Expo Ailleurs : Christian Jaccard. Une collection - Musée Fabre - Montpellier - Jusqu'au 21 avril 2024

Polyptique (1994) / Polyptyque / Tondo BRN 04 (1991)

"Christian Jaccard. Une collection", au Musée Fabre de Montpellier, réunit un ensemble d'oeuvres, conçues entre 1970 et 2017, par l'artiste franco-suisse né en 1939, proche du mouvement Supports / Surfaces. Le corpus d'une quarantaine de pièces représentatives, témoigne des grandes étapes de sa recherche plastique. Ce panorama de périodes et de médiums - sculptures, toiles, dessins et film - rend compte de la complexité et de la diversité d'une pratique artistique. L'accrochage au sein des collections permanentes du Musée Fabre vient éclairer la politique d'acquisition de l'institution qui s'attache à constituer un fonds de référence autour des artistes de la deuxième moitié du XXème siècle. Artiste prolifique, Christian Jaccard, qui vit et travaille entre Paris et Saint Jean du Gard, a permis la constitution d'un fonds dédié à son travail grâce, en 2021, à une importante donation au Musée Fabre.

Depuis plus d'un demi-siècle, Christian Jaccard développe des rituels créatifs selon le double principe de nouage et de calcination. Il remet en question la pratique traditionnelle en revendiquant une démarche picturale sans pinceau ni peinture, dans la lignée du savoir-faire manuel. Sa technique de combustion avec mèche lente ouvre la voie à l'accident, à l'imprévisible, création par le feu, pyrotechnie artistique. Il tente de maîtriser un processus qui laisse place à l'aléatoire et dont les traces résiduelles forment oeuvre. Transmutation de la matière, le hasard et la construction, l'immatériel et l'objet s'associent dans un résultat concret inscrit dans une dimension mémorielle. Christian Jaccard tend à capturer la trace de l'éphémère, inscrit dans la matière la fugacité du moment. Le médium conserve les stigmates de l'énergie qui se propage et transforme les éléments au gré des caprices du hasard. L'artiste met en scène les forces contradictoires, la dynamique originelle de création, destruction, mutation. L'axe sculptural de son oeuvre procède de ses recherches picturales par la conservation des nœuds accumulés. 


Garden party concept, les outils du jardin (1994-95)
Bâche blanche calcinée (1982)

Garden party concept, les outils du jardin (1994-95)

Anonyme calciné (1981)

Le délassement du peintre (2017) / Couple noeuds sauvages (2003)

Couple noeuds sauvages et entrelacs (2006)

Durant son enfance, Christian Jaccard collectionne les fossiles, les traces laissées par des créatures et des végétaux disparus. En compagnie des Scouts de France, il apprend la maîtrise du feu et s'essaie aux différents types de noeuds. À Bourges, il suit l'enseignement du peintre René Perrot et du sculpteur Marcel Gil. Dès la fin des années 1950, il s'intéresse aux techniques de reproduction, d'impression, de duplication et de transfert aux côtés de Pierre Bichet. Lors d'une promenade, Christian Jaccard trouve dans une carrière un morceau de mèche lente, utilisée pour les explosifs. La découverte est décisive. Dès lors, il s'attache à faire brûler des mèches nouées sur des toiles, susceptible enflammées de produire d'infinies variations. Il cherche par ce biais à conserver l'empreinte et l'énergie du feu. 

Christian Jaccard travaille selon un principe de répétition du geste simple, empreinte, roulage, biffure, qui donne des résultats très variés. Multiplication des techniques de brûlage, son protocole d'expérimentation ludique sur toile, bois, fer, procède de la diffusion de l'énergie, la propagation et l'imprégnation jusqu'à l'usure, la perte de matière. Les empreintes de l'élément calciné sur la surface se lisent à l'instar d'instantanés capturant la transition des états, l'évolution de la forme et de la matière même. Christian Jaccard élabore le "concept supranodal", accumulation de nœuds. Dans l'Atrium Richier du Musée Fabre, l'installation "Garden Party, les outils du jardin" rend compte de cette recherche, objets de jardinage - brouette, râteau, arrosoir - recouverts intégralement de nœuds de coton. "Le délassement du peintre" aligne les outils classiques du peintre qui ont subi le même traitement. 

Le tableau "Anonyme calciné" (1981) appartient à une série qui s'inscrit dans le principe du détournement. Dans des brocantes, des vide-greniers, Christian Jaccard chine des toiles anonymes qu'il transforme par le feu. La toute première a été trouvée abandonnée dans la rue. Il biffe, scarifie par la brûlure et marque de traits réguliers la matière délitée offrant une seconde vie à ces tableaux destinés à l'oubli.



Empreinte polychrome (1970) / Couple toile outil (1975) / Toile calcinée polychrome (1976)
Conditionnement fibrogène (1970) / Couple toile outil calciné (1972

Conditionnement fibrogène (1970) / Couple toile outil calciné (1972)

Polyptyque (1999) / Polyptyque (1994) / 

Polyptyque / Tondo BRN 04 (1991)

Polyptyque (1994)


Le parcours de l'exposition "Christian Jaccard. Une collection" se prolonge au premier étage. La présentation chronologique, sur quatre salles, éclaire l'évolution de sa pratique. Les premiers essais de calcination, les tentatives préliminaires de "Toile et outil", les "nouages sauvages" exemptes de codification, de restriction illustrent les effets imprévisibles des rituels pratiqués, la part de hasard du processus créatif imaginé par Christian Jaccard. Il ne se contraint pas à reproduire des motifs particuliers, embrassant les incertitudes du résultat. Les mèches à combustion lente, outils de prédilection, marquent la matière qui conserve la mémoire d'une dynamique alchimique. 

De 1963 à 1975, il exerce le métier de graveur chromiste au sein d'une imprimerie de typographie et s'intéresse particulièrement au processus d'imprégnation. À partir de 1973, ses tableaux traduisent un goût pour la couleur tandis. Pour la série "Conditionnement fibrogène", il emprunte des techniques de reproduction de l'imprimerie et jette des marques d'encre, empreintes polychromes sur toiles, papiers froissés, fibres textiles. Les polyptyques à effet de répétition reprennent ces principes de multiplication du motif. Le couple toile-outil présenté côte à côte permet d'associer visuellement les oeuvres finales et les objets dont la combustion engendre les formes, cordes, ficelles, noeuds promis à la calcination. 





Sans titre (1983) / Bellona (1984) / Burn cut paper (1986)




Christian Jaccard renouvelle sans cesse sa pratique, les supports comme les instruments de son art. Il réalise une série d'œuvres sur bois et sur métal par inflammation de gel thermique, dont la combustion génère de la vapeur d'eau. Celle-ci entraîne une forme d'oxydation sur la matière dont il cherche à maîtriser la propagation en utilisant des vernis, à l'instar de "Tondo BRN 04" dont le rouge évoque l'éruption du Vésuve, spectacle fascinant découvert lors d'un voyage en Italie en 1984.

En 2021 Christian Jaccard offre vingt-quatre dessins au Musée Fabre. Les deux dernières salles de l'exposition sont consacrées au support papier. Par le biais de la combustion à la mèche lente, Christian Jaccard travaille les hasards les hasards sur papier d'Arches, du Japon, Canson, Bristol, vélin de Rives. Il obtient un nouveau répertoire graphique, nuances de brun, dessins de fumée noire, effets de barbelés. 

Christian Jaccard. Une collection
Jusqu'au 21 avril 2024

Commissaires d'exposition
Michel Hilaire, conservateur général du patrimoine et directeur du Musée Fabre
Maud Marron-Wojewodzki conservatrice du patrimoine, responsables des collections modernes et contemporaines du Musée Fabre 

39 boulevard Bonne Nouvelle - 34000 Montpellier 
Tél : +33 (0)4 67 14 83 00
Horaires : Du mardi au dimanche de 10h à 18h - Fermé le lundi



Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie.