L'ancienne usine Spring Court, au 5 impasse Piver dans le XIème arrondissement, ne produit plus la célèbre petite tennis blanche, créée en 1936 par Georges Grimmeisen. Elle demeure néanmoins le siège social de la société Th. Grimmeisen. Reprise en main par la famille des fondateurs depuis 2015, la marque trouve une nouvelle jeunesse sous la houlette des héritières, Théodora, Laura et Florence Grimmeisen, également nues-propriétaires de l'ensemble immobilier. Au fond de l'impasse, une porte monumentale ouvre sur un espace sous verrière où se trouve encore les éléments de l'ancienne plateforme de pesage des marchandises. Les bâtiments de bois et métal sur les côtés, élevés à la fin du XIXème siècle, mènent à une grande cour. En fond de parcelle, les édifices de brique blanche, reconstruits à la suite d'un incendie dévastateur, datent des années 1930. Au fronton de l'entrée principale, un linteau annonce "Société Th. Grimmeisen".
En 1870, Théodore Grimmeisen, tonnelier alsacien, quitte sa région natale annexée par la Prusse et s'exile à Paris. Il fait l'acquisition de terrains à Belleville afin d'y construire une fabrique de tonneaux. La famille Grimmeisen exploite le potentiel du caoutchouc, un nouveau matériau en provenance des colonies françaises, notamment pour l'étanchéité des tonneaux. L'entreprise diversifie rapidement sa production autour de cette matière innovante : bouchons en caoutchouc, lanternes pour l'éclairage public, pièces détachées pour les automobiles capots, radiateurs et réservoirs. Dès 1912, l'usine conçoit ses premières chaussures et rencontre le succès grâce à cette nouvelle orientation. La famille fonde officiellement la société Th. Grimmeisen en 1917.
Georges Grimmensein, petit-fils de Théodore, invente la botte Colibri en 1930. Cette botte en caoutchouc moulée d'un seul tenant grâce au démoulage à air comprimé concurrence les productions de la marque Aigle. Amateur de tennis, Georges créé, en 1936, la G2 Spring Court, chaussure de sport en toile de coton tissée serrée mais respirante, sur une semelle de caoutchouc vulcanisé. Révolution technique, idéale sur terre battue, elle est adoptée par les joueurs de tennis star de Roland Garros, Ilie Nastase, Françoise Dürr, Rod Laver. Georges disparaît en 1956. Son frère Théodore Louis demeure seul à la tête de l'entreprise familiale jusque dans les années 1980.
Dans les années 1960, les stars de la musique s'emparent de la petite basket blanche. John Lennon porte une paire de Spring Court sur la pochette de l'album "Abbey road" et lors de son mariage avec Yoko Ono. Serge Gainsbourg, en 1984, devient égérie de la marque à l'occasion d'une campagne de publicité. Mais Spring Court connait un déclin progressif dès la fin des années 1970. La marque qui revendique une identité française, un patrimoine, une authenticité ne séduit plus. La G2 est supplantée au pied des branchés par la Stan Smith d'Adidas et la Chuck Taylor de Converse.
En 1984, l'usine bellevilloise cesse sa production qui est délocalisée en Thaïlande. Spring Court passe sous licence. La marque est exploitée par des franchisés tout au long des années 1990, puis passe aux mains de Jean-Baptiste Ratureau, propriétaire de la marque Free Lance jusqu'en 2011 et enfin le groupe Royer.
L'ancienne usine Spring Court de l'impasse Piver s'engage dans une nouvelle voie et trouve une vocation alternative. Au cours de la réhabilitation des édifices, certains étages sont supprimés afin d'augmenter les volumes, les espaces sont décloisonnés. La famille Grimmeisen, toujours propriétaire, impulse une nouvelle vie à ces bâtiments industriels. Ce pôle créatif alternatif réunit des agences photographiques, des médias, des studios de design ou architecture, des labels de musique. L'agence Magnum y réside durant neuf ans. S'y trouvent aussi un temps les bureaux parisiens de la marque suédoise d'appareils photographiques Hasselblad utilisés entre 1969 et 1972 par les astronautes de la Nasa, une société de production audiovisuelle, de production cinématographique, une maison d'édition de bande-dessinée, une agence d'architecte, un label de musique, l’Espace Nikon et la Nikon School. Aujourd'hui, la tradition photographie perdure avec les Studios de l'usine, espace à louer pour des shootings.
En 2015, la famille Grimmeisen reprend les rênes de la marque Spring Court. Théodore le fils de Georges, et ses trois filles, Théodora, Laura et Florence envisagent une relève plus engagée, la modernisation de la philosophie, une production plus écologique mais aussi plus responsable sur le plan social.
Usine Spring Court
5 impasse Piver - Paris 11
Métro Goncourt ligne 11
Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie.
Bibliographie
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