Paris : Rue des Immeubles Industriels, un lotissement homogène du XIXème siècle associant ateliers industriels et logements ouvriers - XIème

 

La rue des Immeubles Industriels, dans le quartier Sainte-Marguerite, relie le boulevard Voltaire au faubourg Saint-Antoine. Ouverte en 1873 sous le nom de rue de l'Industrie-Saint-Antoine, elle se distingue par l'ensemble homogène qui la constitue sur le modèle des cités ouvrières autonomes. Le lotissement associe dans un même volume, ateliers et logements. Il est développé sur les plans de l'architecte Émile Leménil (1832-1923), élève d'Hippolyte Lebas, pour le compte de la Compagnie anonyme des immeubles industriels du Faubourg Saint-Antoine. Aux abords du Faubourg Saint Antoine, fief de l'industrie du meuble, les deux-cents-trente ateliers accueillent artisans et ouvriers spécialistes du bois. La voie devient rue des Immeubles Industriels en 1877. Le projet est primé lors de l'Exposition Universelle de 1878.  Le lotissement n'a pas subi de transformations depuis sa création. Les façades identiques, brique, pierre et verre, rythmées par des colonnes de fonte, ont été préservées. Les grandes baies vitrées cintrées scandent le premier étage de toute la rue. L'ensemble a été inscrit au titre des Monuments historiques par arrêté du 23 juillet 1992.

La réalisation la rue des Immeubles Industriels a été rendue possible grâce à l'intervention de l'industriel philanthrope Jean-François Cail (1804-1871). Acteur majeur de la première révolution industrielle en France, il devient le premier fabricant mondial de matériel pour les sucreries. Il diversifie sa production dans le domaine de la construction métallique, avec des locomotives, des voies ferrées, des ponts, des structures modernes destinées aux immeubles. D'origines modestes, Jean-François Cail demeure toute sa vie sensible à la cause des ouvriers. Il créé au sein de ses entreprises des caisses de sécurité sociale. Dans le cadre de ses projets d'amélioration de l'habitat ouvrier, il finance la construction d'habitations au confort moderne. À Paris, il fait édifier trente-et-un immeubles pour loger ses ouvriers ainsi que des crèches, des écoles et un théâtre, l'actuel Théâtre des Bouffes du Nord.

La conception de la rue des Immeubles Industriels embrasse l'esprit des communautés socialistes utopiques. Elle s'inspire notamment des écrits de Charles Fourier (1772-1837), idéal d'organisation sociale constituée autour d'un ensemble de bâtiments à usage communautaire, socle d'un nouvel État. Fruit de la rationalisation, la rue des Immeubles Industriels illustre la réflexion menée sur l'organisation de la production, la concentration de l'activité et l'amélioration des conditions de vie des travailleurs. Elle associe ateliers et logements ouvriers avec des habitations dotées de toute le confort moderne, eau courante chaude et froide, électricité, gaz. 

La rue des Immeubles Industriels, constituée de dix-neuf bâtiments édifiés en série, abrite jusqu'à deux-mille personnes. Construit entre 1872 et 1873, le lotissement complet, projet économique et social, inclut toute la rue des Immeubles Industriels ainsi que le 76 rue de Montreuil, les numéros 262 à 266 boulevard Voltaire ainsi que les 307 et 309 rue du Faubourg-Saint-Antoine. Les édifices dupliqués sur un seul modèle répondent aux critères modernes de confort, constructions sobres et fonctionnelles. 

Les ateliers occupent l'entresol, le rez-de-chaussée et le premier étage. Les logements ouvriers, les niveaux supérieurs. Une machine à vapeur de deux-cent chevaux, conçue par la Société JF Cail & Cie implantée au deuxième sous-sol sous la rue fournit l'énergie de tout l'ensemble. Celle-ci est distribuée aux deux-cents-trente ateliers et aux logements, par un réseau accessible depuis un tunnel, assurant une autonomie énergétique d'une modernité troublante.

À partir des années 1930, les immigrés juifs polonais transforment les ateliers d'ébénistes en ateliers de confection. Durant la Seconde Guerre Mondiale, les habitants de la rue des Immeubles Industriels, hommes, femmes, enfants, sont presque tous arrêtés lors de la Rafle du Vél d'Hiv (16-17 juillet 1942) et déportés vers le camp d'extermination nazi d'Auschwitz. Une plaque au numéro 1, indique le domicile du résistant Marcel Rayman (1923-1944), fusillé par l'Occupant au Mont Valérien. Au numéro 12, se trouvait celui de la résistante Régine Lemberger dite Stefa Skurnik (1917-2014).

Rue des Immeubles Industriels 

Accès 307-309 rue du Faubourg-Saint-Antoine / 262-264 boulevard Voltaire - Paris 11

Métro Nation lignes 1, 2, 6, 9

Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie. 

Bibliographie

Base Mérimée

Le Monde

Le guide du patrimoine Paris - sous la direction de Jean-Marie Pérouse de Montclos - Éditions Hachette

Connaissance du Vieux Paris - Jacques Hillairet - Éditions Rivage

Le guide du promeneur 11è arrondissement - Denis Michel et Dominique Renou - Éditions Parigramme

Architecture industrielle. Paris et alentours - Marie-Françoise Laborde - Éditions Parigramme