Paris : Marché d'Aligre Marché Beauvau, les halles classées du Faubourg Saint Antoine, repaire haut en couleur des adeptes de la bistronomie - XIIème

 

Le Marché Beauvau ou Marché d'Aligre, l'un des plus anciens de Paris, l'un des plus populaires, accueille les visiteurs six jours par semaine. À la structure couverte édifiée en 1843, vaste de 2000m2, s'ajoute un marché découvert sur la place d'Aligre. La halle est inscrite au titre des Monuments historiques par arrêté du 8 mars 1982. Repaire des adeptes de la bistronomie, les étals plantureux y rivalisent de couleurs, de parfums. L'atmosphère conviviale nourrit une animation chaleureuse, véritable vie de quartier. Les marchands historiques font recette, "Le Poisson d'Aligre", la poissonnerie de Patrick Dubuisson spécialiste poisson de ligne ou de pleine mer, côtoie "Au Chapon d'Aligre", tripier volailler, maison créée en 1948, gérée depuis 2022 par Cédric Gidel. Paul Vautrin tient l'épicerie fine "Sur les quais". Ingénieur de formation, il imagine des contenants originaux pour conserver épices, huiles, condiments. Au Café Aouba, la famille Cluizel, torréfacteurs depuis 1938, entretient la tradition. La Graineterie du marché de José Ferré propose graines à planter ou à manger. Non loin, Corossol restaurant et traiteur créole régale les gourmands. Si les commerces de bouche tiennent le haut du pavé, fleuristes, brocanteurs et bouquinistes remportent également un franc-succès.








Aux portes de Paris, le premier marché officiel du Faubourg Saint Antoine voit le jour sous Louis XIII, en face de l'abbaye Saint Antoine, le long de l'artère principale. La mesure a pour objectif de réglementer et de gérer le commerce sauvage de denrées alimentaires. Ce dernier toléré a pris de l'envergure avec le passage des maraîchers venus de Saint-Mandé et Nogent en chemin vers les Halles de Paris. Les producteurs ont pris l'habitude de faire halte aux abords de la ville et d'installer des étals. En 1643, Louis XIII officialise le marché par lettres patentes. Mais le marché doté d'espace boucherie se révèle rapidement insuffisant.

Au XVIIIème siècle, le Faubourg Saint Antoine prend de l'ampleur avec l'expansion de la population. Il se développe grâce à l'artisanat lié aux métiers du meuble. Ébénistes, tapissiers, laqueurs viennent s'installer avec leurs familles. Le marché, coeur d'un quartier ouvrier animé, cause un encombrement considérable sur la chaussée. Afin de soutenir le projet de nouvelles halles couvertes à l'écart de la circulation, l'abbaye de Saint-Antoine-des-Champs vend en avril 1776 des terrains à un promoteur, l'avocat Jean-François Chomel de Céréville. S'y ajoute les parcelles libérées par la destruction de l'Hôtel Gournay et ses dépendances entre le 93 rue de Charenton et la future rue Trouvé.








En 1777 l'abbesse obtient l'autorisation par lettres patentes royales de construire un marché à l'écart de la circulation. L'architecte Samson Nicolas Lenoir dit Le Romain (1733-1810), également promoteur, se voit confier la restructuration du quartier dont le plan est établi en 1778. Cinq nouvelles rues sont percées autour d'une place sur laquelle doivent s'élever les halles à venir. La rue de Cotte rend hommage à Jules-François de Cotte (1721-1810), président du Grand Conseil sous le règne de Louis XVI. La rue Beauvau, actuelle rue Beccaria, est baptisée en l'honneur de l'abbesse de Saint Antoine, Gabrielle-Charlotte de Beauvau-Craon. La rue Lenoir fait référence au lieutenant général de police Jean-Charles Lenoir (1732-1807) et la rue Trouvé à l'Hospice des Enfants Trouvés à l'emplacement de l'actuel square Trousseau. La rue d'Aligre, en l'honneur du chancelier Etienne d'Aligre (1592-1677) et son épouse Geneviève L'Huillier (1607- 1685), philanthropes, bienfaiteurs de l'orphelinat voisin.

Les travaux des deux nouvelles halles débutent en 1779. Le Marché Beauvau Saint Antoine est inauguré le 5 avril 1781. À la volonté de regroupement de la vente des denrées alimentaires s'ajoute une interdiction de déployer les marchandises hors des halles couvertes. Malgré les commodités variées, les commerçants boudent les infrastructures et n'investissent pas les espaces. Ils préfèrent conserver leurs étals sauvages. Des tensions naissent entre l'abbesse qui compte sur les forces de l'ordre pour imposer les directives notamment l'obligation l'installation des marchands et Crespy le commissaire au Châtelet de 1750 à 1786. Sous la Révolution les deux halles sont transformés en grenier à fourrage. Les bâtiments vétustes sont démolis et reconstruits en 1811. En 1843, la municipalité, gérante du marché Beauvau, envisage d'agrandir le marché couvert. Le chantier est confié à Marc-Gabriel Jolivet (1793-1870), architecte de la Ville de Paris. 








La population du Faubourg Saint Antoine s'accroit jusqu'à attendre les 300 000 en 1880, le marché de détails se trouve à l'étroit, un marché alternatif pour la vente en gros est créé, le deuxième le plus important après les Halles. La multiplication des étals entre le marché couvert et les commerces des rues adjacentes déclenche un tel engorgement que les accidents se multiplient, jusqu'à cent-quatre-vingt par an, provocant dégâts matériels, devantures enfoncées, blessures diverses. La municipalité décide d'agrandir le marché de plein air de la place d'Aligre. Le bâtiment à campanile en face du marché couvert, jusqu'alors logement de l'inspecteur des poids publics, est amputé de ses deux ailes pour ne laisser que le corps central. Désormais, il entretient des allures de chapelle autour de laquelle s'organise le marché à découvert.

Dans la nuit du 6 juillet 2015, un incendie accidentel ravage une partie du bâtiment classée aux Monuments historiques en 1982.

Marché Beauvau Marché d'Aligre
rue et place d'Aligre - Paris 12
Tarifs & Horaires : Accès libre et gratuit
Marché couvert : mardi-vendredi 9h-13h et 16h-19h30, samedi 9h-13h et 15h30-19h30, dimanche 9h-13h30
Marché découvert : mardi-vendredi 7h30-13h30, samedi-dimanche 7h30-14h30
Métro Ledru Rollin ligne 8



Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie. 

Bibliographie
Le guide du promeneur 12è arrondissement - Danielle Chadych - Parigramme
Dictionnaire historique des rues de Paris - Jacques Hillairet - Éditions de Minuit