Expo Ailleurs : Anker et l'enfance - Fondation Pierre Gianadda - Martigny - Suisse - Jusqu'au 30 juin 2024

Le petit chaperon rouge (1883) / Jeune fille avec panier dans les bois (1872) 


L'exposition "Anker et l'enfance" intervient près de vingt ans après la grande rétrospective à la Fondation Gianadda, alors première manifestation dédiée à Albert Anker (1831-1910) en Suisse romande depuis celle orchestrée au Musée d'art et d'histoire de Neuchâtel en 1910, année de sa disparition. En 2020, l'institution octodurienne présentait à l'occasion d'un événement exceptionnelle, la collection Christoph Blocher, plus important fonds Anker au monde, propriété de l'homme d'affaires et politicien suisse. Figure majeure de l'art helvète des trente dernières années du XIXème siècle, Albert Anker se distingue par la grande popularité d'un art néo-réaliste aux inflexions parfois presque impressionnistes. À Martigny, cent-vingt-huit oeuvres, aquarelles, tableaux, dessins, issues de collections publiques et privées, grandes institutions suisses, musées français et particuliers, sont réunies à la Fondation Gianadda, autour de sa thématique de prédilection, l'enfance, ses jeux, ses saynètes du quotidien. 

De 1848 à 1902, Albert Anker réalise près de cinq-cents oeuvres représentant des enfants sur les sept-cent-quatre-vingt-seize recensées au sein du catalogue raisonné du peintre, soit deux tiers de sa production. Matthias Frehner commissaire de l'exposition, spécialiste de l'art suisse, ancien directeur du Kunstmuseum de Berne souligne l'intérêt particulier d'Albert Anker pour la psychologie de ses petits modèles, leurs expressions, leurs comportements. Sous son pinceau, fillettes et petits garçons deviennent sujets et non plus objets comme les plus jeunes étaient jusqu'alors représentés. La scénographie de l'exposition "Anker et l'enfance" développée en huit chapitres illustre une fascination pour ce temps de l'innocence, instant suspendu et expérience universelle. Aux nombreux portraits d'enfants sont associés les grandes compositions historiques et les scènes de genre. 


La distribution de soupe (1859) / L'hospitalité. Soldats de l'armée de Bourbaki soignés
par des paysans suisses en 1871 (1871) / Les Polonais en exil (1868)

La sortie d'église (1863) / Le baptême (1864)

Le chemin des pèlerins (1889) / Le petit chaperon rouge (1883)
Jeune fille au panier dans les bois (1872)

Jeune fille malade (1871) / Le mège II (1881)

Enfant dormant (vers 1900) / Dans les bois (1865)
Deux fillettes endormies sur le fourneau (1895)

Au début des années 1850, le jeune Albert Anker, originaire d'Anet dans la région du Seeland, poursuit des études de théologie sous l'influence de sa famille qui souhaite le voir devenir pasteur. Il fréquente l'université de Berne, de Halle en Allemagne. Il pratique la peinture en amateur quand en 1853, il écrit à son père pour lui faire part de sa vocation artistique. Avec son accord, il abandonne la théologie pour rejoindre Paris. Albert Anker y fréquente l'atelier de Charles Gleyre (1806-1874), dont l'enseignement très technique le frustre. Il intègre les Beaux-Arts en 1855. À partir de 1860, Anker ouvre un atelier à Anet chez ses parents en Suisse tout en conservant son appartement parisien. Il épouse Anna Rüfli en 1864. Ils auront six enfants, parmi lesquels deux meurent en bas-âge, une expérience du deuil marquante pour ce père attentionné. 

Sous le Second Empire, Albert Anker rencontre un certain succès au Salon de Paris. Napoléon III fait l'acquisition de deux oeuvres médaillées d'or, "La sortie d'église" (1863) et "Dans les bois" (1865), grandes toiles conservées au musée de Laon et au musée de Lille, prêtée à la fondation. Anker ne renonce à son atelier parisien qu'en 1890.


Pestalozzi et les orphelins unterwaldois à Morat ou
Enfants des petits cantons en 1798 (1876)
Heinrich Pestalozzi et les orphelins de Stans (1870)

Les petits commissionnaires dans la neige (1901)
L'ours de neige (1873) / Jeune fille donnant de la graine aux poules (à midi) (1865)

Les petits commissionnaires dans la neige (1901)

La petite amie (1862) / L'enterrement d'un enfant (1863)
La petite amie (1862)

Ruedi Anker sur son lit de mort (1869)

La peinture d'Albert Anker témoigne de l'époque et de sa région d'origine telle qu'il l'idéalise. Sa représentation de la vie paysanne, monde en voie de disparition au moment où peint Anker, tend vers la pure description. Il refuse de politiser son oeuvre ou de développer un commentaire sociétal. Sa démarche s'inscrit dans une neutralité bienveillante, exempte de toute dénonciation des conditions difficiles. 

Portraits individuels, scènes d'extérieur, scènes d'intérieur en famille, crédibles dans les moindres détails traduisent une grande tendresse. Albert Anker s'attache à capturer l'instant, sieste, une soirée au coin du feu, une partie de domino, un cours de gymnastique, une baignade. Les compositions empreintes de bons sentiments entretiennent la nostalgie douce une vie plus simple, une candeur et une fraîcheur qui appartiennent au temps de l'enfance. 


La gymnastique (1879) / Les catéchumènes de Müntschemier (1901)

Les gamins qui se baignent à l'ancien Crêt (1888)

Grand-mère tricotant avec sa petite-fille (1875) / Le dimanche après-midi (1862)
Les premiers pas (1888)

Portrait d'une jeune femme de profil (1860) / Les petites brodeuses (1875)
Gamin faisant des bulles de savon (1873) / Jeune fille se coiffant (1887)

Portrait d'une jeune fille (1886)

L'exposition "Anker et l'enfance" rend compte du processus créatif de l'artiste à travers un important corpus d'oeuvres sur papier, esquisses, grands dessins préparatoires qui côtoient les tableaux finalisés. La maîtrise technique et la sensibilité s'y expriment dans une précision, un sens rare du détail réaliste, de l'observation. Le jeu, l'étude, le travail, les modèles posent. Pour Anker, la préparation, la mise en scène sont des artifices nécessaires afin de rendre compte de sa vision cristallisée. 

D'un tableau à l'autre, les mêmes visages se retrouvent, les enfants se reconnaissent. Anker entretient des relations chaleureuses avec ses petits modèles. S'il revendique une dimension documentaire, ces saynètes bucoliques n'illustrent pourtant une réalité en cours, la mutation de la région sous l'influence de l'industrialisation. Les parents sont absents, au travail. Les enfants demeurent sous la surveillance de leurs aînés ou de leurs grands-parents. 


Louis Anker tenant sa poupée (1867) / La crèche II (1894)
Fillette à la poupée (1880) / Le petit musicien (1873)

Le premier sourire d'un enfant (1885) / La sieste (1879)

Le jeu de berceau (1872) / Jeune fille tenant deux chats (1888)

Garçon écrivant (1883) / Le petit dessinateur (1890)

Les vendanges (1865) / L'école en promenade (1872)

En 1901, victime d'une attaque cérébrale, Albert Anker se trouve paralyser temporairement de la main droite. Durant les premiers temps, désireux de poursuivre son oeuvre, il choisit le confort de l'aquarelle. Les séquelles s'atténuent mais demeure une certaine invalidité. Désormais Anker se recentre sur les petits formats et les scènes intimes, sur lesquelles s'achèvent l'exposition de la Fondation Pierre Gianadda

Anker et l'enfance 
Jusqu'au 30 juin 2024

59 rue du Forum - 1920 Martigny - Suisse
Tél : +41 27 722 39 78
Horaires : Ouvert tous les jours - De juin à novembre de 9 h à 19 h - De novembre à juin de 10 h à 18 h



Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie.