Paris : Église Saint Eugène Sainte Cécile, esthétique gothique et structure métallique pour un ouvrage innovant édifié sous le Second Empire - IXème

 

L'église Saint Eugène Sainte Cécile associe une structure métallique, ossature de fonte et de fer autoportée, peu coûteuse, à une enveloppe de pierre de style néo-gothique. Édifiée en vingt mois, du 6 mars 1854 au 9 décembre 1855, dans l'urgence et à l'économie, elle est, en son temps, admirée pour l'inventivité de sa structure, mais fustigée pour son historicisme.  Tour à tour qualifié de pastiche ou de réinvention, l'église Saint Eugène Sainte Cécile témoigne de la première utilisation d'une charpente métallique dans le cadre d'un édifice religieux, technique alors déjà répandue dans l'architecture civile. Espace, lumière et polychromie caractérisent ce lieu de culte à l'esthétique marquée d'historicisme éclectique propre au XIXème siècle. Les matériaux modernes, fonte, verre rencontrent les formes empruntées au gothique ogival de la fin du XIIIème siècle. D'aspect ancien, elle dispose des installations à la pointe de la modernité, éclairage au gaz, chauffage par calorifère. Inaugurée en présence de l'impératrice Eugénie (1826-1886) pour les célébrations de Noël 1855, elle rend hommage à Eugène de Beauharnais, oncle de Napoléon III (1808-1873). Le mariage de Jules Vernes et Honorine de Viane y est célébré le 10 janvier 1857.

Depuis 1952, l'église Saint Eugène Sainte Cécile a adopté un double vocable, sainte Cécile patronne des musiciens, ayant été ajouté en raison de la proximité du Conservatoire. L'église est entièrement classée au titre des Monuments historiques par arrêté du 21 mars 1983, protection remplaçant l'inscription du 15 janvier 1975.








En 1853, la libération d'une partie des terrains de l'ancien Hôtel des Menus plaisirs permet la création des rues Sainte Cécile et du Conservatoire. Le domaine composait jusqu'alors un vaste quadrilatère de la rue Richer au Nord, la rue du Faubourg-Poissonnière à l'Est, la rue Bergère au Sud et les parcelles Ouest de la rue du Conservatoire. Saint Eugène est l'une des sept nouvelles paroisses, créée sous le Second Empire. Jusqu'alors le Faubourg Poissonnière dépendait de l'église Saint Laurent.

Le maître d'ouvrage abbé Coquant, curé de la paroisse propriétaire du terrain, historien d'art, finance la construction de l'église paroissiale future Saint Eugène Sainte Cécile et influence profondément son esthétique. Deux architectes aux visions complémentaires collaborent à la construction. Adrien Louis Lusson (1788-1864), de formation classique, entretient une vision académique à laquelle Louis-Auguste Boileau (1814-1896), sensible à l'enseignement de Viollet-le-Duc ajoute une réflexion sur les possibilités plastiques des nouveaux matériaux à disponibilité. 

Inspiré par les expérimentations de l'architecture civile et industriel, Boileau utilise le fer dans le cadre d'un édifice religieux et l'adapte à la forme historique gothique. Aidé par son fils Louis-Charles Boileau (1837-1914) l'un des futurs architectes de Bon Marché, il propose de réaliser des économies considérables grâce à l'ossature métallique et au principe de préfabrication des éléments structurels. Au final, le coût total du chantier s'élève 500 000 francs soit sept fois moins au mètre carré que les lieux de culte conçus sans ossature métallique, tels que l'église de la Madeleine contemporaine.








L'église Saint Eugène, longue de 50 mètres, large de 23 mètres, s'élève au niveau de la nef principale à 23 mètres de haut, et 15 mètres pour les nefs latérales. La légèreté des matériaux modernes diminue le poids de la voûte, faisant disparaître arcs-boutants et contreforts induits par l'utilisation de la pierre. Des nervures métalliques, arceaux soulignés de rouge et de jaune, parcourent les voûtes ogivales, étoilées sur fond d'or. 

Le plan sans transept libère une grande surface au sol ce qui permet de développer des tribunes sur toute la longueur. Les trois nefs s'achèvent en absides, la centrale ouverte sur le maître autel, les deux autres sur les chapelles de la Vierge et de saint Eugène. La couverture métallique repose sur quarante-quatre colonnes de fonte préfabriquées, colonnettes creuses de 30 centimètres de diamètre, épaisses de 2 centimètres, peintes d'un vert bronze rehaussé d'or à l'instar des colonnes de pierre de Saint Germain des Prés. Boileau s'inspire du réfectoire de Saint Martin des Champs, aujourd'hui occupé par la bibliothèque des Arts et Métiers. Les piliers de métal de l'église Saint Eugène Sainte Cécile en reprennent les proportions et les moulurations. Toute la maçonnerie, simple remplissage, est peinte.








Les volumes libres confèrent une importance considérable aux surfaces vitrées. L'église Saint Eugène Sainte Cécile est éclairée par une série de quarante-six vitraux réalisés entre 1855 et 1858, oeuvres de quatre ateliers. Les maîtres verriers, Gaspard Gsell (1814-1904), Antoine Lusson fils (1840-1876), qui remporte en 1849 le concours pour la restauration des vitraux de la Sainte Chapelle, Eugène Oudinot (1827-1889) et Pierre Petit-Gérard (1852-1933), font entrer la lumière et la couleur. 

Les quatorze stations du Chemin de Croix par Oudinot d'après les cartons de Gérard Seguin, ainsi que la vie de Jésus, privée et publique ponctuent les allées le long de la nef. La grande verrière de l'abside centrale figure la Cène, Jésus au jardin des oliviers, la Transfiguration. Les vitraux des absides latérales évoquent la vie de la Vierge d'un côté, celle de saint Eugène de l'autre. 








Louis-Charles Boileau dessine le mobilier de bois et de fonte moulée, les lustres de style Second Empire, chaire, stalles, confessionnaux, escaliers des tribunes. Le maître-autel abrite treize niches trilobées dans lesquelles se trouvent des statuettes. Les éléments architecturaux remplacent les chandeliers dans le retable à jour qui le surmonte. Cette réalisation s'inspire des dispositions de la cathédrale de Clermont-Ferrand. Un orgue de Merklin et Schültze complètent le dispositif. Le décor peint a entièrement restauré en 1982-84 reprenant au plus près les ornementations originelles de 1854.

Église Saint Eugène Sainte Cécile
4 rue du Conservatoire - Paris 9
Métro Bonne Nouvelle lignes 8, 9 - Grands Boulevard lignes 8, 9



Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie. 

Bibliographie
Le guide du patrimoine Paris - sous la direction de Jean-Marie Pérouse de Montclos - Hachette
Le guide du promeneur 9è arrondissement - Maryse Goldemberg - Parigramme