Paris : Maison des Métallos, hôtel industriel de la fin du XIXème siècle, ancienne manufacture d'instruments de musique, haut lieu du syndicalisme et désormais centre culturel pluridisciplinaire - XIème

 

La Maison des Métallos, au 94 rue Jean-Pierre Timbaud, témoigne des riches heures ouvrières du Bas Belleville. Cet ancien hôtel industriel typique de la fin du XIXème siècle, propriété de la Ville de Paris depuis 2001, est devenu aujourd'hui un centre culturel dédié au spectacle vivant. À l'origine manufacture d'instruments de musique dont le portail d'entrée orné d'une lyre conserve la trace, haut lieu du syndicalisme à partir de 1936, l'ensemble des pavillons entretiennent la mémoire d'une ville aujourd'hui disparue sous les bulldozers des promoteurs et autres spéculateurs immobiliers. 








En 1881, Pierre-Louis Gautron (1812-1882), facteur d'instruments de musique devenu industriel, acquiert des terrains rue d'Angoulême, future rue Jean-Pierre Timbaud, afin d'y édifier le nouveau siège social de son entreprise et une fabrique d'envergure. Le chantier débute sous la houlette de l'architecte Nanteuille fils en 1881 pour s'achever en 1883. Composition représentative des hôtels industriels de la fin du XIXème siècle, le même site doté d'une seule entrée regroupe espaces de travail, les ateliers et les logements ouvriers. La conception des six bâtiments s'apparente au principe des cités ouvrières. Plan en U, les pavillons sont distribués autour d'une allée centrale. En fond de parcelle, se dresse une halle sous verrière, de style Polonceau vaste de 680m2. La vente des instruments fabriqués en arrière-cour se tient au rez-de-chaussée sur rue. Au décès de Pierre-Louis Gautron, en 1882, son gendre Amédée Couesnon reprend la tête de l'entreprise qui devient « Couesnon, Gautrot et Cie », puis « Couesnon & Cie » en 1888. En 1999, la société PGM la rachète pour former PGM Couesnon.

En août 1936, au lendemain des grèves du Front Populaire, l'UFM - Union Fraternelle des Métallurgistes - affiliée à la CGT rachète les locaux industriels. Le syndicat les destine à leur activité, salles de réunion et divers services. La Maison des Métallurgistes est inagurée le 2 mai 1937. Elle réunit un Centre de formation agréé par le Ministre du Travail, un bureau de placement, un service juridique, une caisse primaire d'assurance et mutuelles des métallurgistes, deux boutiques sur rue affectée l'une à une librairie-bibliothèque, l'autre à un dispensaire, où sont notamment dispensés les premiers cours d'accouchement sans douleur. Elle accueille également un centre d'enrôlement des volontaires désirant s'engager dans les Brigades internationales pour se battre au côté des républicains contre les rebelles nationalistes de Franco entre 1936 et 1938.








La Maison des Métallurgistes devient la base du colonel Henri Rol-Tanguy (1908-2002), militant communiste français, membre dirigeant de la Résistance. Chef des FTP-FFI, il mène la Libération de Paris de l'intérieur avant l'arrivée de la 2ème division blindée du général Leclerc. En 1945, la rue d'Angoulême devient rue Jean-Pierre Timbaud en hommage du syndicaliste français appartenant à la Confédération générale du travail, fusillé par les Nazis en 1941. L'UFM donne le nom des militants assassinés durant la guerre aux différentes salles de la Maison des Métallurgistes.

À la fin des années 1990, les bâtiments vétustes sont délaissés du fait de la diminution de l'activité syndicale. L'UFM ne conserve que l'aile droite soit 850m2 de l'ensemble. En 2000, la CGT signe une promesse de vente avec le promoteur immobilier Finadev afin de régler le sort des locaux inoccupés. Il est question de démolir les pavillons et la grande halle afin de construire de nouveaux logements. Les associations de quartier, le comité de la Maison des Métallos, Onze de Pique, s'émeuvent du sort de patrimoine mémoriel en danger. Soutenues par l'UFM, elles se mobilisent afin d'obtenir une protection au titre des Monuments historiques et interrompre les projets du spéculateur. La Commission régionale du Patrimoine et de l'Architecture confirme l'intérêt patrimonial et historique de la Maison des Métallos. L'inscription partielle à l'inventaire des Monuments historiques par arrêté du 18 février 2000 protège les façades et les toitures.  








En juillet 2001, la Mairie de Paris se porte acquéreur pour la somme de 19 millions de francs. En charge de la réhabilitation, Vincent Brossy, architecte spécialiste du patrimoine industriel mène la transformation de l'ancienne Maison des Métallurgistes en lieu culturel pluridisciplinaire. La remarquable structure originelle de la halle industrielle - charpente métallique au système de ferme Polonceau, colonnes en fonte, chapiteaux, équerres ouvragées - est démontée afin de créer la salle polyvalente en sous-sol puis réassemblée à l'identique. La Maison des Métallos ouvre au public en 2007. En février 2009 la cour intérieure devient "Cour des Brigades Internationales". 

Maison des Métallos 
94 rue Jean-Pierre Timbaud - Paris 11
Site ouvert au public du mardi au vendredi de 13h à 19h et le samedi de 15h à 18h, et les soirs et weekends en fonction de la programmation
Métro Couronnes ligne 2



Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie.

Bibliographie
Connaissance du Vieux Paris - Jacques Hillairet - Éditions Rivage
Le guide du promeneur 11è arrondissement - Denis Michel et Dominique Renou - Éditions Parigramme
La maison des métallos et le bas Belleville : histoire et patrimoine industriel à Paris - De Juliette Barbier, Thomas Le Roux - Éditions Creaphis