Lundi Librairie : Qui a écrit Trixie ? - William Caine - Editions Aux Feuillantines - Collection Dans la bibliothèque de... Vladimir Nabokov



Londres, 1925. Le très respectable archidiacre Samson Roach s'adonne en toute discrétion à son violon d'Ingres, l'écriture. Il a écrit un roman sentimental un peu leste sans être tout à fait scabreux. Désireux d'être publié tout en préservant sa probité de figure du clergé, il décide de se trouver un prête-nom, de dissimuler son identité. Pour ne pas compromettre ses ambitions épiscopales, son élévation au statut d'évêque, il propose un marché à Bisham Dunkle, poète qu'il méprise, fiancé de sa fille Chloé, jeune femme moderne au caractère bien trempé. Il accepte mais demande en échange que Samson Roach autorise son mariage avec Chloé, lui accorde une pension de 700 livres par an et cède ses droits d'auteur. Le roman "Trixie" reçoit un accueil critique et public inattendu. Crédité du succès de son beau-père, Dunkle profite de cette bonne fortune, désormais riche et célèbre. Mais bientôt éditeur et public réclament un deuxième opus. Sous couvert d'accepter tous les caprices de Roach, Chloé et Bisham obtiennent qu'il écrive un nouveau roman. L'archidiacre compte bien revendiquer la paternité de son oeuvre. Les jeunes intrigants envisagent de subtiliser le manuscrit.

La nouvelle maison d'édition Aux Feuillantines, beau nom emprunté à Victor Hugo, rend hommage à William Caine (1873-1925), écrivain aujourd'hui méconnu et pourtant fort apprécié de Vladimir Nabokov (1899-1977). "Qui a écrit Trixie" (1924), Mentionné dans "La vraie vie de Sebastian Knight" (1941), se retrouve sur l'étagère du principal protagoniste aux côtés de classiques tels que "Madame Bovary", "Hamlet", " Docteur Jekyll et Mr Hyde", "Alice au pays des merveilles"... Traduit pour la première fois ici en français par Hervé Lavergne, le texte inédit trouve tout naturellement sa place au sein de la collection "Dans la bibliothèque de...". Celle-ci s'attache à faire redécouvrir au grand public des textes rares mais accessibles, autant de pépites sources d'inspiration des plus grands auteurs, aimables curiosités retombées dans l'oubli malgré l'influence exercée auprès de leurs contemporains. 

"Qui a écrit Trixie", délicieuse capsule temporelle, oeuvre légère à l'humour acide, se révèle remède souverain à la morosité. William Caine emprunte la posture d'amuseur caustique pour mieux livrer une critique acide de l'Angleterre de l'entre-deux-guerres. William Caine saisit avec acuité les ambivalences d'un monde sur le point de basculer, atmosphère de frivolité et d'hypocrite pudibonderie. Il manie la satire avec virtuosité. Ton sardonique doublé d'une ironie assassine, il dévoue son verbe acéré au service d'une causticité toute britannique dans la lignée d'Evelyn Waugh ou Somerset Maugham. Plume acérée, il se livre volontiers au "non-sense" so british. Le récit flirte volontiers avec l'absurde. 

L'auteur dresse un tableau piquant des excentricités de la gentry anglaise, sans jamais épargner ses personnages, empêtrés dans des problèmes bien insignifiants à l'aube de la Seconde Guerre Mondiale. Roués, manipulateurs, têtes de linotte, scélérats, comploteurs, mais pour autant soucieux de se trouver une position, de paraître convenables, ils se déchirent, rivalisent de coups bas, de méchanceté assumée, symboles de la déliquescence sociétale. William Caine manifeste un goût certain de la théâtralité, art de la scène et des situations. Grinçant, savoureux, irrésistible de drôlerie et de mauvais esprit.

Qui a écrit Trixie ? - William Caine - Traduction Hervé Lavergne - Préface d'Olivier Barrot - Éditions Aux Feuillantines 



Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie.