc de Brunswick finance des travaux d'urbanisme d'envergure durant plusieurs décennies. Les sommes permettent de construire une école d'horlogerie à Saint-Gervais, une école primaire aux Pâquis, le Grand Théâtre, les promenades du Bois de la Bâtie et de Saint-Jean, les abattoirs de la Jonction.








Inauguré en 1879, l'ouvrage manifeste rapidement des défauts de conception. Dès l'année suivante d'importantes dégradations obligent à restaurer la partie supérieure qui sera amputée dix années plus tard. La statue équestre en bronze est implantée, à cette occasion, en face de l'Hôtel Beau-Rivage. De 1971 à 1982, le Monument Brunswick fait l'objet d'une importante remise en beauté ainsi que le jardin où il se trouve et l'esplanade générale. L'ensemble est inscrit comme bien culturel suisse d'importance nationale. Une nouvelle restauration d'envergure est menée en 2002, pour un budget de 3,6 millions de francs suisses. 

Monument Brunswick
Jardin des Alpes - Quai du Mont-Blanc - 1201 Genève - Suisse



Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie.